Rien, zéro,
mine sans minerai,
caverne où rien ne rôde,
de sang plus une goutte.
EMMET TILL
your eyes were a sea conch in which the vinous battle
of your fifteen-year-old blood sparkled.
Even young they never had an age,
or rather upon them weighed,
more than all the skyscrapers, five centuries of torturers of witch burners,
EMMET TILL
marine où pétillait la bataille de vin
de ton sang de quinze ans.
Eux jeunes n’avaient jamais eu d’âge,
ou plutôt sur eux pesaient,
plus que tous les gratte-ciel, cinq siècles de tortionnaires de brûleurs de sorcières,
five centuries of cheap gin of big cigars
of fat bellies filled with slices of rancid bibles
five centuries mouth bitter from the sins of biddies,
they were five centuries old EMMET TILL,
five centuries is the ageless age of Cain’s stake.
cinq siècles de mauvais gin de gros cigares
de grasses bedaines remplies de bibles rancies
cinq siècles bouche amère de péchés de rombières,
ils avaient cinq siècles EMMET TILL,
cinq siècles est l’âge sans âge du pieu de Caïn.
EMMET TILL I say:
in our hearts zero
of blood not a drop,
and as for yours may it hide my sun, with my bread
be mixed:
EMMET TILL je dis :
au cœur zéro,
de sang pas une goutte,
et pour le tien qu’il me cache le soleil, qu’à mon pain
il se mêle
—“Chicago Boy
is it still true that you’re worth
as much as a white man?”
Spring, he believed in you. Even at the edge of night,
on the bank of the Mississipi rolling between high banks of race hatred its bars, its barriers, its tombal
avalanches.
– « Garçon de Chicago
c’est-il toujours vrai que tu vaux
autant qu’un blanc ? »
Printemps, c’est à toi qu’il croyait. Même au bord de la nuit, au bord du MISSISSIPI roulant entre les hautes berges de la haine raciale ses barreaux, ses tombales
avalanches.
In spring flowing its rumors into the portholes of eyes.
In spring hound-calling the bovine panic in the savannas of the blood,
In spring slipping the gloves from its fine hands in a burst
of shells and silicas,
loosener of fear clots, dissolver of the clots of hatred swollen with age and in the flow of blood-streams carrying
Au printemps affluant ses rumeurs dans le hublot des yeux.
Au printemps huchant la panique aumaille dans les savanes du sang.
Au printemps dégantant ses fines mains parmi un éclat
de coques et de siliques,
délieur de caillots à peur, dissolveur des caillots de la haine gonflée d’âge et au fil des fleuves du sang charriant
the hazardous rubric of stalked beasts
But They
they were invulnerable, backward as they were,
and mounted, massive, on bizarre immemorial billygoats
—“CHICAGO BOY. . .”
la hasardeuse rubrique des bêtes à l’affût.
Mais Eux
eux étaient invulnérables, tardifs qu’ils étaient,
et montés, massifs, sur de louches boucs immémoriaux
– « GARÇON DE CHICAGO »…
Gone with the stammering of the racial wind
He listens in the blue bush of veins
to the steady singing of the blood-bird,
he anticipates above the banks of sleep
rising in the surprising blue field
Sun, your furtive step, vehement fish.
Autant en emporte le béguètement du vent racial
Lui écoute dans le bleu buisson des veines
chanter égal l’oiseau-sang,
devine par-dessus les berges à sommeil
monter dans le bleu champ surprenant
Soleil, ton pas furtif, poisson véhément.
Then night remembered his arm
a flabby vampire’s flight suddenly hovering
and BIG MILLAM’S Colt 45
on the living black wall
writing in rusty letters the verdict and the state of the Union:
Alors la nuit se souvint de son bras
mou vol de vampire qui tout soudain plana
et le gros colt de BIG MILLAM
sur le noir mur vivant
en lettres de rouille écrivit la sentence et l’état de l’Union :
20 years of zinc
15 years of copper
15 years of oil
and the 180th year of these states
but in the unfeeling clockwork heart
what, nothing, zero,
of blood not a drop
in the white heart’s tough disinfected meat?
20 ans de zinc
15 ans de cuivre
15 ans de pétrole
et l’an 180 de ces états
mais au cœur indolore horlogerie
quoi, rien, zéro,
de sang pas une goutte
au carne blanc cœur désinfecté ?
