La Vallée des chevaux

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La Vallée des chevaux Page 28

by Jean M. Auel


  — Qu’est donc devenu le Thonolan qui voulait voyager jusqu’à l’embouchure de la Grande Rivière Mère ?

  — Un jour, j’irai. Rien ne presse. Ce n’est pas si loin que ça. Je pense que je demanderai à Dolando de m’emmener la prochaine fois qu’il ira troquer du sel. Je proposerai à Jetamio de m’accompagner. Je pense que ça lui fera plaisir. A condition, bien entendu, que nous ne soyons pas absents trop longtemps. N’ayant jamais connu sa mère, elle est très attachée à sa tribu. C’est quelque chose que je comprends très bien. Toi aussi, tu es comme elle, Grand Frère.

  — Pourquoi en es-tu si sûr ? demanda Jondalar en baissant les yeux pour éviter le regard de Thonolan. Qui te dit que je ne suis pas, moi aussi, amoureux ? Serenio est très belle. Quant à Darvo, ajouta-t-il en souriant pour la première fois, il a absolument besoin qu’un homme s’occupe de lui. Je suis sûr qu’il fera un excellent tailleur de silex plus tard.

  — Je te connais trop bien, Grand Frère. Ce n’est pas parce que tu vis avec une femme que tu l’aimes pour autant. Je sais que tu adores cet enfant, mais ce n’est pas suffisant pour que tu t’engages vis-à-vis de sa mère et surtout pour que tu décides de t’installer ici. Rentre chez toi et choisis une femme d’un certain âge, qui ait déjà pas mal d’enfants. Comme ça, tu seras assuré de pouvoir former toute une ribambelle de tailleurs de silex.

  Avant que Jondalar ait pu répondre, un gamin de douze ans arriva en courant. Il était grand pour son âge et élancé, et les traits de son visage étaient fins et délicats, comme ceux d’une fille. Ses cheveux châtain clair étaient raides et ses yeux couleur noisette brillaient d’intelligence.

  — Jondalar ! s’écria-t-il en essayant de retrouver son souffle. Je t’ai cherché partout ! Dolando est prêt et les hommes du fleuve attendent.

  — Va dire que nous arrivons, Darvo, répondit Jondalar dans le langage des Sharamudoï.

  Le jeune garçon repartit à toute vitesse. Les deux frères s’apprêtaient à le suivre quand soudain Jondalar s’arrêta.

  — J’ai l’impression que le moment est venu de te souhaiter tout le bonheur possible, Petit Frère, dit-il avec un grand sourire. Je dois avouer que je ne m’attendais pas à ce que tu fasses ça dans les formes. Mais n’essaie pas d’en profiter pour te débarrasser de moi. Ce n’est pas tous les jours que le frère d’un homme trouve la femme de sa vie. Je ne raterai pas votre Union, même pour l’amour d’une donii.

  Un sourire illumina le visage de Thonolan.

  — Sais-tu, Jondalar, que quand j’ai vu Jetamio pour la première fois, j’ai cru qu’il s’agissait d’un esprit envoyé par la Mère pour agrémenter mon Voyage vers l’autre monde. Je n’avais aucune envie de résister et j’étais prêt à la suivre n’importe où...

  Emboîtant le pas à son frère, Jondalar ne dit rien, mais fronça les sourcils. Cela l’inquiétait que Thonolan soit prêt à mourir pour suivre Jetamio.

  Les deux frères grimpèrent par un sentier qui descendait en zigzaguant à travers une forêt à l’ombre profonde. Le sentier débouchait sur une trouée. Quand Jondalar et Thonolan y parvinrent, ils s’approchèrent du sommet de la falaise. La paroi avait été laborieusement entaillée et l’étroit passage pratiqué permettait tout juste à deux hommes de s’avancer de front. Par mesure de prudence, Jondalar préféra marcher derrière son frère. Bien qu’il eût déjà passé tout l’hiver chez les Shamudoï, chaque fois qu’empruntant ce passage il apercevait tout en bas de la corniche les eaux de la Grande Rivière Mère, la tête lui tournait. Et pourtant ce sentier à pic constituait l’accès le plus commode pour atteindre la Caverne de Dolando.

