Legacy- an Anthology
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Letter XXVII
To Adeline
I am yours, body and soul, Adeline, and I understand your motivations. Keep me in your heart, and upon your return, let us promise to breathe the same air, to share the same warmth, to live each day as if tomorrow might never exist, as if every morning would give us a new chance to fall in love with each other once again, over and over. Day after day, you will hear from me in Vienna, Adeline: In the evening, alone at my desk, my pen will fill pages with words of a passion that will only grow, without ever faltering.
Letter XXVIII
To Augustin
Shall we make a promise at this very moment, Augustin, to return here to this castle in a year, to this very spot? As if time had stopped. Will we then continue this nighttime correspondence before falling into each other’s arms for eternity?
Letter XXVIIII
To Adeline
Adeline,
Your words are music to my ears, and I am eager to write the 365th letter before, finally, holding you in my arms.
Night is coming to an end, Adeline, and I know that your great-aunt is expecting you. I will write a final letter at daybreak, and I will hide it in the secret compartment of the desk in your room after your departure. You will find it when you return in a year, in memory of this marvelous and unforgettable night.
Letter XXX
To Augustin
I will not say “goodbye,” my love. I will leave you with a simple “until we meet again.” And now I must go.
Your Adeline, always and forever.
Letter XXXI
To Adeline
My dear Adeline,
This night marks the unfolding of a story of all ages. The flame of my candle is weak, the ink in my pen is dry. The fog of dawn rolling through the castle’s grounds does not hide your silhouette in front of the carriage awaiting you below. From the window of my room, my eyes envelop you in a protective shroud that will accompany you during 12 long months as I wait for our reunion. My heart is heavy as I watch you depart, but at the same time, in ecstasy at the idea that you are closer to being mine with each passing day, each passing hour.
When you hold this letter, we will be about to meet once again. I imagine you, breathing rapidly, hands trembling, overcome with emotion as my footsteps approach your door. I will knock three times, you will rush forth, and together we will fall into each other’s arms, locked for eternity.
Your Augustin, forever and always.
NOTE
On the following pages, we present to you “Letters of the Night” in its original French version.
Les lettres de la nuit :
Adeline et Augustin
Didier Quémener
Les faits racontés se présentent comme pure fiction. Seuls les personnages de cette correspondance pourraient témoigner de la véracité du récit. Adeline et Augustin racontent l’amour. D’une histoire de jeunesse, alors tous deux enfants se jouant des règles qu’une vie d’adulte leur imposerait, naîtra un véritable attachement réciproque. Leur récente rencontre, au Château de Madame de M. pendant l’hiver 1875, sera le moment opportun de raviver une passion dépassant l’imagination du commun des lecteurs. Les lettres reproduites dans cette histoire vous sont livrées telles qu’elles furent retrouvées, sans avoir été éditées et sans aucune modification de leur contenu.
Lettre I
A Adeline
Chère Adeline,
Pardonnez mon arrogance alors que je vous fais parvenir cette missive à une heure si tardive de la nuit mais il m’était impossible de trouver le sommeil, tant votre présence ce soir pendant la réception donnée au Château a occulté le reste de la fête et de ses invités.
Mon esprit s’est dérobé à la minute où mon regard s’est posé sur votre visage. Certes je retrouve, en admirant la jeune-femme que vous êtes devenue, l’enfant que je connaissais lors de mes visites ponctuelles au domaine familial. Cependant le temps semble me narguer alors que je vois encore dans vos yeux nos jeux d’été d’hier, dans le parc derrière la demeure parentale, et que je devine aujourd’hui toute l’élégance et la grâce qui vous ont accompagnée au cours de cette cérémonie. Ces quelques années, sans jamais vous revoir une fois, ont laissé sur vous une empreinte si délicate, si légère… Si Madame de M. n’avait pas fait les présentations, je serais certainement resté encore de nombreuses années sans jamais vous apercevoir de nouveau. Quel plaisir d’avoir pu vous voir encore ! Si l’assoupissement et la fatigue ne vous ont pas encore gagnée, une réponse de votre part conclurait ces belles retrouvailles.
