La Vallée des chevaux

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La Vallée des chevaux Page 6

by Jean M. Auel


  C’est à Jondalar qu’elle s’adressait, mais elle regardait Laduni.

  — Il serait peut-être temps, Laduni, de me présenter la ravissante fille de ton foyer, intervint Jondalar.

  — Où allons-nous si la fille de son propre foyer vient saper les affaires, maugréa celui-ci. (Puis il ajouta avec un sourire empli de fierté :) Jondalar des Zelandonii, voici Filonia des Losadunaï.

  Filonia se tourna vers Jondalar et elle se sentit aussitôt prise au piège des grands yeux bleus qui lui souriaient. Attirée maintenant par le frère aîné, elle baissa la tête pour cacher son trouble.

  — Si tu crois que je n’ai pas vu la lueur qui vient de s’allumer dans tes yeux, Jondalar ! plaisanta Thonolan. Et n’oublie pas que c’est moi qui ai fait sa connaissance en premier. Allons, viens, Filonia. Partons d’ici. Tu n’as rien à faire avec mon frère. Et je suis persuadé que tu n’as aucune envie de rester avec lui... (Il se tourna vers Laduni, l’air faussement outragé.) A chaque fois c’est la même chose. Un seul regard, et c’est dans la poche ! Comme j’aurais aimé hériter des mêmes dons que mon frère...

  — De ce côté-là, tu n’as pas trop à te plaindre, il me semble, Petit Frère ! remarqua Jondalar en éclatant de rire.

  Filonia se tourna vers Thonolan et fut soulagée de découvrir qu’il était aussi attirant qu’elle l’avait pensé au premier abord. Le jeune homme la prit par l’épaule et l’emmena de l’autre côté du feu. Elle se laissa faire mais ne put s’empêcher de tourner la tête pour jeter un coup d’œil à Jondalar.

  — Quand nous avons des visiteurs, confia-t-elle avec un sourire, nous organisons toujours une fête en l’honneur de Duna.

  — Ils préfèrent continuer à voyager plutôt que venir à la Caverne, Filonia, prévint Laduni.

  La jeune femme parut désappointée mais cela ne l’empêcha pas de sourire à nouveau à Thonolan.

  — Ah, être jeune à nouveau ! dit Laduni avec un petit rire. J’ai l’impression, ajouta-t-il, que quand les femmes choisissent des hommes jeunes, elles sont plus souvent bénies par Duna. La Grande Mère accorde plus facilement ses faveurs à ceux qui apprécient le Don du Plaisir.

  Jondalar plaça son sac derrière le tronc d’arbre puis se tourna vers le feu. Le ragoût de gibier était en train de cuire dans une peau suspendue au-dessus du feu, soutenue par une armature faite d’os attachés ensemble. Une femme tendit à Jondalar un bol en bois rempli de bouillon et de gibier et s’assit à côté de lui sur le tronc. Pour piquer les morceaux de viande ou de légumes – des tubercules que les Losadunaï avaient apportés avec eux – Jondalar utilisa son couteau en silex, puis il but le bouillon qui restait dans le bol. Quand il eut fini de manger, la femme lui apporta un bol plus petit qui contenait une infusion de plantes. Il la remercia d’un sourire. Elle avait quelques années de plus que lui, juste l’âge voulu pour avoir troqué la grâce de la jeunesse contre la beauté de la maturité. Elle lui sourit en retour et s’installa de nouveau à côté de lui.

  — Est-ce que tu parles zelandonii ? demanda-t-il.

  — Parle un petit peu, dit-elle. Comprends plus.

  — Dois-je demander à Laduni de nous présenter ou puis-je me permettre de te demander ton nom ?

  La femme sourit à nouveau, avec cet air de supériorité que donne l’expérience.

  — Seules les jeunes filles ont besoin que quelqu’un dise le nom, répondit-elle. Moi, Lanalia. Toi, Jondalar.

  — Oui, répondit-il.