  Tous les hommes des Cavernes ne vivaient pas dans ce type d’habitat. Ils habitaient aussi des abris construits en plein air. Malgré tout, les caches naturelles creusées dans le rocher avaient à leurs yeux une valeur inestimable, surtout pendant la saison froide. Bien souvent, ils choisissaient d’habiter un endroit qui normalement n’aurait pas dû les intéresser pour l’unique raison que celui-ci possédait une caverne ou un abri sous roche. Et pour pouvoir s’y installer, ils étaient prêts à affronter des difficultés quasi insurmontables. Ce n’était pas la première fois que Jondalar séjournait dans une caverne située près d’une falaise à pic mais celle où les Shamudoï avaient choisi de vivre dépassait tout ce qu’il avait vu jusqu’ici.

  A une très lointaine époque, l’écorce terrestre, constituée de sédiments calcaires, de grès et de schiste, s’était soulevée et avait formé de hauts sommets coiffés de glace. Ces roches tendres s’étaient alors mélangées à des roches cristallines plus dures rejetées par les volcans en éruption. Ces montagnes entouraient une vaste mer intérieure dont le bassin, asséché, deviendrait un jour l’immense plaine que les deux frères avaient traversée durant l’été. Pendant des millions d’années, le déversoir de cette mer intérieure avait creusé un passage à travers les montagnes qui, à l’époque, reliait les hautes chaînes du nord à celles du sud, finissant par assécher complètement cette mer intérieure.

  Mais l’eau n’avait pu attaquer que les parties tendres des montagnes et, comme les roches plus dures lui résistaient, le passage qu’elle s’était frayée ne constituait qu’un étroit défilé. C’est par là que s’engouffraient les eaux de la Grande Rivière Mère, grossies de celles de la Sœur et de tous les autres affluents. Long d’environ cent kilomètres, ce défilé se terminait par une succession de quatre gorges et, après être passé à travers ces portes, la Grande Rivière Mère se dirigeait vers sa destination finale. Alors qu’à certains endroits de son parcours le fleuve atteignait près de deux kilomètres de large, dans ce défilé il ne mesurait plus parfois que cent soixante dix mètres et coulait alors entre de hautes falaises aux parois nues.

  Au cours du processus qui avait permis de traverser de part en part cent kilomètres de chaîne montagneuse, l’eau qui se déversait de la mer intérieure avait formé des torrents, des chutes d’eau et les lacs qui, bien après l’assèchement de cette mer, avaient laissé des traces dans toute la région.

  En haut de la paroi rocheuse qui bordait la rive gauche du fleuve, non loin de l’étroit passage emprunté par les deux frères, se trouvait un vaste renfoncement : une large plate-forme dont la base était parfaitement plane. Il y avait eu précédemment à cet endroit une petite baie, l’anse protégée d’un lac qui s’était vidé au cours du temps. En disparaissant, ce lac avait laissé derrière lui une terrasse en forme de U, bien plus haute que le niveau des eaux existantes. Si haute que, même pendant les crues printanières, les eaux du fleuve n’atteignaient jamais cette plate-forme rocheuse.

  La terrasse était recouverte d’une couche de terre suffisamment épaisse pour que l’herbe pousse jusqu’à l’extrême bord de la corniche. A partir du milieu apparaissaient des buissons et des arbustes qui se cramponnaient dans les anfractuosités rocheuses. Près du mur du fond, les arbres atteignaient une taille respectable et les buissons, plus épais, s’accrochaient le long de la forte pente. Sur une des parois latérales, à l’arrière, se trouvait un surplomb en grès, profondément creusé par en dessous, qui faisait tout l’intérêt de cette haute terrasse. Sous ce surplomb, il y avait plusieurs abris en bois, qui constituaient autant d’habitations, et une aire circulaire avec un grand foyer et d’autres plus petits, servant à la fois d’entrée et de lieu de rassemblement.

