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The Penguin Book of French Poetry

Page 27

by Various


  Where, suddenly dyeing the bluenesses, deliriums and slow rhythms under the red glow of daylight, stronger than alcohol, more expansive than our lyres, ferment the bitter rednesses of love!

  Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes

  Et les ressacs et les courants: je sais le soir,

  L’Aube exaltée ainsi qu’un peuple de colombes,

  Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir!

  J’ai vu le soleil bas, taché d’horreurs mystiques,

  Illuminant de longs figements violets,

  Pareils à des acteurs de drames très-antiques

  Les flots roulant au loin leurs frissons de volets!

  J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,

  Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,

  La circulation des sèves inouïes,

  Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs!

  J’ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheries

  Hystériques, la houle à l’assaut des récifs,

  Sans songer que les pieds lumineux des Maries

  Pussent forcer le mufle aux Océans poussifs!

  I know the skies that burst with lightning, and the waterspouts and the undertows and currents: I know the evening, the Dawn lifted up like a nation of doves, and I have seen sometimes what man has imagined he saw!

  I have seen the low sun, stained with mystic horrors, casting long violet coagulations of light, like actors in most ancient dramas the waves shuddering into the distance like shutters!

  I have dreamed of the green night with dazzled snows, a kiss rising slowly to the eyes of the seas, the circulation of unimagined sap, and the blue and yellow awakening of singing phosphorus!

  I have followed for months on end, like hysterical cattle in their pen, the swell storming the reefs, never dreaming that the shining feet of the Marys could wrench around the muzzle of the wheezing Oceans!

  J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides

  Mêlant aux fleurs des yeux de panthères à peaux

  D’hommes! Des arcs-en-ciel tendus comme des brides

  Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux!

  J’ai vu fermenter les marais énormes, nasses

  Où pourrit dans les joncs tout un Léviathan!

  Des écroulements d’eaux au milieu des bonaces,

  Et les lointains vers les gouffres cataractant!

  Glaciers, soleils d’argent, flots nacreux, cieux de braises!

  Echouages hideux au fond des golfes bruns

  Où les serpents géants dévorés des punaises

  Choient, des arbres tordus, avec de noirs parfums!

  J’aurais voulu montrer aux enfants ces dorades

  Du flot bleu, ces poissons d’or, ces poissons chantants.

  – Des écumes de fleurs ont bercé mes dérades

  Et d’ineffables vents m’ont ailé par instants.

  I have collided, you know, with incredible Floridas where mingle with flowers the eyes of panthers in the skins of men! Rainbows stretched like bridles under the seas’ horizon, around glaucous herds!

  I have seen vast seething marshes, traps where a whole Leviathan lies rotting in the reeds! Water collapsing amidst perfect calm, and distances cataracting down towards the abyss!

  Glaciers, silver suns, pearly waters, skies of glowing embers! Hideous strandings deep in dusky gulfs where giant snakes consumed by insect vermin fall, from the twisted trees, giving off black odours!

  I would have liked to show to children those dolphins of the blue waves, those golden fish, those singing fish. – Foam of flowers cradled my wanderings and ineffable winds gave me wings now and then.

  Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,

  La mer dont le sanglot faisait mon roulis doux

  Montait vers moi ses fleurs d’ombre aux ventouses jaunes

  Et je restais, ainsi qu’une femme à genoux…

  Presque île, ballottant sur mes bords les querelles

  Et les fientes d’oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.

  Et je voguais, lorsqu’à travers mes liens frêles

  Des noyés descendaient dormir, à reculons!

  Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,

  Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau,

  Moi dont les Monitors et les voiliers des Hanses

  N’auraient pas repêché la carcasse ivre d’eau;

  Libre, fumant, monté de brumes violettes,

  Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur

  Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,

  Des lichens de soleil et des morves d’azur;

  Sometimes, a martyr weary of poles and zones, the sea whose sobs softened my rolling lifted towards me its shadow-flowers with their yellow suckers and I remained suspended there, like a kneeling woman…

  Almost an island, tossing on my shores the squabbles and droppings of pale-eyed babbling birds. And I was sailing along, when across my frail ropes drowned men sank backwards into sleep!…

  Now I, a ship lost under the hair of coves, hurled by the hurricane into the birdless ether, I whose water-drunken carcass neither Monitors nor Hanseatic sailing ships would have fished up;

  Free, smoking, risen from violet fogs, I who pierced the lurid red sky like a wall which bears, exquisite sweetmeats for good poets, lichens of sunlight and azure mucus;

  Qui courais, taché de lunules électriques,

  Planche folle, escorté des hippocampes noirs,

  Quand les juillets faisaient crouler à coups de triques

  Les cieux ultramarins aux ardents entonnoirs;

  Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues

  Le rut des Béhémots et les Maelstroms épais,

  Fileur éternel des immobilités bleues,

  Je regrette l’Europe aux anciens parapets!