  Le contact de la jambe de cette femme contre la sienne l’excitait et cela se voyait clairement dans son regard. Dans les yeux de Lanalia se lisait la même attente. Il avança sa main vers sa cuisse. Lanalia se serra encore plus contre lui. Il vit là non seulement un encouragement à aller plus loin mais aussi la promesse d’une femme expérimentée. Bien que ce fût inutile, il hocha la tête en signe d’acquiescement. Lanalia regarda alors par-dessus son épaule. Jondalar suivit son regard et aperçut Laduni qui s’approchait d’eux. Lanalia s’écarta légèrement de lui : il faudrait qu’il attende un peu avant qu’elle puisse tenir sa promesse.

  Laduni s’installa près d’eux et, peu après, Thonolan les rejoignit avec Filonia. Très vite il y eut foule autour des deux visiteurs et on échangea des plaisanteries que Laduni traduisait au fur et à mesure pour ceux qui ne comprenaient pas le zelandonii. Finalement, Jondalar décida qu’il était temps d’aborder des questions plus sérieuses.

  — Laduni, que sais-tu à propos de ceux qui vivent en aval du fleuve ? demanda-t-il.

  — Parfois, il arrive qu’un S’Armunaï nous rende visite, répondit celui-ci. Mais il y a longtemps que nous n’en avons pas vu. Tu sais ce que c’est, Jondalar... Les jeunes qui partent en Voyage choisissent souvent le même itinéraire. Au bout d’un certain temps, comme tout le monde le connaît, cet itinéraire ne présente plus d’intérêt et on l’abandonne. Au bout d’une génération ou deux, seuls les anciens s’en souviennent et, pour les jeunes, cela redevient une aventure. Leurs ancêtres les ont précédés sur ce chemin, mais ils ont l’impression d’innover.

  — Pour eux, c’est nouveau, fit remarquer Jondalar, dans l’espoir de couper court à ces considérations philosophiques. (Ce dont il avait besoin, c’était de renseignements pratiques et il demanda :) Connais-tu leurs coutumes ? Ou quelques mots de leur langue ? Comment souhaitent-ils la bienvenue ? Y a-t-il des choses à ne pas faire pour éviter de les offenser ?

  — Je ne sais pas grand-chose d’eux, avoua Laduni. Et rien de récent. Il y a quelques années, un homme est parti en direction de l’est, mais il n’est jamais revenu. Peut-être s’est-il fixé là-bas... Il y en a qui disent que leurs dunaï sont faites avec de la boue. Mais, à mon avis, ce sont des racontars. Je ne vois pas pourquoi on se servirait de boue pour reproduire l’image sacrée de la Grande Mère. Tout le monde sait que la boue s’effrite en séchant.

  — Peut-être choisissent-ils la boue car c’est plus proche de la terre, observa Jondalar. Certaines personnes aiment la pierre pour cette raison.

  Tandis qu’il parlait, Jondalar ne put s’empêcher de tâter la petite statuette en pierre qui se trouvait dans une poche attachée à sa ceinture. Cette statuette représentait une femme obèse : elle avait une énorme poitrine, un ventre proéminent, des fesses et des cuisses impressionnantes. Ses bras et ses mollets étaient insignifiants et à peine esquissés car ce qui comptait, c’était qu’elle possède les attributs de la Mère. Sa tête formait une bosse en haut du corps, ses traits n’étaient pas représentés et ses cheveux, simplement suggérés, recouvraient presque entièrement son visage.

  Personne n’avait jamais contemplé le visage grandiose et terrifiant de Doni, la Grande Terre Mère, l’Aïeule Ancestrale, la Première Mère, Créatrice et Soutien de toute vie, Celle qui bénissait les femmes en leur transmettant Son pouvoir de créer et d’engendrer la vie. Et aucune donii, ces petites représentations à Son image et porteuses de Son Esprit, ne suggérait les traits de Son visage. Même quand on la voyait en rêve, Son visage n’apparaissait jamais clairement, bien qu’à en croire les hommes, elle possédât un corps jeune et nubile. Certaines femmes prétendaient qu’elles pouvaient prendre la forme de Son esprit et voler alors aussi vite que le vent pour porter chance ou assouvir une vengeance, et Sa vengeance pouvait être terrible.

