Surrealist, Lover, Resistant

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Surrealist, Lover, Resistant Page 38

by Robert Desnos


  Do you search for treasure to pay your hopes a wage?

  White-headed, now it approaches, the carnival,

  Bringing the treasure you hunted through the years.

  For these are sounding masks, these are hollow tears

  That won’t allow you to see your native soil.

  NAISSANCE DU MONSTRE

  Le paysage était fourrure,

  Pelage de fleurs et moissons,

  Brume vibrante, échos, frissons:

  Le voici prêt à la morsure,

  Il s’incarne et devient ce fauve

  Qui, tour à tour, séduit, repousse

  Et fait surgir, à la rescousse,

  Un rêve de viols et d’alcôves.

  Sabine, Hyppolite, Andromède

  Et Rosemonde et leurs compagnes,

  Un tel délire les possède,

  Dansent de fureur et s’enfuient,

  Aux quatre coins d’une campagne,

  Vers des forêts, sans lacs ni puits,

  Dont l’ombre, masquant les figures,

  Adoptera leur chevelure.

  Ronronnant, au creux du fauteuil,

  Le monstre surveille la proie

  Qui s’agite au fond de son œil.

  II baille de faim et de joie,

  Révélant la langue gourmande,

  Le palais rose et les crocs blancs

  Et l’haleine, à odeur de viande,

  Qui d’abord soulève son flanc.

  Enfant de quel tragique amour,

  Hors de quel ventre ténébreux,

  Vagissant, jaillit-il au jour?

  Du haut des montagnes? Du creux

  Où, bue, aux cris des tragédies,

  Par un roi de flamme et de vent,

  La lave craque et incendie,

  Au soir, d’insolites levants.

  Ventre palpitant de désirs,

  À tous baisers la gorge offerte,

  Prêt à pâmer, prêt à gésir,

  Le monstre excite et déconcerte

  Un appetit d’ombre et de sang,

  De chair ouverte sous les griffes

  Et, sous les poils qui s’ébouriffent,

  D’un souffle bientôt rugissant.

  Velours, satins, sang et baisers,

  Tout est luxe, tout est horreur

  Dans les corps, d’amour embrasés,

  Dans les cœurs, sujets a l’erreur,

  Et quelque terrible mystère

  De la matière même, à terre,

  Réunira, dans une étreinte,

  Les chairs aspirant à la plainte.

  Oui, bien sûr, la nuit est propice

  Aux plongeons dans les précipices.

  Quant au soleil, qu’il s’abolisse

  À l’instant de ces exercices.

  BIRTH OF THE MONSTER

  The landscape was fur,

  Pelt of harvests and flowers,

  Scary echoes, fog-blur.

  He’s here with his jaws,

  Incarnate wild beast,

  Repels and seduces

  To rouse dreams of rescues,

  Of rapes and recesses.

  Driven wild by desire

  All the bevy of girls

  Madly dance and retire

  To the distant four corners

  To woods without wells

  Or pools, where the shadow

  Disguises their faces

  Adopting their hairdo.

  From a big chair he purrs,

  Sees the scurrying prey

  In the depth of his eye.

  Joy and hunger! He yawns,

  And shows his tongue, greedy,

  Pink palate, white teeth,

  Meat-stink of his breath,

  Up-thrusting his haunch.

  By what tragic love, run

  Through what murky belly,

  Did he cry out and spawn?

  From hills? From the hollow,

  Drunk down by some sovereign

  Of flame-wind and wailing,

  The lava creaked, kindled

  At dusk the strange dawn.

  Cupidinous belly

  A throat for all kisses

  Quick-swooning, quick-bedding,

  He stirs and he baffles

  A craving for shadow,

  For blood, for fur ruffled,

  Flesh opened by talons,

  Breath presently roaring.

  Kisses, blood, velvet, satins,

  Luxurious horror

  Of bodies impassioned,

  Hearts tending to error:

  O earth! Obscure terror

  Inherent in matter!

  Deep-moaning, the fleshes

  Combine their embraces.

  Yes, the night is most propitious

  For a plunge down precipices;

  And the sun should minimise his

  Presence at such exercises.

  BANQUET

  La cote se découpe en golfes ou l’echo

  Sonne, comme une trompe, aux murs de Jéricho,

  Un Jéricho de brume et flexible comme elle,

  La mer y gonfle en vain ses chants et ses querelles.

  Dans un de ces abris est servi le banquet

  Pour douze garçons nus qui n’ont d’autre projet

  Que de boire les vins au goulot des bouteilles,

  Mordre aux quartiers de viande et vider les corbeilles

  Faire sécher leur corps au soleil de midi,

  Chanter et puis dormir sur le sable tiédi.