  J’ai vu des archipels sidéraux! et des îles

  Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur:

  – Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t’exiles,

  Million d’oiseaux d’or, ô future Vigueur?

  Mais, vrai, j’ai trop pleuré! Les Aubes sont navrantes.

  Toute lune est atroce et tout soleil amer:

  L’âcre amour m’a gonflé de torpeurs enivrantes.

  O que ma quille éclate! O que j’aille à la mer!

  I who ran on, speckled with lunula of electricity, a crazy plank escorted by black sea-horses, when under cudgel blows Julys were crushing the ultramarine skies into burning funnels;

  I who trembled as I felt at fifty leagues’ distance the whine of rutting Behemoths and the dense Maelstroms, an eternal spinner of the blue immobilities, I yearn for Europe with its ancient parapets!

  I have seen astral archipelagos! and islands whose delirious skies are open to the sailor: – Is it in those unfathomable nights that you are sleeping and in exile, you million golden birds, O Life Force of the future?–

  But truly, I have wept too much! The Dawns are heartbreaking. Every moon is cruel and every sun is bitter: acrid love has distended me with intoxicating torpors. O let my keel split! O let me sink into the sea!

  Si je désire une eau d’Europe, c’est la flache

  Noire et froide où vers le crépuscule embaumé

  Un enfant accroupi plein de tristesses, lâche

  Un bateau frêle comme un papillon de mai.

  Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,

  Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,

  Ni traverser l’orgueil des drapeaux et des flammes,

  Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

  If I long for European water, it is for the black cold puddle where towards the scented twilight a squatting child, full of sadness, launches a boat as fragile as a May butterfly.

  No longer can I, bathed in your languors, O waves, follow in the wake of the carriers of cotton, nor cross the pride of flags and pennants, nor swim b
eneath the horrible eyes of prison hulks.

  Mémoire

  I

  L’eau claire; comme le sel des larmes d’enfance,

  L’assaut au soleil des blancheurs des corps de femme;

  la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes

  sous les murs dont quelque pucelle eut la défense;

  Memory

  I

  Clear water; like the salt of childhood tears, the assault on the sunlight of the whiteness of women’s bodies; silk, a profusion of pure lily, banners beneath walls defended by some maiden;

  l’ébat des anges; – Non… le courant d’or en marche,

  meut ses bras, noirs et lourds, et frais surtout, d’herbe. Elle

  sombre, ayant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle

  pour rideaux l’ombre de la colline et de l’arche.

  II

  Eh l’humide carreau tend ses bouillons limpides!

  L’eau meuble d’or pâle et sans fond les couches prêtes;

  Les robes vertes et déteintes des fillettes

  font les saules, d’où sautent les oiseaux sans brides.

  Plus pure qu’un louis, jaune et chaude paupière

  le souci d’eau – ta foi conjugale, ô l’Épouse! –

  au midi prompt, de son terne miroir, jalouse

  au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère.

  angels at play; – No… the current of gold in motion moves its arms, dark and heavy, and above all cool, of grass. She sinks down, with the blue Heavens for canopy, summons for curtains the shadow of the hill and of the arch.

  II

  Oh the wet glassy surface is taut with its limpid bubbles! The water furnishes the waiting beds in pale and unfathomable gold; the faded green dresses of the little girls form the willows, from which leap the unbridled birds.

  Purer than a gold sovereign, a warm yellow eyelid the marsh marigold – O Wife, thy marriage vow! – at noon sharp, from its matt mirror, envies the pink and precious Sphere in the sky grey with heat.

  III

  Madame se tient trop debout dans la prairie

  prochaine où neigent les fils du travail; l’ombrelle

  aux doigts; foulant l’ombelle; trop fière pour elle;

  des enfants lisant dans la verdure fleurie

  leur livre de maroquin rouge! Hélas, Lui, comme

  mille anges blancs qui se séparent sur la route,

  s’éloigne par delà la montagne! Elle, toute

  froide, et noire, court! après le départ de l’homme!

  IV

  Regret des bras épais et jeunes d’herbe pure!

  Or des lunes d’avril au cœur du saint lit! Joie

  des chantiers riverains à l’abandon, en proie

  aux soirs d’aoÛt qui faisaient germer ces pourritures!

  III

  My Lady stands too upright in the nearby meadow where the threads of toil are snowing down; her parasol in her fingers; treading on umbels; too proud for her; children reading in the flower-strewn greenery

  their book bound in red morocco! Alas, He, like a thousand white angels dispersing on the road, journeys away beyond the mountain! She, quite cold, and dark, runs! after the man’s departing!

  IV

  Yearning for the thick young arms of pure grass! Gold of April moons in the heart of the holy bed! Joy of abandoned riverside boatyards, a prey to August evenings which brought to life these rottings!

