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Frontiere Interdite

Page 15

by Rifkin,Shepard


  — Ainsi, c'est le général qui gouverne la ville ?

  — Plus ou moins.

  — Vous n'avez pas honte ?

  — Non.

  — Et vous êtes texan !

  Bond rougit et regarda ses mains. Puis il s'épongea le front.

  — Il fait chaud pour la saison.

  — J'ai pas fait cent lieues à cheval pour parler de pluie et du beau temps !

  Bond ouvrit une boîte de cigares et la présenta à Fisher.

  — De vrais havanes, annonça-t-il fièrement. King Fisher en prit un, le renifla, hocha la tête ; puis il en rafla une poignée qu'il fourra dans sa poche, et une autre qu'il tendit à Archie.

  — Je fume pas, grommela Archie.

  — Je le sais foutre bien, morveux ! Mais j'ai plus de place dans mes poches.

  Archie prit les cigares, de mauvaise grâce. Bond craqua une allumette pour allumer le cigare de King Fisher mais sa main tremblait tellement que la flamme vacillait. Fisher sourit, frotta lui aussi une allumette et la tint à côté de celle de Bond. Sa main était ferme comme le roc.

  — Une vie saine, Bond. Devriez essayer. Et un autre moyen de rester en bonne santé... je ne me fie qu'à moi, et à personne d'autre.

  — Je vous comprends, marmonna Bond.

  La flamme lui brûla les doigts ; il lâcha l'allumette en jurant.

  — Un type imprudent, reprit King Fisher, il peut se brûler. Voyez ce que je veux dire ?

  — Oui, bien sûr.

  — Peut-être pas tant que ça. Bond. J'ai lu la lettre que vous avez écrite à M. Carson. Dommage que le bon Dieu ait pas collé de la fourrure sur certaines personnes, qu'on puisse tirer à vue sur elles.

  King Fisher déboucla son ceinturon. Archie s'approcha, une main sur la crosse de son pistolet. Bond les regarda, bouche bée.

  — Je m'en vais vous tanner le cuir, dit aimablement King Fisher, histoire de vous prouver que je ne suis pas encore mort. Debout !

  — Calmez-vous, King. Je vous reproche pas d'être furibond. Mais la lettre est bidon.

  — Otez votre ceinturon, Bond.

  — Mais je vous dis que la lettre est bidon ! King Fisher soupira.

  — Allez, Bond. Otez le ceinturon.

  King Fisher entendit quelqu'un entrer dans le bureau, derrière lui. Il ne se retourna pas.

  — Archie, jette-moi ce type dehors !... Allons, Bond. Je veux vous montrer ce qu'un vieux est encore capable de faire.

  — Pour la dernière fois ! Cette lettre est bidon !

  — C'est pas moi qui vais jeter ce gars-là dehors, dit Archie.

  — Fais ce que je te dis, bon Dieu ! cria King Fisher.

  — En fait de type, fit Archie, ça m'a tout l'air d'un général, et il a un tas d'hommes avec lui. Vous feriez mieux de vous retourner.

  — Excusez-moi un instant, monsieur Bond. Je suis à vous tout de suite.

  King Fisher se retourna. Le général était adossé à la vitrine, les bras croisés. Dehors, plusieurs de ses soldats pressaient leur nez contre la vitre.

  — C'est votre armée personnelle ? Le général sourit.

  — Señor King Fisher.

  — Alors ?

  — Bond et moi, nous avons écrit la lettre. Une bonne lettre, non?

  King Fisher se tourna vers Bond.

  — Toutes mes excuses.

  Pour toute réponse, Bond lui lança un regard mauvais.

  — C'est comme notre petit marché, dit Fisher au général. Il y a eu des complications mais tout s'est arrangé. Navré que ça vous ait obligé à venir de ce côté.

  Il reboucla son ceinturon. Bond se renversa dans son fauteuil en poussant un soupir de soulagement. Le général haussa les épaules :

  — La guerre, c'est comme l'élevage, il y a des bonnes années et des mauvaises années, non ? Cette année a été mauvaise.

  — Ma foi, oui, dit King Fisher en réprimant un sourire.

  — Ce Carson, je veux le revoir, M. Bond aussi. Nous avons écrit une bonne lettre, nous attendons. Et Sebastiano Valdez non plus, je l'aime pas. Je m'occuperai de lui. Ça fait déjà une semaine qu'on attend sur la route, on monte la garde jour et nuit. On l'a pas vu. Et vous ?

  — Non plus. On a fait un détour, justement pour éviter de tomber sur lui. Notre idée, c'était de les coincer ici.

  — Trois grosses araignées, qui attendent des petites mouches avec de l'argent.

  — N'oubliez pas, messieurs, dit King Fisher, que c'est mon argent que ces mouches transportent. Je ne veux pas de discussions à ce sujet.

