Surrealist, Lover, Resistant

Home > Other > Surrealist, Lover, Resistant > Page 39
Surrealist, Lover, Resistant Page 39

by Robert Desnos


  A lieu, sans qu’aucun geste altère

  L’immobilité de l’instant présent.

  Trésor sans gardien, banquet sans convives,

  Femmes trépignant au seuil des saisons,

  Cadavre étendu auprès de la rive

  D’où la piste part jusqu’à l’horizon…

  Retrouverez-vous, joyeux compagnons,

  Les chants que l’on chante aux instants d’ivresse?

  Retrouverez-vous au vin des flacons

  La même saveur, la même sagesse?

  N’est-ce pas pour vous, qu’au bois, Andromède

  Charme un monstre né de ses cauchemars?

  N’est-ce pas pour vous qu’elle appelle à l’aide

  En feignant la peur jusqu’en son regard?

  N’êtes-vous pas victime et meurtrier,

  Abandonnant votre propre dépouille

  Et le couteau que masquera de rouille

  Le proche hiver à l’ombre du laurier?

  Un passant, plus tard, passera sans doute

  Et dira qu’un autre a tracé sa route,

  Qu’ils ont accompli le rite tous deux

  À la même époque et au même lieu,

  Le parfum qui flotte est toujours le même,

  L’homme a d’autres noms et d’autres grimaces,

  Mais tout est semblable et le grain qu’on sème

  Brisera toujours la même surface.

  Un cadavre gît pourtant en ce lieu,

  Il gît, il pourrit, il se désagrège,

  Il est invisible et crève les yeux,

  Il est invisible et pris à son piège.

  Un arbre au cœur a planté ses racines.

  Qu’il fructifie et qu’il porte ses fleurs,

  Baisers perdus, aveux sous les glycines,

  Chansons d’amour et chansons de haleurs.

  Son double est mort, il poursuit son chemin

  À travers les forêts, les cimetières,

  Sous des nuages pareils à des mains

  Montrant, au flanc des monts, une carrière.

  MURDER

  Andromède is in the forest,

  Silent; bee and wasp and fly

  Somersault in airy joust.

  Open like a mouth, the sky.

  From this yawning mouth, no cry.

  The hour’s stupid, solemn, vast,

  And the light’s a stream run dry,

  Watched by dull guards at their post.

  What can rouse this land from trance?

  Drowning swimmer bawling loud,

  Or, to make the hanged man dance,

  Whirlwind roaring like a crowd.

  Yet the crime that earth awaits

  (Blood and spittle, tasty ferment)

  Happens: no gesture moderates,

  Alters the frozen present moment.

  Guardless treasure, guestless feast,

  Women’s heels drum in the season.

  On the shore lies one deceased,

  Pathway makes for the horizon…

  Happy band, will you recover

  Songs that chime with drunkenness?

  In the wine-jugs, find that flavour

  And that same clear-headedness?

  It’s for you that Andromède

  Charms the beast her nightmares rear;

  It’s from you she summons aid:

  Even her eyes are faking fear.

  Aren’t you the killer and the killed,

  Sloughing off your own apparel,

  With the knife, by rust concealed,

  Come the frosts, beneath the laurel?

  Someone’s sure to say some other

  Person trod the scene of crime,

  That they did the deed together,

  At that place and at that time.

  Fixed is the wafting scent of flowers.

  We may change a face, a name;

  All’s alike, though: ask the sowers:

  Sow as they will, the field’s the same.

  Yet a corpse lies in this place.

  Lies and rots and falls apart.

  Invisible and in your face,

  Invisible and neatly caught.

  A tree has rooted in its heart.

  Let it bear its fruit and flowers.

  Lost kisses, vows under wistarias,

  Songs of love, hauling-songs of rivers.

  His double’s dead. Through forest-lands

  And cemetery-plots he strides.

  The clouds above him look like hands

  That trace a course on mountainsides.

  DANSES

  Vous avez faim, vous avez soif,

  Rosemonde, c’est le vent d’est

  Qui vous décoiffe.

  Que ce vent emporte la peste

  Au fond du ciel et qu’elle y reste.

  Hyppolite, l’oiseau du nord

  Qui passe sur la plaine

  L’oiseau qui chante, rêve et mord,

  L’avez-vous vu à la fontaine?

  Il chante, il rêve, il mord,

  Il dort.

  Andromède, face à l’ouest,

  Figure de proue,

  Pas un sourire, pas un geste,

  L’écume jaillit sur vos joues

  Et rouille le fer qui vous cloue.