  Quand on provoquait Sa colère ou qu’on La déshonorait, Elle était capable de commettre des actes effrayants, le plus terrible consistant à reprendre le merveilleux Don du Plaisir, qu’elle offrait aux femmes qui choisissaient de s’ouvrir à un homme. La Grande Mère, et même, prétendait-on, Ceux Qui La Servaient pouvaient donner à un homme le pouvoir de partager Son Don avec autant de femmes qu’il le désirait et aussi souvent qu’il le voulait mais Elle pouvait aussi lui retirer ce pouvoir et l’homme alors ne pouvait plus donner de Plaisir à aucune femme ni en prendre lui-même.

  Machinalement, Jondalar caressait les seins pendants de sa donii en espérant que la chance serait de leur côté durant tout leur Voyage. Certains ne revenaient jamais, mais cela faisait parti
e de l’aventure. Il avait cessé d’écouter ce qui se disait mais quand Thonolan parla des Têtes Plates, il dressa à nouveau l’oreille.

  — Que savez-vous des Têtes Plates qui vivent non loin d’ici ? était en train de demander son frère. Nous en avons rencontré une bande il y a quelques jours et j’ai bien cru que c’était la fin de notre Voyage.

  Soudain attentifs, tous se tournèrent vers Thonolan.

  — Que s’est-il passé ? demanda Laduni d’une voix tendue. Thonolan raconta ce qui leur était arrivé avec les Têtes Plates.

  — Charoli ! s’écria Laduni.

  — Qui est Charoli ? demanda Jondalar.

  — Un jeune homme de la Caverne des Tomasi. Il dirige une bande de brutes et ils ont décidé de s’amuser avec les Têtes Plates. Jusque-là, nous n’avions eu aucun problème avec eux. Ils vivaient d’un côté de la rivière et nous de l’autre. Quand nous traversions, ils ne s’approchaient jamais de nous, sauf lorsque nous nous attardions. Et même alors, ils se contentaient de nous faire comprendre qu’ils étaient en train de nous observer. Et cela suffisait pour que nous fassions demi-tour. On se sent toujours un peu nerveux quand une bande de Têtes Plates vous observe.

  — Absolument vrai ! reconnut Thonolan. Mais que veux-tu dire par « s’amuser avec les Têtes Plates » ? Ça ne me viendrait pas à l’idée d’aller leur chercher des ennuis.

  — Au début, c’était histoire de plaisanter. Un des jeunes de la bande a dû en mettre un autre au défi d’attraper un Tête Plate. Et eux, ils ne sont pas commodes quand on les ennuie. Alors les jeunes se sont mis à plusieurs et chaque fois qu’ils rencontraient un Tête Plate isolé, ils l’encerclaient, se moquaient de lui, puis le pourchassaient quand il s’enfuyait. Les Têtes Plates ont du souffle, mais ils ont les jambes courtes. Un homme peut les dépasser à la course, mais il a quand même intérêt à ne pas s’arrêter. J’ignore comment ça a commencé mais les amis de Charoli ont fini par se battre contre eux. Un des Têtes Plates a dû se rebiffer et en attraper un. Les autres lui sont tombés dessus pour venir au secours de leur ami. Quoi qu’il en soit, c’est devenu une habitude. Mais même en se mettant à plusieurs pour attaquer un Tête Plate, il leur est arrivé plus d’une fois d’encaisser des coups.

  — Je veux bien te croire, dit Thonolan.

  — Mais ce qu’ils ont fait ensuite est encore pire, intervint Filonia.

  — Filonia ! C’est dégoûtant ! Je ne veux pas t’entendre parler de ça ! s’écria Laduni qui semblait vraiment en colère.

  — Qu’ont-ils fait ? demanda Jondalar. Si nous devons traverser le territoire des Têtes Plates, nous avons besoin de le savoir.

  — Je suppose que tu as raison, Jondalar. Mais je n’aime pas parler de ça devant Filonia.

  — Je suis une femme maintenant, fit remarquer Filonia, d’un ton qui manquait de conviction.