  — Votre argent ? ironisa le général.

  — Je lui ai acheté son ranch. Il a l'argent sur lui. Et aussi celui qu'il s'est fait sur notre dos, avec notre petit marché.

  — Ça, c'est mon argent, fit le général.

  — Une bonne partie est à moi, intervint Bond. Je ne voulais pas lui acheter ces carabines au prix qu'il me fixait.

  — Tout cet argent est à moi, trancha sèchement Fisher.

  Le général sourit et tendit les mains, paumes retournées :

  — Il appartient à celui qui mettra le premier la main dessus, non ?

  — Votre attitude me déplaît. Si on doit se disputer avant même d'avoir vu Carson, on ne pourra jamais être alliés, et encore moins l'affronter. Alors voilà ce que je propose. Si vous trouvez cet argent le premier, il est à vous. Si nous sommes les premiers, il est à nous. Et si nous nous en emparons ensemble, on partage, moitié-moitié.

  — Bueno, bueno.

  Bond ouvrit un tiroir et en sortit une bouteille de bourbon qu'il posa sur son bureau. Il remplit deux verres. King Fisher s'étonna.

  — Je ne bois pas, vous le savez bien, dit Bond. King Fisher et le général éclusèrent leur whisky d'un trait.

  — Qu'allez-vous faire maintenant ? demanda Bond.

  — Il va arriver, mais quand, on n'en sait rien. Il est plus malin que nous. Du moins il le croit, mais il ne sait pas qu'il va tomber dans notre piège. Mais comment il va arriver, on l'ignore. On ne peut qu'attendre ici et envoyer des hommes patrouiller les environs. Je trouverai bien un moyen de l'attirer.

  Le général se mit à rire. Il prit la bouteille et remplit son verre. Un brusque fou rire le secoua.

  — Qu'est-ce qu'il y a de drôle ? s'enquit King Fisher.

  — Ne vous inquiétez pas. Je me suis arrangé pour que Carson vienne vite, vite. Nous l'attendons tranquillement, et il viendra, vous verrez.

  XXII

  Sebastiano et Carson traversèrent le fleuve les premiers, en tenant leurs carabines en l'air pour éviter de les mouiller. Quand leurs chevaux eurent escaladé la berge texane, Valdez se tourna vers Carson en souriant :

  — Ay, patron, on a réussi !

  Puis il se retourna et fit signe aux autres de les suivre. Lorsqu'ils furent tous réunis, ils repartirent au petit trot, la carabine en travers de la selle. Ils avaient pu venir jusque-là sans être vus, en passant par le Mexique, mais à présent Isleta n'était plus qu'à deux ou trois lieues et ils risquaient de rencontrer le général d'une minute à l'autre.

  Le vieux Sebastiano tremblait d'excitation. Jamais il n'était resté séparé de sa femme si longtemps et, incapable de se maîtriser, il poussa deux ou trois cris stridents et partit au galop, suivi de ses neveux.

  Ils l'avaient laissée seule sans la moindre inquiétude. Sebastiano était sûr que le général et son armée se disperseraient vers le sud, par groupes de deux ou trois, comme des vaqueros, et se reformeraient à Sonora. Peu d'Indiens passaient par le territoire où se trouvait le ranchito, et la femme de Sebastiano savait se défendre ; elle avait une Winchester et il lui avait appris à s'en servir.

  Carson regarda Luisa. Elle avait la tête baissée ; il ne voyait pas son visage mais devinait instinctivement ce qu'elle pensait ; si jamais elle retournait à Sonora, elle ne connaîtrait pas une telle joie. Il fut ému, troublé par ce chagrin. Lui-même n'avait jamais eu d'autre foyer qu'un campement, une couverture, et un petit feu de bouse de bison, où qu'il se trouve. Les trois hommes disparurent au galop au tou
rnant de la route.

  Lorsque Carson et Luisa arrivèrent dans la cour de ferme, ils virent les trois Mexicains debout près des chevaux, dans les herbes folles. Des sabots avaient couché le maïs, et écrasé une douzaine de petits poulets. Une longue bûche avait été jetée entre le toit de la maison de pisé et la fourche d'un arbre. La señora Valdez et ses deux petits-enfants y étaient pendus. Deux chariots achevaient de se consumer dans le corral, à côté du cadavre d'un burro.

  Deux pelles avaient été jetées sous le corps de la señora Valdez. Carson comprit le message, aussi clairement que s'il avait été écrit : on avait épargné à Sebastiano la peine de chercher les morts.

  Carson espéra que le vieux Valdez ne s'apercevrait pas que les assassins avaient arraché les boucles d'oreilles en or, et les lobes avec. Mais quand les tombes furent creusées et que le moment vint d'envelopper la morte dans un drap, Sebastiano vit la mutilation.