  Le sable, que le vent soulève et qu’il égraine,

  Fait murmurer parfois les plats de porcelaine

  Et le cristal où tremble une goutte de vin

  Qui reflète le ciel et les doigts de la main.

  Mais le sang apparaît aux bords d’une blessure

  Lorsque le maladroit, d’une lame peu sûre,

  Se coupe en entamant le jambon. Un rideau

  Rouge flotte soudain, claquant comme un drapeau.

  Il vacille et ses plis balaient le paysage.

  La mer, qui le répète agite son image

  Et celle d’un bateau, toutes voiles dehors,

  Qui figure une rose en un coin du décor.

  Il aimerait, dit-il, que des lèvres plus tendres

  Cicatrisent la plaie et, quitte pour répandre

  Plus longuement son sang, à rendre ce baiser

  Au monstre imaginaire en son cœur précisé.

  N’entend-il pas des cris du haut de la falaise?

  Son sang n’explique pas l’insolite malaise

  Qui transforme la terre et lui fait souhaiter

  Le silence et la nuit et la mort de l’été.

  Il se lève et, fuyant ses onze camarades,

  Disparaît au tournant des rochers de la rade.

  Onze verres, levés au ciel par onze mains,

  D’une combe identique ont renversé le vin

  Dans des gorges, au chant prêtes, mais, vers la route

  Indiquée, un regard s’alanguit et, sans doute,

  Un convive bientôt quittera le banquet.

  Il est une prairie où cueillir des bouquets,

  Il est une forêt, derrière le rivage,

  Et des sources d’eau fraîche où baigner les visages

  Et le monde habité, ses villes, ses appels.

  Qu’ils boivent! Le temps passe et dépose son sel

  Sur les jours, sur les cœurs, les lèvres et les rêves.

  Pourtant la vie est là, pourtant la vie est brève,

  Qu’ils boivent! L’horizon se dénoue à l’entour,

  L’heure vient, pour chacun, à partir �
� son tour.

  C’est midi, tout sanglant, gisant dans sa tunique,

  Sur le bûcher qu’il alluma. Heure panique,

  Il faut choisir, il faut, vers le soir progresser

  Ou vieillir en tentant d’évoquer le passé.

  C’est midi. Dans le ciel claque une draperie

  Rouge et le monde est plein d’amour et de féerie.

  BANQUET

  The coast is cut up into gulfs where the echo

  Sounds forth, like a trump at the old walls of Jericho,

  Walled city of vapour and equally ductile.

  The sea’s swollen singing and sulking are futile.

  In one of these havens they’ve served up the banquet

  For twelve naked boys who have no other project

  Than drinking the wines from the neck of the bottles,

  And biting roast haunches and emptying baskets

  And drying their bodies in noonday sun, and

  Singing, then sleeping, on well-warmed sand.

  The sand, which the wind likes to lift as it sifts,

  Sometimes causes the porcelain dishes to murmur,

  And the crystalline glass where a drop of wine shivers,

  Reflecting the sky and a set of five fingers.

  But there’s blood to be seen at the edge of a wound

  When the clumsy buffoon who’s attacking the gammon

  Cuts himself on the erring blade. All of a sudden

  A red curtain waves, flaps and snaps like a flag,

  Back and forth, and the landscape is swept in its pleats;

  The sea takes its image and shakes and repeats

  And adds in a boat with its sails to the wide

  That sports a fine rose tucked away on its side.

  He’d be happy, he says, for lips rather more yielding

  To stitch up his wound; in return, too, for spreading

  His blood rather far, he’s a kiss to impart

  To the monster, imagined, described in his heart.

  Can’t he hear any cries from the top of the bluff?

  There’s an awkward unease, not explained by his blood,

  That has caused him to wish (for it’s altered the earth)

  For night and for silence and summertime’s death.

  On his feet to escape his eleven companions,

  He’s gone round the rocks by the roadstead. Eleven

  Hands raise the same number of glasses to heaven.

  One identical tilt and the wine is poured down

  Into throats set to sing; but a slow glance is thrown

  At the route aforementioned; quite shortly, it’s clear,

  One friend at the feast will no longer be here.

  There’s a field to pick flowers, a wood near the place

  Of safe mooring, fresh water for washing your face,

  And the world full of people, its cities and cries.

  Let them drink! For time passes, its salts crystallise

  On days and on hearts and on lips and desires.

  Nonetheless there is life, nonetheless life expires.

  Let them drink! The horizon unfolds all about,

  And the time will arrive for each one to set out.

  It’s the noon that is bleeding, laid out in its tunic

  On the pyre it has kindled. What’s this! Time to panic.

  Time to choose, to move on towards evening at last,

  Or grow older from trying to call up the past.

