Beaux drapeaux au matin hissés,
Qu’êtes-vous belle devenue,
Dans Paris la ville pressée?
Pressée de vivre et de flamber,
Impassible et bien vite émue,
De tant de nuits vite tombées,
Telle celle où vous étiez nue
À votre fenêtre accoudée.
THE MEMORY
Lucky to be overdue,
Strolling down each avenue,
At your window I saw you,
Caught you wearing rien du tout;
To another I was true.
Yes, my heart already loved
Voices very far removed.
Shadows of black night had daubed
The big statue’s pale eyes, carved
At the crossroads where I roved.
In the street the breeze blew fair
From Passy or Pépinière:
I was passing, I know where,
And I chanced to find you bare,
Blot of white on soft night air.
Fallen leaf of seasons past,
Phantom and nocturnal ghost,
Pennants proud for daybreak hoist,
With what future were you faced,
In our capital hard-pressed?
Paris, pressed to live and flame,
Stolid, fired up all the same
By the nights that quickly came,
Like the night you had no shame,
Propping up your window-frame.
LA PROPHÉTIE
D’une place de Paris jaillira une si claire fontaine
Que le sang des vierges et les ruisseaux des glaciers
Près d’elle paraîtront opaques.
Les étoiles sortiront en essaim de leurs ruches lointaines
Et s’aggloméreront pour se mirer dans ses eaux près de la Tour Saint-Jacques.
D’une place de Paris jaillira une si claire fontaine
Qu’on viendra s’y baigner, en cachette, dès l’aurore.
Sainte Opportune et ses lavandières seront ses marraines
Et ses eaux couleront vers le sud venant du nord.
Un grand marronnier rouge fleurit à la place
Où coulera la fontaine future,
Peut-être dans mon grand âge
Entendrai-je son murmure;
Or le chant est si doux de la claire fontaine
Qu’il baigne déjà mes yeux et mon cœur.
Ce sera le plus bel affluent de la Seine,
Le gage le plus sûr des printemps à venir, de leurs oiseaux et de leurs fleurs.
THE PROPHECY
From a Paris square a fountain so clear shall spring
That virgins’ blood and glacier streams
Beside it shall seem opaque.
The stars shall emerge in a swarm from their distant hives
And mass to admire themselves in its waters near the Tour St-Jacques.
From a Paris square a fountain so clear shall spring
That from daybreak onward the bathers will tiptoe forth.
St Opportune and her laundresses will be godmothers
And its waters shall run south, coming out of the north.
A great red chestnut-tree is in bloom in the square
Where the fountain will run, in the future.
Perhaps in my later years
I shall hear its murmur;
So sweet is this clear fountain’s melody
That already it bathes my eyes and heart with its waters.
It will be the Seine’s most beautiful tributary,
The surest token of spring-times to come, their birds and their flowers.
LE SORT
J’ai souhaité ta mort et rien ne peut l’empêcher de venir prématurément
Je t’ai vu couvert de sueur et de sanies
À l’instant même de ton agonie
Et tout en toi était cruel et dément.
Écoute. Ce jour-là un gros nuage s’élevait des collines de Bicêtre
Et montait derrière le Dôme du Val-de-Grâce.
Un enfant criait qui venait de naître,
Rue Saint-Jacques, dans une maison basse.
Rien ne peut désormais te sauver de la honte et de la douleur
Car mon souhait avait la saveur des choses qui se réalisent.
Déjà d’imperceptibles signes physiques, dans ton esprit et dans ton cœur,
T’avertissent qu’il est temps et adieu la valise.
Rien ne te servirait de pleurer et te repentir,
Rien ne te servirait d’avoir une attitude noble,
Car le néant est ton seul devenir
Et ton nom ne survivra pas dans les proverbes du peuple.
Le nuage noir a débordé le Val-de-Grâce et Saint-Sulpice,
Il s’est longuement reflété dans la Seine avant de se résoudre en orage.
Moi je le regardais du haut d’une blanche bâtisse
Et son tonnerre a libéré de grands oiseaux de leur cage.
THE DESTINY
I have wished your death and there is nothing that can delay it.
At the very moment of your greatest pain
I have seen you covered in pus and sweat
And everything in you was cruel and insane.