  Dès que la dernière pelletée de terre eut été jetée, Sebastiano sauta à cheval, enfonça ses éperons dans les flancs de sa monture et lui tordit l'encolure pour la faire pivoter. Jamais le vieil homme n'avait traité son cheval aussi sauvagement.

  Carson s'élança et saisit les rênes. Sebastiano, la figure blême, essaya de les lui arracher.

  — Adonde vas ? cria Carson.

  Le cheval hennissait de frayeur et de douleur car son cavalier continuait à l'éperonner tandis que Carson lui sciait la bouche en tenant le mors. Sebastiano se mit à pleurer.

  — Laissez-moi partir, laissez-moi, gémit-il. Carson secoua la tête.

  — Por favor!

  — Non ! Il veut vous faire tomber dans une embuscade ! Nous allons discuter, tirer des plans. Hombre ! Ecoutez !

  — Je connais ces fils de putes ! Ils n'attendront pas dans une embuscade pendant des jours ! Ils sont en train de boire en ville, ils sont au bordel, laissez-moi partir...

  — Il a raison ! s'écria l'aîné des deux garçons en ravalant ses larmes.

  Il s'approcha et tenta d'arracher les rênes des mains de Carson. Carson s'efforça de calmer le vieil homme. Mais Sebastiano dégaina soudain son colt et l'arma.

  — Patron ! Oiga me ! Por el amor de Dio ! Carson regarda le pistolet braqué, le cheval fou de terreur. Il était absolument certain que le vieil homme, avec le plus profond regret, le tuerait s'il ne le laissait pas partir. Il lâcha les rênes.

  Les trois Mexicains partirent au galop vers Isleta. Luisa s'approcha de Carson.

  — Oye, Tejano! dit-elle d'une voix glacée.

  — Quoi ?

  — Vous y allez?

  — Je ne suis, pas fou.

  — Ecoutez. L'araignée a tissé sa toile pour attraper la mouche. Et elle a mis du miel partout, non ?

  Luisa désignait les tombes.

  — Et alors ? grogna Carson.

  — Alors, vous vous croyez malin parce que vous n'entrez pas dans la toile?

  — Continuez.

  — Mais si la mouche elle aussi veut attraper l'araignée, quel est le meilleur moyen pour elle de la trouver ?

  — Secouer la toile à deux mains. Mais j'ai envie de vivre un peu plus longtemps que Sebastiano.

  — Alors, vous allez rester ici et attendre que nous revenions vous raconter ce qui s'est passé à Isleta. Adios, querido.

  Elle éperonna son cheval et partit au galop en direction d'isleta. Carson jura et la suivit. Il la rattrapa, saisit les rênes et arrêta son cheval. Elle posa sa main sur la crosse du colt.

  — Lâchez ça, ordonna-t-elle.

  — Sacrés bon Dieu de Mexicains ! s'exclama-t-il. partagé entre la rage et l'admiration.

  Il lâcha la bride. Elle repartit.

  — Non ! Attendez. C'est moi qui viendrai vous raconter ce qui s'est passé.

  — Et si le général envoie quelqu'un ici pendant que vous êtes à Isleta ? L'endroit le plus sûr, c'est le centre de la toile.

  — Oh Seigneur ! Quand vous aurez fini de parler par paraboles ou Dieu sait quoi !

  — J'ai très envie de revoir le général. Et Pablito. Je tiens surtout à voir Pablito, une seule fois, avant de traverser le fleuve pour ne plus jamais revenir au Texas.

  Il tendit encore une fois la main vers les rênes, pour la forcer à faire demi-tour.

  — No, querido, dit-elle. J'y vais.

  Il hésita, contempla sa bouche ravissante, pulpeuse mais ferme, et fut frappé par son expression résolue et implacable.

  — Et après, fit-elle, après, je ne ferai plus de cauchemars. Alors embrasse-moi.

  Il se pencha vers elle. Elle le prit par le cou et l'embrassa si violemment que leurs dents s'entrechoquèrent.

  — Et tu promets, ensuite, que nous traverserons le Rio?

  — Mais oui.

  — Sur l'honneur de ta mère?

  — Palabra de honor, répliqua Carson.

  Il donna une claque sur la croupe du cheval de Luisa, tout en enfonçant ses éperons dans les flancs du sien.

  XXIII

  — Vous avez un plan d’Isleta ? demanda King Fisher.

  — Voilà.

  Bond déroula une immense carte murale.

  — Où sommes-nous ?

  — Là.

  — Bon. Et où se trouve le ranch du vieux Valdez?

  — Par là, le long de cette route. King Fisher sourit.

  — Donc ils arriveront par ici, murmura-t-il lentement. Et ils tourneront dans la rue où nous sommes... Es arriveront, et ils mettront leurs pattes en plein milieu de ce bon petit piège délicat et...