  Un géant viendra du sud

  Sabine as-tu donné ton cœur

  Porteur de fruits et de liqueurs,

  Sonneur de la solitude.

  Rosemonde, aimez-vous l’été?

  Bagatelle, bagatelle,

  J’aime mieux l’hiver, dit-elle,

  Et les rosiers désenchantés.

  Andromède, aimez-vous l’automne?

  Il vente, il pleut, il tonne,

  J’aime l’automne et le printemps

  Et la fleur de mes jeunes ans.

  Hyppolite, aimez-vous l’hiver?

  Je ne sais pas, dit-elle,

  Le seul été, j’ai découvert,

  Mon esprit suit les hirondelles.

  Sabine, aimez-vous le printemps?

  J’aimais le printemps, je le pleure,

  J’aime, je pleure avec le temps

  Je ris avec les heures.

  Je danse, je ris dans le feu,

  Je flambe, je suis Andromède,

  Je me consume et c’est un jeu

  Qui me délivre et qui m’obsède.

  Rosemonde, écoutez la terre

  Qui peine sur son chemin.

  Je l’entends, mais il faut se taire,

  Nous chanterons demain.

  Hyppolite, fille de l’air

  Parcourt à cheval le désert,

  Cheval de nuage et de vent,

  Air de jadis et d’à present.

  Au point du jour et au point d’eau,

  Sabine se désaltère

  Avec les lions et les panthères.

  La nuit dépose son fardeau.

  DANCES

  Hungry, thirsty Rosamund,

  Tousled by the harsh east wind

  Is your hair.

  Take the murrain anywhere

  In the sky, wind! –

  Leave it there.

  From the north, Hippolytê,

  Sharp-beaked bird to dream and cheep,

  Flew across the plains to be

  At the well-spring, did you see?

  Sharp-beaked bird to dream and cheep:

  Now asleep.

  Facing westward, Andromède,

  Figurehead,

  Stilled, unsmiling, hand and head.

  Surging at your cheeks, the spray

  Rusts your metal nails away.

  Bearing fr
uits, a behemoth

  (Is Sabina fancy-free?)

  Comes with liquors from the south,

  Ringing bells of hermitry.

  Rosamund, do you find

  Summer kind?

  – Fol-di-dee,

  I love winter more, says she,

  Roses shorn of wizardry.

  Yours, Andromeda, the fall?

  Love of thunder, gales, and showers?

  – I love spring no less than fall,

  I adore my girlhood’s flowers.

  Winter-time, Hippolytê:

  Do you love it? – Don’t ask me.

  Summer’s when my spirit follows,

  As I’ve learnt, the wheeling swallows.

  Does Sabina love the spring?

  – Yes, I loved, I sorrow after:

  Love, and mourn time’s vanishing,

  Sharing with the hours my laughter.

  Dancing, laughing in the blaze,

  I am Andromède, in flame:

  I’m consumed, obsessed, released,

  Burnt to ashes by the game.

  Do you hear it, Rosamund?

  Earth goes toiling on its way.

  – Yes, but we must make no sound:

  We shall sing another day.

  Child of air, Hippolytê

  Rides her horse across the plain:

  Horse of cloud and wind was he,

  Air of once and once again.

  Edge of water, edge of dawn,

  It’s Sabina who unwinds

  With the panthers and the lions.

  Darkness lays its burden down.

  DÉLIVRANCE D’ANDROMÈDE

  L’eau ne vêtirait plus ce corps à sa mesure.

  La clairière l’absorbe autant que le miroir

  Mais des griffes ont fait, au ventre, une blessure

  Qui tache de son sang le tissu d’un mouchoir.

  De la main relevant, sur son front, une mèche,

  Andromède s’éloigne et franchit les taillis

  Comme un fauve portant, dans sa chair, une flèche

  Qui lui dicte sa route à travers les pays.

  La sueur et la salive ont souillé son visage

  Mais la joie envahit ses sens et son esprit.

  Jamais plus, de la nuit descendant les étages,

  Des spectres ne viendront l’épouser dans son lit.

  Adieu Sabine, adieu Rosemonde, Hyppolite,

  Vers des lieux différents le soir vous précipite.

  Andromède, livrée à sa propre fureur,

  En elle apaise enfin sa soif et sa fatigue.

  L’espace grand ouvert accueille, sans erreur

  Et sans retour, pour cette fois, l’enfant prodigue.

  Andromède s’en va et joint au crépuscule

  Qui soulève, dans l’ouest, un funèbre océan,

  Le sang de sa blessure ou son ombre bascule

  Proie offerte aux baisers des nains et des géants.