  Cette terrasse possédait un autre atout : dans l’angle opposé se trouvait une cascade. Jaillissant au-dessus d’un éperon rocheux, elle bondissait parmi des rochers déchiquetés, puis coulait sur un petit surplomb avant de former une retenue d’eau. Ensuite, ce torrent longeait la paroi rocheuse et passait par-dessus le bord de la corniche. C’est là que Dolando et quelques hommes attendaient les deux frères.

  Dès que Thonolan et Jondalar, qui venaient de contourner la saillie rocheuse, s’avancèrent sur la terrasse, Dolando les héla. Puis, sans les attendre, il enjamba le rebord de la corniche pour descendre vers le fleuve. Thonolan traversa la terrasse en petites foulées, suivi par Jondalar, et lorsqu
’il arriva à l’endroit où Dolando se trouvait l’instant d’avant, il enjamba à son tour le rebord de la corniche et s’engagea dans le sentier périlleux qui longeait l’itinéraire emprunté par le petit torrent. Celui-ci rebondissait sur une succession de saillies rocheuses et rejoignait le fleuve. A certains endroits du parcours, aucun homme n’aurait pu passer, aussi avait-on taillé la roche pour former des marches étroites, et placé le long de la descente une solide corde qui servait de garde-corps. Le torrent et les projections d’eau permanentes rendaient cette descente traîtreusement glissante, même en été. En hiver, lorsque l’eau gelait, cet accès devenait impraticable.

  Au printemps, bien que ce sentier fût inondé par les crues et qu’il y eût encore des plaques de glace, les Sharamudoï – les chasseurs de chamois Shamudoï et les Ramudoï qui habitaient sur le fleuve – y circulaient allégrement, telles les antilopes qui vivaient dans cette région accidentée. En regardant son frère s’engager dans la descente avec la même insouciance que ceux qui étaient nés ici, Jondalar se dit que Thonolan avait raison sur un point au moins. Même s’il passait toute sa vie ici, jamais il ne s’habituerait à cette descente. Après avoir jeté un coup d’œil aux eaux turbulentes de l’énorme fleuve, il serra les dents, respira un bon coup et enjamba le rebord de la corniche.

  Chaque fois que son pied glissait sur une plaque de glace invisible, il avait une pensée reconnaissante pour la corde qui lui permettait de ne pas tomber et quand il arriva à la hauteur du fleuve, il poussa un soupir de soulagement. Le ponton flottant, fabriqué avec des troncs d’arbre attachés ensemble, qui oscillait au gré du courant, lui parut presque stable, comparé à la descente. Une bonne moitié du ponton supportait une plate-forme surélevée, sur laquelle on avait construit une succession d’abris en bois semblables à ceux qui se trouvaient sous le surplomb rocheux.

  Au passage, Jondalar salua quelques-uns des habitants, puis il rejoignit Thonolan qui, arrivé à l’extrémité du ponton, venait de monter dans un des bateaux amarrés à cet endroit. Dès que Jondalar fut monté à bord, ils s’éloignèrent et commencèrent à remonter le fleuve. Les Ramudoï maniaient leurs rames à long manche tandis que Dolando et ses hommes ne quittaient pas des yeux les débris qui flottaient sur le fleuve en crue. Jondalar, à l’arrière de l’embarcation, réfléchissait à l’exemple, unique, d’interrelation atteint par les Sharamudoï.