  King Fisher claqua des mains et poussa un rugissement qui fit sursauter Bond.

  — Parfait. Est-ce qu'ils ont un moyen de sortir de la ville ?

  Bond examina le plan.

  — Il y a une petite ruelle, un peu plus haut dans la rue, dit-il. A part ça, ils sont obligés de faire demi-tour et de retourner à la fourche qu'ils auront passée en arrivant. Ou pousser un peu plus loin et filer dans le chaparral.

  — Par conséquent, on n'a qu'à se contenter de les laisser avancer, attendre qu'ils soient là, devant ce bureau et de boucher les deux goulots de la bouteille. Deux hommes suffiront pour garder la ruelle.

  — Oui, oui... bien sûr, bredouilla Bond.

  — Vous avez peur ?

  — Ma foi... Un petit peu. Je vous dirai franchement que les bagarres, c'est pas mon rayon.

  — C'est pas de la bagarre, répliqua King Fisher avec mépris. C'est du tout cuit. Y a pas de quoi s'énerver. Général, vous allez poster six ou sept hommes ici... (Il remarqua l'expression pincée du général, mais n'en tint pas compte.) A l'embranchement de la route qui vient de chez Valdez. Et ensuite, vous...

  Le général leva son index et l'agita, tout en se penchant vers la rue. Il prêta l'oreille puis désigna la porte en riant et se carra dans son fauteuil.

  Pablo arriva au galop, sauta de son cheval écumant et se précipita dans le bureau.

  — Que posa ? demanda le général. Pablo lui parla à l'oreille.

  Le général lui donna une claque dans le dos et se tourna vers King Fisher : . — Ay, bueno ! Les mouches arrivent !

  Le vieux Dave entra, se laissa tomber sur une chaise avec un soupir de soulagement, avisa la bouteille de bourbon, se releva péniblement et alla se rasseoir avec la bouteille et un verre qu'il remplit à ras bord.

  — Il va falloir poster nos hommes, déclara King Fisher. J'en ai cinq.

  — Je dirais plutôt quatre, grommela Bond en regardant le vieux Dave avaler le whisky d'un trait.

  — Ne vous en faites pas pour lui, il sait se débrouiller, assura King Fisher. Combien d'hommes avez-vous. Bond ?

  — Trois.

  — Ça suffit, déclara le général. Moi j'en ai beaucoup.

  — Combien ?

  — Vous en faites pas, Tejano. J'en ai bien assez.

  — Ne m'appelez pas Tejano, et ne me dites pas de ne pas m'en faire ! Ne me dites rien du tout. Je ne veux pas avoir d'ennuis avec vous tant qu'on ne sera pas débarrassés de Carson. Combien de carabines avez-vous ?

  Le général ne r�
�pondit pas. Il se leva, s'assit sur le bord du bureau et posa ses deux mains sur ses cuisses, coudes écartés. Il frotta lentement ses paumes sur son pantalon. King Fisher comprit qu'il essuyait la sueur, au cas où il devrait dégainer rapidement. Pablo était accoté au rebord de la fenêtre, et faisait glisser un large anneau d'or à tous les doigts de sa main gauche, à tour de rôle. La droite était immobile, posée sur sa cuisse tout près de la crosse de son pistolet.

  — Vous aimez donner des ordres, hein ? murmura le général.

  — Au Mexique vous êtes général, rétorqua King Fisher en haussant les sourcils et en se tournant légèrement vers Pablo.

  Archie comprit, et alla se placer nonchalamment près du Mexicain, la main droite passée dans son ceinturon.

  — Ici, poursuivit King Fisher, c'est moi qui suis général. Si ça ne vous plaît pas, le Rio Grande n'est pas loin. Combien de carabines ?

  — Qu'est-ce que vous ferez si je vous le dis ?

  — Ce que je ferai ? Nom de Dieu ! Je suis un espion ! J'écrirai des lettres au gouvernement de Mexico ! Enfin, merde, pourquoi croyez-vous que je veux le savoir ? Vous devenez nerveux comme une fille !

  Le général porta la main à son revolver mais Fisher l'avait devancé. Dave éclata de rire.

  — Messieurs, messieurs ! gémit Bond, affolé.

  — Tout le monde va s'entre-tuer dans ce foutu bureau ! s'exclama Dave. C'est ça qui sera marrant. Tout le Texas se fendra la pipe et rigolera de nous autres, les Fisher ! Alors, suffit comme ça ! rugit-il soudain en abattant son poing sur la boîte de cigares. Vous êtes qu'une bande de mômes, vous avez tous besoin d'un bon coup de pied au cul !

  — Vous avez bousillé mes havanes, espèce de vieux con ! cria Bond.

  Dave dégaina. Le général éclata de rire et King Fisher glissa son bras sous celui de Dave qui mettait la main à son colt. Dave céda d'un air écœuré.

 

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