  Andromède s’en va. L’endroit qu’elle abandonne,

  Endroit ou son destin s’efface et fut tracé,

  Est marqué par le jet d’une blanche colonne.

  Plus loin le monstre fuit.

  Le ciel est dépassé.

  ANDROMEDA SAVED

  The water can tailor this body no more.

  As much as the mirror, the glade in the wood

  Drinks it in. But the belly’s been gouged by a claw

  And the weave of a hanky is spotted with blood.

  Holding back her stray locks, an enveloping mesh,

  Andromeda runs through the brush and the brakes

  Like a creature that carries a dart in its flesh

  Dictating the cross-country path that it takes.

  Her face is all filthy with spittle and sweat

  But joy has invaded her senses and spirit.

  Nevermore dropping down through the night will she get

  Ghosts filling her bed on a nuptial visit.

  Adieu, Sabina, Rosamund, Hippolytê: adieu.

  The twilight moves you on, has other places planned for you.

  Andromeda yields to her innermost rage

  In which her exhaustion and thirst are annealed;

  There’s a welcome, this time, from the wide open space,

  No mistake, no return, for the prodigal child.

  She goes, and she adds to the sun’s dying blaze,

  And the funeral ocean it props in the west,

  The blood of her wound where her own shadow sways,

  Prey offered to giants and dwarves to be kissed.

  Andromeda travels. The place she has gone from,

  The place where her fate that is cancelled was given,

  Is marked by the jet of a snowy-white column.

  The monster has fled.

  It’s too much for high heaven.

  AUBE

  La nuit grasse, penchée au bord de ses abîmes,

  Contemple les jardins du jour qui disparaît.

  Moins longtemps que l’éclair, sur le couteau du crime,

  Ils ont fleuri. Déjà s’efface le portrait

  D’un monde que la mort harcèle et précipite.

  Que jaillissent les feux des phares, des bûchers,

  Que les soleils lointains, les comètes prescrites

  S’allument! Ce ne sont, près du mourant couché,

  Que veilleuses, tremblant au courant d’air des portes

  Ouvertes sur la terre et sur l’immensité.

  Tout est nuit, tout est mort, tout est seul, mais qu’importe

  Si l’on eut un instant, sous le soleil d’été,

  L’illusion de l’amour et de la plénitude.

  Viens donc, nuit incomprise et trompeuse et dis-nous

  Que les baisers fiévreux, que les creuses études

  Sont plus sages ici que, dites à genoux,

  La prière du lâche et celle du débile.

  La nuit grasse est tombée en des gouffres connus

  Où le jour la suivra d’une chute docile

  Car il dressa déjà sur les monts son corps nu.

  Il se baigne à la source, il franchit la vallée,

  Il pénètre la mer de son reflet puissant.

  Le cortège des bruits va prendre sa volée

  Pour chanter le retour du bel adolescent.

  Éteignez tous les feux et dispersez la cendre,

  Le jour est bon à vivre et l’heure est bonne à prendre.

  DAWN

  Fat night leans over the edge of the void

  Watching the gardens of vanishing day.

  Brief as the flash on the criminal blade

  They flowered. The portrait is now in decay

  Of a world that mortality hurries and harries.

  Light up, destined comets and far-off suns,

  Flare up, you beacons and warning fires,

  Mere mourners who watch at the deathbed of day

  And shiver in draughts from the open doors

  That give on to earth and infinite sky!

  All’s night and death and alone, but who cares,

  If just for a moment in midsummer sun

  We had the illusion of fullness and love!

  Tell us, night, deceitful and misconstrued,

  That the feverish kiss and the tenuous zeal

  Are wiser here than the kneeling prayer,

  The kneeling prayer of the weak and the coward!

  Fat night has plunged into gulfs she knows,

  To be followed by day with a docile fall.

  Day’s reared its bare body on mountains tall,

  It bathes in the spring, it crosses the vale,

  Its potent reflection pe
rvades the sea.

  The concert of noises will take to the air,

  Give song for the handsome young man’s return.

  Put out all the fires, let the cinders be scattered,

  The day’s to be lived and the hour to be savoured.

  CALIXTO

  A S’ENDORMIR À LA LÉGÈRE,

  AU BRUIT DES SOURCES, SOUS LE CIEL,

  RÊVANT AU RYTHME PLANÉTAIRE,

  ON PLONGE, GISANT, DANS LA TERRE

  ET SI JAMAIS RÊVE AU RÉEL

  RÉVÉLA SECRET OU MYSTÈRE

  C’EST EN DORMANT AU BRUIT DES EAUX

 

‹ Prev