  Dans toutes les peuplades qu’il avait eu l’occasion de rencontrer, il y avait toujours un partage des tâches, variable, et il s’était souvent demandé ce qui amenait les gens à choisir un mode de vie plutôt qu’un autre. Chez certains, les coutumes cantonnaient les hommes dans telles tâches et les femmes dans telles autres si bien qu’à la longue aucune femme ne pouvait accomplir les fonctions réservées aux hommes et vice versa. Dans d’autres, le partage des tâches et des corvées dépendait de l’âge : les individus les plus jeunes accomplissaient les travaux les plus durs, tandis que les plus âgés étaient chargés des corvées à l’intérieur du camp. Dans certains groupes, c’était exclusivement les femmes qui s’occupaient des enfants, dans d’autres l’éducation était confiée aux anciens, hommes et femmes.

  Chez les Sharamudoï, le partage des tâches s’était fait sur d’autres bases. Les Shamudoï chassaient le chamois sur les flancs escarpés des montagnes, tandis que les Ramudoï pêchaient les énormes esturgeons, longs de neuf mètres, qui remontaient le fleuve, ainsi que des carpes, des perches et des brochets. Cette division du travail les avait amenés à se séparer en deux tribus distinctes, mais qui collaboraient étroitement.

  Les Shamudoï étaient experts dans le travail de la peau de chamois. Ces peaux magnifiques et aussi souples que du velours étaient uniques en leur genre et on venait de très loin pour s’en procurer. Le secret de fabrication était bien gardé, mais Jondalar avait cru comprendre que le procédé employé supposait l’utilisation de certaines huiles de poisson. Les Shamudoï avaient donc tout intérêt à conserver des liens avec les Ramudoï. Et réciproquement. Les Ramudoï avaient besoin de chêne pour fabriquer leurs embarcations, de hêtre et de pin pour les assemblages, et pour river les longs madriers placés sur les flancs de leurs bateaux ils se servaient d’if et de saule. Pour se procurer les arbres adéquats, ils faisaient appel aux Shamudoï qui, à force d’y chasser, connaissaient parfaitement la forêt.

  Au sein de la tribu des Sharamudoï, chaque famille shamudoï était jumelée avec une famille ramudoï. Entre ces deux familles existaient des liens de parenté complexes, bien qu’elles ne soient pas obligatoirement parentes par le sang. Ainsi, quand Jetamio serait devenue la compagne de Thonolan, Jondalar allait soudain se retrouver une ribambelle de « cousins » shamudoï et ramudoï, même si Jetamio n’avait pas de famille à proprement parler. Cette union impliquait un certain nombre d’obligations mutuelles qui se résumeraient, pour Jondalar, à employer des titres de respect quand il s’adresserait à certains membres de sa parenté.

  Étant célibataire, il serait libre de s’en aller s’il le désirait, mais personne ne le pousserait à partir. Les liens entre les deux groupes étaient si forts que lorsque la place manquait et qu’une famille shamudoï décidait de fonder une nouvelle Caverne, la famille ramudoï avec laquelle elle était jumelée était obligée de partir avec elle.

  Des rites particuliers étaient prévus pour échanger les liens de parenté quand une famille jumelée ne voulait pas partir et qu’une autre famille était prête à le faire à sa place. Néanmoins, les Shamudoï étant maîtres à terre, ils pouvaient obliger leurs parents ramudoï à les suivre. Mais les Ramudoï étant maîtres sur le fleuve, ils pouvaient alors refuser de transporter leurs parents sur leur embarcation et ne pas les aider à trouver un nouveau lieu de vie. Dans la pratique, la décision de fonder une nouvelle Caverne était donc presque toujours prise d’un commun accord.

  Entre Shamudoï et Ramudoï s’étaient développés des liens supplémentaires, à la fois pratiques et rituels, qui n’avaient fait que renforcer la collaboration des deux groupes, en particulier pour tout ce qui concernait les bateaux. Toutes les décisions touchant à l’usage des bateaux étaient prises par les Ramudoï. Mais ces mêmes bateaux appartenaient également aux Shamudoï. Ils avaient donc droit à une part sur ce que rapportaient les bateaux, calculée en fonction des services rendus aux Ramudoï. Dans la pratique, les litiges étaient rares, chaque groupe respectant tacitement les droits de l’autre et n’empiétant pas sur son domaine.