  Après l’avoir observée d’un air pensif, Laduni se décida.

  — Quand les mâles ont commencé à se déplacer par deux ou en groupe, Charoli et sa bande n’ont plus osé les attaquer. Ils s’en sont donc pris aux femelles. Mais la femelle Tête Plate ne se défend pas quand on l’attaque : elle essaie de se cacher et elle s’enfuit. Charoli et ses gars n’ont pas dû trouver ça drôle et ils sont passés avec elles à un autre genre de sport. Je ne sais pas qui a commencé... Ce doit être Charoli qui a eu cette brillante idée. C’est tout à fait son genre.

  — Quelle idée ? demanda Jondalar.

  — Ils ont obligé les femelles à... commença Laduni. (Incapable de continuer, il se leva d’un bond, fou de rage.) C’est une abomination ! s’écria-t-il. Ils déshonorent la Mère ! Ils abusent de Son Don ! Ils se conduisent comme des animaux ! Pire que les animaux ! Pire que les Têtes Plates !

  — Tu veux dire qu’ils prennent leur Plaisir avec des femelles Têtes Plates ? demanda Thonolan. Qu’ils les violent ?

  — Non seulement ils le font, mais ils s’en vantent ! intervint Filonia. Jamais je ne me laisserai approcher par un homme qui a pris son Plaisir avec une Tête Plate !

  — Filonia ! Je ne veux pas entendre ces mots-là de ta bouche ! Tu n’as pas à en parler ! dit-il, le visage figé par la colère.

  — Bien, Laduni, fit Filonia, toute honteuse, en baissant la tête.

  — Je me demande ce qu’ils en pensent, dit Jondalar. A mon avis, c’est ce qui a poussé le jeune à m’attaquer. Je suppose qu’ils étaient furieux. J’ai entendu dire qu’ils étaient peut-être humains – et si c’est le cas...

  — Moi aussi, j’ai déjà entendu ça ! dit Laduni en essayant de retrouver son calme. Mais ne va pas croire des bêtises pareilles !

  — Le chef de la bande avec laquelle nous nous sommes retrouvés nez à nez avait l’air débrouillard et ils marchent sur leurs deux jambes, exactement comme nous.

  — Les ours aussi marchent sur leurs pattes de derrière parfois. Les Têtes Plates sont des animaux ! Des animaux intelligents mais des animaux ! (Conscient du malaise du groupe, Laduni ajouta d’une voix plus calme :) Les Têtes Plates sont inoffensifs, sauf quand on les embête. Je ne pense pas que le jeune qui vous a attaqués ait agi ainsi à cause des femelles. A mon avis, ils ne savent pas à quel point l’attitude de Charoli et de sa bande déshonore la Mère. On les harcèle et ils se défendent. Exactement comme les animaux : quand on les embête trop, ils finissent par vous attaquer.

  — J’ai l’impression, dit Thonolan, que la bande de Charoli ne nous simplifie pas les choses. Nous avions l’intention de passer sur l’autre rive avant que le cours d’eau que nous suivons devienne la Grande Rivière Mère. Car, plus nous avancerons, plus il sera difficile de traverser.

  Laduni sourit. Maintenant qu’ils avaient changé de sujet, il avait oublié sa colère.

  — La Grande Rivière Mère a de nombreux affluents, Thonolan, expliqua-t-il, et la plupart sont de larges cours d’eau qu’il vous faudra bien traverser si vous comptez suivre la Rivière jusqu’à son embouchure. Si je peux me permettre un conseil : restez sur cette rive jusqu’à ce que vous arriviez à un grand tourbillon. A cet endroit, la Rivière coule dans une région plate et elle se sépare en plusieurs bras ; vous aurez alors beaucoup moins de mal. Par ailleurs, il fera plus chaud. Si vous voulez rendre visite aux S’Armunaï, dirigez-vous vers le nord après avoir traversé.

  — Où se trouve le tourbillon ? demanda Jondalar.