Listen. That day from the hills of Bicêtre a great big cloud
Climbed up behind the Val-de-Grâce and its Dome.
A child had just been born and it cried aloud,
In the Rue Saint-Jacques, in a low-built home.
From now on nothing can save you from shame and pain
For my wish had the taste of things that materialise.
Already imperceptible physical signs, in your heart and your brain,
Warn you it’s time you were saying your goodbyes.
It would be pointless for you to weep in repentance
Pointless to have an attitude fine and noble,
Because your only future is non-existence
And your name will not live in the sayings of the people.
The cloud passed the Val-de-Grâce and Saint-Sulpice,
Was reflected for long in the Seine before resolving
Into a storm. I watched from a tall white building,
There were great caged birds, its thunder was their release.
LA MOISSON
Incroyable est de se croire
Vivant, réel, existant.
Incroyable est de se croire
Mort, feu, défunt, hors du temps.
Incroyable est de se croire
Et plus incroyable encore
De se croire, pour mémoire,
Un rêve, une âme sans corps.
Belles roses du passé,
Roses, odorantes roses,
Qui dès l’aube frémissez,
À la nuit déjà décloses,
Votre sort rapide et long
Est égal à nos années
Même si, dans le salon,
On vous apporte fanées.
Nos dieux étaient trop fragiles,
C’étaient de petites gens,
Dans un petit domicile,
Vivant de fort peu d’argent.
Plus grande est notre fortune
Et plus sombre est notre sort.
Nous ne voulons pas la lune.
Nous ne craignons pas la mort.
Par nos cinq sens ligoté
Notre univers rapetisse.
Adieu rêve, adieu beauté!
De vous je fais sacrifice
Au monde trop limité.
THE HARVEST
It’s incredible to credit
One’s alive, existing, real.
It�
��s incredible to credit
One’s the late, defunct and dead. It
Is incredible to credit
And least credible of all
Is to credit, you’ll recall,
One is dream, unbodied soul.
Lovely roses passed away,
Lovely roses, scented flowers,
Trembling since the break of day,
Now disclosed to midnight hours,
Your prolonged and rapid doom
Measures up to our decades
Though you reach the sitting-room
Even as your colour fades.
They were frail, our deities,
They were little nobodies,
Living in a little street,
Managing to make ends meet.
Greater is our own fortune,
Darker is our destiny.
We do not desire the moon,
We are not afraid to die.
Trussed by our five senses, this
Universe is shrunk in size.
Goodbye, dream and loveliness!
You shall be my sacrifice
To a world not limitless.
LA SIESTE
Cent mille années dans mon sommeil d’après-midi
Ont duré moins longtemps qu’une exacte seconde.
Je reparais du fond d’un rêve incontredit
Dans la réalité de ma chair et du monde.
Je retrouve en ma bouche une ancienne saveur
Et des noms de jadis et des baisers si tendres
Que je ne sais plus qui je suis ni si mon cœur
Bat dans le sûr présent ou le passé de cendres.
Éclatez! Ô volcans! du fond des souvenirs,
Noyez sous votre lave un esprit qui se lasse,
Brûlez les vieux billets et puissiez-vous ternir
À jamais le miroir dont le tain mord la glace.
THE SIESTA
Ten thousand decades of my noonday sleep
Endure a second’s-breadth or even less.
I rise from dreams unquestioned and most deep
To my reality of world and flesh.
Here in my mouth again I find that taste,
Long-vanished names, kisses of tender greeting:
Don’t know my name, or if my heart is beating
In the sure present or the ashen past.
Volcanoes, burst from memory’s depths, and boil!
Drown me in lava, for my mind is slack.
Burn the old screeds, turn permanently black
The mirror that is bitten by the foil.
LA VILLE
Se heurter à la foule et courir par les rues,
Saisi en plein soleil par l’angoisse et la peur,
Pressentir le danger, la mort et le malheur,
Brouiller sa piste et fuir une ombre inaperçue,
C’est le sort de celui qui, rêvant en chemin,
S’égare dans son rêve et se mêle aux fantômes,
Se glisse en leur manteau, prend leur place au royaume
Où la matière cède aux caresses des mains.
Tout ce monde est sorti du creux de sa cervelle.