Lettre II
A Augustin
Cher Augustin,
Vous êtes tout pardonné puisque je ne dormais pas. A vrai dire, en cherchant dans mes souvenirs et me remémorant le jeune adolescent fougueux que vous étiez, je n’en attendais pas moins de vous. Un silence de votre part m’aurait certainement surprise. Le plaisir est réciproque Augustin. Ces années passées à l’étranger vous ont muri, semble-t-il ? Vous apparaissez en homme du monde instruit et votre comportement, plein d’assurance dans vos conversations avec vos compères, vous donne belle allure en société, surtout devant la gente féminine comme j’ai pu le remarquer… Félicitations !
Lettre III
A Adeline
Adeline,
Je vous remercie pour vos mots. Vous avez raison : ces voyages m’ont beaucoup apporté, tant intellectuellement qu’humainement. Et puis le temps qui s’écoule inexorablement marque son empreinte sur vous, comme cette encre sur les lettres que je vous adresse. Saviez-vous que j’ai précieusement gardé les quelques lettres que vous m’écriviez lors de vos hivers en Italie avec vos parents ? Quand la mélancolie vient frapper aux portes de mon cœur, je les relis, l’une après l’autre… Avez-vous encore les miennes ?
Lettre IIII
A Augustin
Je crois que vos lettres sont toujours à la résidence hivernale que nous occupions mais après la prise de Rome, mes parents se sont installés à Florence depuis peu. Il se peut qu’elles y soient déjà arrivées : l’ancienne Capitale est devenue si politiquement instable que mon père a décidé de se séparer de notre maison de famille. C’est bien triste, je vous l’avoue Augustin. J’ai le sentiment qu’une partie de moi va s’éteindre le jour où j’apprendrai la vente. Mais il en est ainsi, comme pour ce qui est de la vie. Les choses changent et nous changeons avec elles.
Lettre V
A Adeline
La vie ne vaut d’être vécue, Adeline, que si l’on craint de la perdre : si l’irremplaçable disparaît, à quoi bon continuer une existence dépourvue de son principal intérêt ? La simple idée de perdre la moindre chose qui me rattache à vous me glacerait le sang. Je n’ose y songer ! J’achèterai la maison romaine de vos parents et contacterai mon ami l’Ambassadeur de France afin qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour en assurer sa sécurité. Le temps nous appartient pour que nous y laissions notre trace, pour que nos souvenirs s’enracinent à jamais.
Lettre VI
A Augustin
Augustin, voici qui est bien noble de votre part et tout à votre honneur : je vous en remercie. Je ferai part de vos intentions à mon père qui ne manquera pas de vous contacter à ce sujet. Mais dites-moi, votre réussite sociale est remarquable : nous n’avons pas eu l’occasion de beaucoup converser lors de cette soirée, quel est donc votre milieu professionnel ? Avez-vous suivi les affaires de feu votre grand-père ? Le commerce des métaux précieux semble plus que jamais prolifique.
Lettre VII
A Adeline
Les affaires sont les affaires. Les relations avec mon père, que vous avez bien connu, se sont lentement dégradées provoquant mon départ de voyage autour du monde. Il a toujours refusé de comprendre mon désir de liberté, ce qui me fait penser parfois que l’exemple de sa vie m’a servi de point de repère d’une certaine manière. Je voulais à tout prix m’éloigner de l’enfermement financier dans lequel il se trouvait happé un peu plus chaque jour. Voilà pourquoi j’ai eu
très tôt le désir de partir : quitter cet esclavage cupide, quitter ce mal incessant qui le rongeait comme une maladie invisible. Je me suis construit seul Adeline, seul au fur et à mesure de mes rencontres. Cette expérience, éloignée de la vie mondaine que vous et moi avions connue depuis notre plus jeune âge, a de loin été la meilleure de ces dernières années. J’ai vu des gens qui ne possédaient rien et dont l’unique richesse se résumait à leur quotidien : manger pour survivre. J’ai côtoyé des familles dont les enfants se mettaient à travailler à partir du moment où ils avaient assez de force pour tenir sur leurs deux jambes. J’ai vu la misère Adeline, la pauvreté dans son pire état. J’ai vu la tristesse de visages fermés sur lesquels le temps semble soudain s’arrêter pour creuser, jour après jour, un peu plus de souffrance.