Africa
Afrique
your solar tiara forced down around your neck by rifle butts
they have turned it into a carcan; your clairvoyance
they’ve put out its eyes; prostituted your chaste face;
screaming that it was guttural, they muzzled
your voice, which was speaking in the silence of shadows.
ta tiare solaire à coups de crosse enfoncée jusqu’au cou
ils l’ont transformée en carcan ; ta voyance
ils l’ont crevée aux yeux ; prostitué ta face pudique ;
emmuselé, hurlant qu’elle était gutturale,
ta voix, qui parlait dans le silence des ombres.
Africa,
do not tremble this is a new fight,
the living wave of your blood secretes unfailingly
constant a season; night is today at the bottom of the ponds
the formidable unstable back of a half-asleep star,
and persevere and fight—had you for conjuring up space
only the space of your name irritated by drought.
Afrique,
ne tremble pas le combat est nouveau,
le flot vif de ton sang élabore sans faillir
constante une saison ; la nuit c’est aujourd’hui au fond des mares
le formidable dos instable d’un astre mal endormi,
et poursuis et combats – n’eusses-tu pour conjurer l’espace
que l’espace de ton nom irrité de sécheresse.
Snout holes snout holes
land pitted with snout holes
sacked
tattooed
great body
massive disfigure where the tough snout rooted
Boutis boutis
terre trouée de boutis
sacquée
tatouée
grand corps
massive défigure où le dur groin fouilla
Africa the forgotten days that always walk
to the recurved shells in the doubts of the gaze
shall spring before the public face amidst happy ruins,
on the plain
the white tree with helping hands shall be each tree
a tempest of trees in the unparalleled foam and the sands,
Afrique les jours oubliés qui cheminent toujours
aux coquilles recourbées dans les doutes du regard
jailliront à la face publique parmi d’heureuses ruines,
dans la plaine
l’arbre blanc aux secourables m
ains ce sera chaque arbre
une tempête d’arbres parmi l’écume non pareille et les sables,
hidden things shall again climb the slopes of dormant musics,
a wound today is an oriental cavern,
a shuddering that issues from rare forgotten fires, it is,
from blemishes sprung out of the ash of bitter words
of scars, all smooth and new, a face
of long ago, cached bird spat out, bird brother of the sun.
les choses cachées remonteront la pentes des musiques endormies,
une plaie d’aujourd’hui est caverne d’orient,
un frissonnement qui sort des rares feux oubliés, c’est,
des flétrissures jailli de la cendre des paroles amères
de cicatrices, tout lisse et nouveau, un visage
de jadis, caché oiseau craché, oiseau frère du soleil.
Out of Alien Days
Hors des jours étrangers
my people
when
out of alien days
on your reknotted shoulders will you sprout a head truly yours
and your word
mon peuple
quand
hors des jours étrangers
germeras-tu une tête bien tienne sur tes épaules renouées
et ta parole
the notice dispatched to the traitors
to the masters
the restored bread the washed earth
the given earth
le congé dépêché aux traîtres
aux maîtres
le pain restitué la terre lavée
la terre donnée
when
when will you cease to be the dark toy
in the carnival of others
or in another’s field
the obsolete scarecrow
quand
quand donc cesseras-tu d’être le jouet sombre
au carnaval des autres
ou dans les champs d’autrui
l’épouvantail désuet
tomorrow
when is tomorrow my people
the mercenary rout
once the feast is finished
demain
à quand demain mon peuple
la déroute mercenaire
finie la fête
but the redness of the east in a balisier* heart
people of broken foul sleep
people of reclimbed abysses
people of tamed nightmares
nocturnal people lovers of the furies of thunder
tomorrow higher sweeter broader
mais la rougeur de l’est au cœur de balisier
peuple de mauvais sommeil rompu
peuple d’abîmes remontés
peuple de cauchemars domptés
peuple nocturne amant des fureurs du tonnerre
demain plus haut plus doux plus large
and the torrential swell of lands
under the salubrious plow of the storm
et la houle torrentielle des terres
à la charrue salubre de l’orage
To Salute the Third World
Pour saluer le tiers monde
for Léopold Sedar Senghor
à Léopold Sedar Senghor
Ah!
my island half-sleep so troubled
on the sea!
Ah !
mon demi-sommeil d’île si trouble
sur la mer !
And behold of all the points of peril
history makes the sign I was awaiting,
I see nations grow.