  — Je vais vous faire une carte, proposa Laduni en sortant son couteau. Passe-moi un morceau d’écorce, Lanalia. Il est possible qu’en chemin d’autres puissent ajouter de nouveaux repères sur cette écorce. En comptant le temps qu’il vous faut pour atteindre l’autre rive et pour chasser, ce devrait être l’été quand vous arriverez à l’endroit où le fleuve bifurque vers le sud.

  — L’été, répéta Jondalar d’un air rêveur. J’en ai assez de la glace et de la neige. Je ne sais pas si je pourrai tenir jusqu’à l’été. J’ai besoin de chaleur.

  Lanalia rapprocha à nouveau sa jambe de la sienne. Il posa sa main sur sa cuisse et, cette fois-ci, l’y laissa.

  3

  Quand Ayla amorça sa descente le long de la paroi rocheuse et escarpée qui surplombait la rivière, les premières étoiles apparaissaient dans le ciel du soir. Dès qu’elle eut franchi le bord du ravin, le vent tomba brusquement et elle s’arrêta un court instant pour savourer l’accalmie. Mais la paroi interceptait aussi les dernières lueurs du jour. Et lorsqu’elle parvint au fond, les buissons qui bordaient la rivière n’étaient plus qu’un amas confus se découpant sur le ciel parsemé de myriades d’étoiles.

  Après s’être arrêtée au bord du cours d’eau pour boire, elle se dirigea vers la paroi, là où il faisait le plus sombre. La falaise lui donnait un sentiment de sécurité qu’elle n’avait jamais éprouvé dans les immenses plaines et elle ne jugea pas utile de monter sa tente. Elle étendit sa fourrure sur le sol, s’y coucha et rabattit les pans sur elle. Avant de s’endormir, elle aperçut la lune dont le disque presque plein se détachait en haut du ravin.

  Elle se réveilla en poussant un cri. Terrorisée, l
e cœur battant à tout rompre, elle se leva brusquement et tenta de percer les épaisses ténèbres qui l’entouraient. Il y eut comme une détonation et, au même instant, la lueur d’un éclair l’aveugla. Tremblante de peur, elle bondit sur ses pieds. Elle vit alors la cime d’un grand pin, qui venait d’être frappé par la foudre, glisser lentement vers le sol, retenue dans sa chute par la partie du tronc à laquelle elle s’accrochait encore. Aussitôt l’arbre se mit à flamber, projetant des ombres grotesques sur la paroi rocheuse.

  Puis il se mit soudain à pleuvoir. Le feu qui, l’instant d’avant, crépitait, chuinta sous l’assaut de la pluie diluvienne et finit par s’éteindre. Blottie contre la paroi, ne sentant ni les larmes qui lui mouillaient le visage ni la pluie, Ayla était encore sous le coup du cauchemar qui l’avait réveillée. Semblable au grondement d’un tremblement de terre, le premier coup de tonnerre avait réactivé un rêve fréquent, dont elle ne se souvenait jamais très bien au réveil mais qui provoquait chez elle un sentiment nauséeux d’inquiétude et une tristesse accablante. Un autre éclair illumina la nuit et Ayla aperçut à nouveau le tronc brisé par la foudre.

  Terrorisée, elle saisit son amulette. Le tonnerre et les éclairs n’étaient qu’en partie responsables de la crainte irraisonnée qu’elle éprouvait. Elle n’avait jamais aimé les orages, mais elle y était habituée. Elle savait qu’ils étaient plus bénéfiques que destructeurs. Plus encore que l’orage, c’est le cauchemar qu’elle venait de faire qui l’avait bouleversée. Au cours de sa vie, chaque fois que la terre avait tremblé, elle avait été séparée de ceux qu’elle aimait : à l’âge de cinq ans, elle s’était soudain retrouvée seule au monde et plus récemment, elle avait perdu Creb pour toujours.

  Elle finit par se rendre compte qu’elle était mouillée et sortit sa tente de son panier. Elle la posa par-dessus la fourrure, se glissa à l’intérieur et cacha sa tête sous la peau d’aurochs. Le contact de la fourrure la réchauffa mais elle avait toujours aussi peur. Elle attendit que l’orage se calme pour oser se rendormir.

 

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