  La construction des bateaux était le résultat d’un travail en commun les Shamudoï apportaient leur connaissance de la forêt et les Ramudoï leur pratique du fleuve. Cela permettait aux Shamudoï de revendiquer un droit sur les bateaux utilisés par les Ramudoï. Un homme qui n’aurait pas su se prévaloir de ce droit ne pouvait espérer s’unir avec une femme appartenant à l’un des deux groupes. Avant de prendre Jetamio pour compagne, il fallait donc que Thonolan participe à la construction ou à la remise en état d’une embarcation.

  Jondalar attendait ce moment avec impatience. Les bateaux des Sharamudoï l’intriguaient beaucoup et il se demandait comment ils étaient fabriqués. Même s’il n’était pas enchanté que Thonolan ait choisi de prendre pour compagne une femme shamudoï, depuis le début ces gens l’intéressaient au plus haut point. La facilité avec laquelle ils se déplaçaient sur le large fleuve et pêchaient les énormes esturgeons dépassait les capacités de toutes les tribus dont il avait entendu parler.

  En plus, ils faisaient preuve d’une ingéniosité exceptionnelle. En hiver, lorsque le passage qui reliait la terrasse au fleuve était gelé et que les Ramudoï n’étaient pas encore montés rejoindre leurs parents shamudoï sous le surplomb rocheux, les échanges entre les deux tribus se faisaient au moyen de longues cordes et de monte-charge en vannerie. Suspendus par-dessus le rebord de la terrasse, ces paniers pouvaient être descendus jusque sur le ponton flottant ou remontés selon les besoins.

  Le jour de l’arrivée de Thonolan et de Jondalar, l’accès qui longeait le torrent n’était pas encore gelé, mais Tho
nolan n’était pas en état de l’emprunter. Les deux frères avaient donc été hissés en haut de la terrasse à l’intérieur d’un de ces paniers.

  Quand Jondalar, arrivé presque en haut de la falaise, avait contemplé pour la première fois le fleuve dans toute son étendue et les montagnes aux sommets arrondis qui se trouvaient de l’autre côté, il était devenu très pâle et les battements de son cœur s’étaient accélérés. Émerveillé par ce spectacle et plein de respect pour l’extraordinaire pouvoir de création de la Mère, il L’avait remerciée d’avoir donné naissance à un fleuve aussi majestueux.

  Depuis, il avait appris qu’il existait un autre accès pour rejoindre la terrasse, plus long, plus aisé et bien moins impressionnant. Il s’agissait d’un des tronçons de la piste tracée d’ouest en est à travers la montagne qui, après avoir emprunté les cols et franchi la porte la plus à l’est, finissait par rejoindre la vaste plaine où coulait le fleuve. Le tronçon oriental de cette piste traversait la région montagneuse qui conduisait à l’entrée des gorges et il était donc beaucoup plus accidenté, mais, à certains endroits, il redescendait vers le fleuve. C’est vers un de ces endroits que le bateau se dirigeait.

  L’embarcation quittait le milieu du lit pour s’approcher de la rive où, debout sur une plage de sable gris, des gens saluaient leur arrivée en faisant de grands gestes de la main, quand, soudain, Jondalar entendit un cri de stupéfaction.

  — Regarde ! s’écria Thonolan en lui montrant l’énorme iceberg qui fonçait sur eux.

  L’iceberg filait au milieu du lit, là où le fleuve était le plus profond. Les facettes de ses bords translucides réfléchissaient la lumière, le nimbant d’une lueur immatérielle tandis qu’un sombre abîme bleu-vert emprisonnait son cœur qui n’avait pas fondu. Avec une habileté consommée, les rameurs accélérèrent leur mouvement et changèrent de direction. Puis, ramenant leurs avirons à plat, ils s’immobilisèrent pour regarder la masse de glace glisser à côté du bateau et s’éloigner avec une redoutable indifférence.

 

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