Green and red, I salute you,
banners, throats of ancient wind,
Mali, Guinea, Ghana
Et voici de tous les points du péril
l’histoire qui me fait le signe que j’attendais,
Je vois pousser des nations.
Vertes et rouges, je vous salue,
bannières, gorges du vent ancien,
Mali, Guinée, Ghana
and I see you, men,
not at all awkward under this new sun!
et je vous vois, hommes,
point maladroits sous ce soleil nouveau !
Listen:
from my remote island
from my watchful island
I cry Hoo to you!
And your voices answer me
and what they say means:
“It’s a bright day.” And that is true:
even through storm and night
for us it is bright.
From here I see Kivu descending toward Tanganyika
along Ruzizi’s silver stairway
(she is the tall girl with each step
bathing the night with a shiver of hair)
Écoutez :
de mon île lointaine
de mon île veilleuse
je vous dis Hoo !
Et vos voix me répondent
et ce qu’elles disent signifie :
« Il y fait clair ». Et c’est vrai :
même à travers orage et nuit
pour nous il y fait clair.
D’ici je vois Kiwu vers Tanganika descendre
par l’escalier d’argent de la Ruzizi
(c’est la grande fille à chaque pas
baignant la nuit d’un frisson de cheveux)
from here, I see knotted
Benue, Logone and Chad;
bound, Senegal and Niger.
Roaring, silence and night roaring, from here I listen to
the Nyiragongo roar.
d’ici, je vois noués
Bénoué, Logone et Tchad ;
liés, Sénégal et Niger.
Rugir, silence et nuit rugir, d’ici j’entends
rugir le Nyaragongo.
Hatred, yes, either the ban or the tiller
and the grumbling crew, but
once bruised by a stiff wind, I saw
the slave master’s mug recede!
De la haine, oui, ou le ban ou la barre
et l’arroi qui grunnit, mais
d’un roide vent, nous contus, j’ai vu
décroître la gueule négrière !
I see Africa multiple and one
vertical in the tumultuous peripeteia
with her folds of fat, her nodules,
slightly to the side, but within reach
of the century, like a heart in reserve.
Je vois l’Afrique multiple et une
verticale dans la tumultueuse péripétie
avec ses bourrelets, ses nodules,
un peu à part, mais à portée
du siècle, comme un cœur de réserve.
And I cry again: Hoo mother!
and I raise my strength
lowering my head.
Oh my earth!
let me crumble it tenderly between thumb and forefinger
let me rub my chest with it, my arm,
my left arm,
let me caress my right arm with it.
Et je redis : Hoo mère !
et je lève ma force
inclinant ma face.
Oh ma terre !
que je me l’émiette doucement entre pouce et index
que je m’en frotte la poitrine, le bras,
le bras gauche,
que je m’en caresse le bras droit.
Hoo my earth is good,
your voice is good too
with that soothing that comes
from a rising sun!
Hoo ma terre est bonne,
ta voix aussi est bonne
avec cet apaisement que donne
un lever de soleil !
Earth, forge and silo. Earth showing us our paths,
it is here that a truth is perceived,
quieting the flashing rags of the cruel old display.
Terre, forge et silo. Terre enseignant nos routes,
c’est ici, qu’une vérité s’avise,
taisant l’oripeau du vieil éclat cruel.
Look:
&nb
sp; Africa is no longer
a black heart striated
by the diamond of misfortune;
Vois :
l’Afrique n’est plus
au diamant du malheur
un noir cœur qui se strie ;
our Africa is a hand free from the cestus,
it is a just hand, palm forward
and fingers held tight;
notre Afrique est une main hors du ceste,
c’est une main droite, la paume devant
et les doigts bien serrés ;
it is a swollen hand,
a-wounded-open-hand,
extended,
brown, yellow, white,
to all hands, to all wounded hands
in the world.
c’est une main tuméfiée,
une-blessée-main-ouverte,
tendue,
brunes, jaunes, blanches,
à toutes mains, à toutes les mains blessées
du monde.
Indivisible
Indivisible
against all that which weighs leper currency
against the evil spell
our weapon can only be
the charred stake of noon
bursting
in all areas
the dense eyeball of crime
contre tout ce qui pèse valeur de lèpre
contre le sortilège mauvais
notre arme ne peut être
que le pieu flambé de midi
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 51