Il l’entoure, il le masque, il le trompe, il l’étreint,
Il lui faut s’arrêter, laisser passer le train
Des créatures nées dans un corps qui chancelle.
Nausée de souvenirs, regrets des soleils veufs,
Résurgence de source, écho d’un chant de brume,
Vous n’êtes que scories et vous n’êtes qu’écume.
Je voudrais naître chaque jour sous un ciel neuf.
THE CITY
Jostling the crowds and running down the roads,
Gripped in full sun, he’s suffering, afraid;
It’s danger, death, disaster he forebodes,
Twisting his tracks to flee an unknown shade,
The fate of one who drifts and dreams along,
Strays in his dream and joins the phantom throng,
Purloins their coat, supplanting them in lands
Where matter yields to warm caressing hands.
This whole world issues from his bony crown.
He coops it, cloaks it, tricks it and constrains,
He has to halt, give way to passing trains
Of creatures born in bodies tumbling down.
Suns mourning, yearning; nauseous memory;
Wellsprings resurgent, echoing fogs’ refrain:
You are mere scum and scouring. I would fain
Be born each day beneath a brand-new sky.
LA MAISON
Trois fois le vent, plus libre et plus furieux qu’un ange,
À soufflé dans son cor auprès de la maison.
Qu’un ange? C’est un ange évadé de prison
Qui descend l’escalier mais que l’ombre dérange,
L’ombre qui le repousse et dont la toile étrange
Accroche des soleils aux fils de l’horizon
Et plus de vers luisants qu’il n’en est au gazon
Ou dans l’obscurité protectrice des granges.
Il descend et son pas tinte dans l’escalier
Comme un pot de cristal sur le sol du cellier.
Il descend, il atteint déjà le vestibule.
Le porche s’ouvre en grand sur l’entonnoir des nuits.
J’écoute et l’imagine. Il marche, il sort, il fuit,
Il vole dans un ciel crevé de péninsules.
THE HOUSE
Freer and fiercer than an angel, wind
Has blown around the house its triple horn.
An angel? One from prison, on the run,
Coming downstairs, though shadows tease its mind,
Driving it back, their curious canvases
Hanging the far horizon’s wires with suns,
More glow-worms too than gather on the lawn,
Or in the sheltering darkness of the barn.
As it comes down, its foot chinks on the stair
Like crystal glassware on the cellar floor.
It’s near the hallway, it will soon be there.
Night’s funnel is beyond the open door.
Listening, I sense it walk, and leave, and fly
Into peninsulas of broken sky.
LE PAYSAGE
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus ce bouquet de lilas et de roses
Chargeant de leurs parfums la forêt où repose
Une flamme à l’issue de sentiers sans détour.
J’avais rêvé d’aimer. J’aime encor mais l’amour
Ce n’est plus cet orage où l’éclair superpose
Ses bûchers aux châteaux, déroute, décompose,
Illumine en fuyant l’adieu du carrefour.
C’est le silex en feu sous mon pas dans la nuit,
Le mot qu’aucun lexique au monde n’a traduit
L’écume sur la mer, dans le ciel ce nuage.
À vieillir tout devient rigide et lumineux,
Des boulevards sans noms et des cordes sans nœuds.
Je me sens me roidir avec le paysage.
THE COUNTRYSIDE
I dreamed of loving. Still I love, but now
Love is no more that rose and lilac spray
Whose perfume filled the woods where each pathway
Led on directly to the blazing glow
I dreamed of loving. Still I love, but now
Love’s not that storm whose lightning kindled high
Towers, unhorsed, unhinged, and fleetingly
Would set the parting of the ways aglow.
Love is the flint my footstep sparks at night,
The word no l
exicon can render right,
Foam of the sea, the cloud across the sky.
Old age makes all things fixed and luminous:
Knots are unravelled, streets anonymous;
Set in our ways, the countryside and I.
LA NUIT D’ÉTÉ
Aux rosiers remontants ta robe déchirée
Accroche des lambeaux, les vapeurs du matin.
Tu mêles en marchant les lilas et le thym
Aux fleurs d’autres saisons et d’une autre contrée.
Tu te diriges vers le bois, là où l’orée
Surrealist, Lover, Resistant Page 35