  Qu’elle pleure à présent sous les remparts! l’haleine

  des peupliers d’en haut est pour la seule brise.

  Puis, c’est la nappe, sans reflets, sans source, grise:

  un vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine.

  V

  Jouet de cet œil d’eau morne, je n’y puis prendre,

  ô canot immobile! oh! bras trop courts! ni l’une

  ni l’autre fleur: ni la jaune qui m’importune,

  là; ni la bleue, amie à l’eau couleur de cendre.

  Ah! la poudre des saules qu’une aile secoue!

  Les roses des roseaux dès longtemps dévorées!

  Mon canot, toujours fixe; et sa chaîne tirée

  Au fond de cet œil d’eau sans bords, – à quelle boue?

  Let her weep1 now under the ramparts! the breath of the poplars above is all the breeze there is. Then, it is still water, without reflections, without a spring, grey: an old man, dredging, toils in his motionless boat.

  V

  A plaything of this eye of dismal water, I cannot pick there, O motionless boat! oh! arms too short! either this flower or the other: neither the yellow I find intrusive, there; nor the blue, intimate with the ashen water.

  Ah! the dust of the willows shaken by a wing! The reed-roses long since devoured! My boat, still immobile; and its chain pulled tight towards the bottom of this limitless eye of water, – to what mud?

  O saisons, ô châteaux…

  O saisons, ô châteaux,

  Quelle âme est sans défauts!

  O saisons, ô châteaux,

  J’ai fait la magique étude

  Du Bonheur, que nul n’élude.

  O vive lui, chaque fois

  Que chante son coq gaulois.

  Mais! je n’aurai plus d’envie,

  Il s’est chargé de ma vie.

  Ce Charme! il prit âme et corps,

  Et dispersa tous efforts.

  O seasons, O mansions…

  O seasons, O mansions, what soul is without blemish?

  O seasons, O mansions,

  I practised the magical science of Happiness, which no one evades.

  O may it live, each time the Gallic cock crows.

  But I shall feel no more longing, it has taken my life on its shoulders.

  That Spell! it took hold of body and soul, and dissipated every effort.

  Que comprendre à ma parole?

  Il fait qu’elle fuie et vole!

  O saisons, ô châteaux!

  What can be understood from my words? It makes them flee and fly away!

  O seasons, O mansions!

  Après le Déluge

  Aussitôt que l’idée du Déluge se fut rassise,

  Un lièvre s’arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l’arc-en-ciel à travers la toile de l’araignée.

  Oh! les pierres précieuses qui se cachaient, – les fleurs qui regardaient déjà.

  Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l’on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures.

  After the Flood

  As soon as the idea of the Flood had abated,

  A hare paused among the clover and the swaying bell-flowers and said his prayer to the rainbow through the spider’s web.

  Oh! the precious stones that were hiding, – the flowers already looking about them.

  In the squalid main street the stalls sprang up, and boats were hauled towards the sea which rose up there in strata as in old engravings.

  Le sang coula, chez Barbe-Bleue, – aux abattoirs, – dans les cirques, où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.

  Les castors bâtirent. Les “mazagrans” fumèrent dans les estaminets.

  Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil regardèrent les merveilleuses images.

  Une porte claqua, – et sur la place du hameau, l’enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l’éclatante giboulée.

  Madame∗∗∗ établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autel de la cathédrale.

  Les caravanes partirent. Et le Splendide-Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle.

  Blood flowed, at Blue-Beard’s house, – in the slaughterhouses, – in the circuses, where God’s seal turned the windows pale. Blood and milk flowed.

  Beavers built. Tall-stemmed coffee-glasses steamed in the taverns.

  In the great
house of glass still streaming with water, the children in mourning clothes looked at the marvellous pictures.

  A door slammed, and on the hamlet square the child swung his arms, understood by weather-vanes and steeple-cocks everywhere, under the glittering shower of hail.

  Madame∗∗∗ set up a piano in the Alps. Mass and first communions were celebrated at the hundred thousand altars of the cathedral.

  Caravans set out. And the Hotel Splendide was built in the chaos of polar ice and darkness.

  Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, – et les églogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c’était le printemps.

  Sourds, étang, – Ecume, roule sur le pont et par-dessus les bois; – draps noirs et orgues, – éclairs et tonnerre, – montez et roulez; – Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges.

  Car depuis qu’ils se sont dissipés, – oh les pierres précieuses s’enfouissant, et les fleurs ouvertes! – c’est un ennui! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu’elle sait, et que nous ignorons.

  Ever after, the Moon heard the jackals whining across the deserts of thyme – and the eclogues in clogs grumbling in the orchard. Then, in the tall violet burgeoning forest, Eucharis told me that it was spring.

 

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