  It is noon. In the sky, flap and snap of red drapery.

  The world’s fully laden with love and with faërie.

  ANDROMÈDE EN PROIE AU MONSTRE

  Quel sera, monstre, mon supplice?

  Déjà, dérisoire, ton nom

  Devient mot d’amour et complice

  De ma honte et de notre union.

  J’adopterai, d’abord, la pose

  Propice à ma métamorphose.

  En t’épousant, que je m’endorme,

  Par volupté, je prends ta forme.

  Car au-delà de la nausée,

  Je découvre, en moi, des domaines

  Qui sont la dot à l’épousée:

  J’y trouverai la clef des chaînes

  Et l’endroit de ta sépulture

  Quand, monstre, il te faudra mourir

  À la fin de notre luxure,

  De la mort de notre désir.

  Car tout est nôtre, désormais,

  Je suis ton monstre et ta réplique,

  Je suis la porte du palais,

  Je suis l’image symétrique

  Qui surgit, lorsque tu parais,

  Je suis ta rivale lubrique

  Et mon désir se faisait fuite

  Pour sentir ton souffle à ma suite.

  Le monstre dit: «Pas tant d’histoires

  Pas tant de cris et de paroles.

  Je suis le maître et mon vouloir

  Ne s’embarrasse ni d’un viol

  Ni d’accordailles, ni de noces.

  Ta voix me brise le tympan.

  Je vais mon train, selon l’élan

  Qui m’entraîne et me rend féroce.»

  Andromède, étant tout enfant

  Chérissait un parc solitaire

  Où, chaque soir, un éléphant

  Se promenait en grand mystère.

  Un éléphant? Est-ce bien vrai?

  Ce n’est, peut-être, qu’un vieux rêve,

  Mais elle y pense et jurerait

  Qu’il la piétine et la soulève.

  Andromède étant tout enfant

  Andromède que fait la bête?

  Andromède qui te défend?

  Quelle tempête, dans ta tête,

  Au réel mélange un vieux rêve?

  Mais la chanson que tu répètes

  Nul ne sait comme elle s’achève.

  Andromède étant tout enfant…

  Le monstre dit: «Je suis la bête

  Mais, dans le ciel, tout comme toi,

  Enrichi d’étoiles en fête

  J’aurai ma place et mon emploi.»

  ANDROMEDA, THE MONSTER’S PREY

  Monster, what’s my punishment?

  Now a mockery, your name

  Has connived as blandishment

  In our union and my shame.

  There’s a posture I’ll assume,

  Firstly, to transmute my form.

  We shall marry, I must sleep:

  Rapt with joy, I take your shape.

  For, beyond disgust, inside

  Myself I unearth domains

  That are the dowry of the bride:

  Find the key to free my chains,

  And the place to lay you by,

  Monster, when you have to die,

  When our orgy shall expire

  Of the death of our desire.

  From this moment, all is ours:

  I’m your monstrous duplicate,

  I am the palatial doors,

  When your lifelike form appears

  I rise up in symmetry,

  Rival of your lechery.

  Quickly my desire took flight,

  Felt your breath in hot pursuit.

  Says the monster: ‘Stop your cries,

  Sobs and stories and alarms.

  I am the master, and my will

  Does not jib at marriages,

  Rapes, or contracts, has no qualms.

  Spare my eardrum with your voice!

  I am fierce, I run my course,

  Charging where my urges pull.’

  When Andromeda was small

  She held dear a lonely park

  Where a mystery elephant

 
Sauntered in the looming dark.

  Could it be? A pachyderm?

  Probably a childish dream,

  But she dwells on it, would swear

  She is trampled, swung in air.

  When Andromeda was small…

  Andromède, beware the beast!

  Who will save you, Andromède?

  What’s the brainstorm in your head

  Mixes fact with daydreams past?

  Though the lines you sing are sweet,

  None of us may know the last.

  When Andromeda was small…

  Says the monster: ‘I’m the beast:

  Yet like you, in skies above

  Rich with stars that flaunt and feast,

  I shall belong and I shall serve.’

  MEURTRE

  Andromède se tait au fond des bois,

  Les guêpes, les abeilles et les mouches

  En culbutant, dans l’air, font des tournois

  Et le ciel est ouvert comme une bouche.

  Mais du ciel béant ne sort aucun cri,

  L’heure est stupide, immense et solennelle,

  La lumière est un fleuve tari

  Surveillé par d’inertes sentinelles.

  Pour animer ce pays suspendu,

  Il faudrait l’appel d’un nageur qui coule

  Ou, faisant danser le corps d’un pendu,

  L’ouragan frémissant comme une foule.

  Pourtant le meurtre, attendu par la terre

  Pour s’imbiber de salive et de sang,

 

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