Ne vous fiez pas aux apparences des futilités d’il y a quelques heures : tout ceci n’est qu’un jeu de dupes. Je n’éprouve aucune honte à me servir d’eux, aucun remords pour faire semblant d’appartenir à leur monde, aucun regret de les utiliser à mon gré. La vérité Adeline c’est que votre souvenir d’un Augustin que vous connaissiez jusqu’alors ne devra rester qu’un souvenir parmi tant d’autres. Je suis libre de mes actes et je décide de mon destin, au contraire de mon père. D’avoir atteint l’âge adulte aura au moins eu ce mérite de me proclamer affranchi. Et cette indépendance n’a pas de prix.
Lettre VIII
A Augustin
Mon cher Augustin,
Votre histoire est aussi singulière qu’émouvante. Qui aurait imaginé un tel sort et de telles aventures ? Je suis loin d’imaginer que vous regrettiez tout de même le milieu qui vous a façonné ? Que gardez-vous de nos sentiments d’enfants ? Une douce amertume qui d’un côté vous rattache à moi et de l’autre vous en éloigne fatalement, à en juger votre dédain pour cette classe sociale qui nous a vus naître ? Vouloir renoncer à une partie de son passé ou bien encore croire à l’abandon de ses origines sont bien plus profonds, à mon sens, qu’un état de faits (aussi fondamental qu’il puisse être) : vous glissez peut-être également vers une perte d’identité Augustin, une perte de l’être que j’ai connu auparavant. Fausse ou vraie hypocrisie, la candeur, la juvénilité et la spontanéité qui vous définissaient me paraissent si loin…
Lettre VIIII
A Adeline
Adeline,
Votre froideur à mon égard me surprend ! Que dis-je ? M’effraie et m’attriste au plus profond de mon âme ! Ne reste-t-il rien de notre relation dans votre cœur ? Je suis aujourd’hui bien plus l’« Augustin » que vous avez toujours connu que je n’ai pu l’être à cette époque de nos vies. Au contraire, comprenez ma chère et tendre que mon périple, de continent en continent, n’a fait que renforcer la vision déjà altérée que j’avais du monde qui nous entourait, vous et moi, dans nos familles respectives. N’avez-vous jamais eu le désir de vous rapprocher de la vérité ? Quelle vérité me direz-vous ? Permettez-moi de vous répondre avant même que la question ne vous traverse l’esprit : la seule et unique vérité, celle qui crée cette rupture avec le monde des faux-semblants qui nous inonde, celle qui nous permet de nous rapprocher imperceptiblement de la réalité. Et pas seulement une réalité du monde tel qu’il est ou tel que nous devrions tous le voir, mais la réalité, cette réalité qui a pour obligation de nous ouvrir les yeux sur ce que nous sommes et du dessein qui nous accompagne en tant que personne, en tant qu’humaniste.
N’aimeriez-vous pas voir autre chose que ce dont vous avez été témoin ce soir ? Que pensez-vous réellement de la sincérité des gens qui ne faisaient que finalement emplir l’espace décadent du Château ? N’avez-vous enfin jamais rêvé à autre chose ?
Lettre X
A Augustin
Peut-être étais-je trop jeune Augustin pour voir tout ce que vous me décrivez au beau milieu de la nuit ? Peut-être avais-je pris inconsciemment la décision de cacher cette « réalité » dont vous parlez ? Peut-être votre maturité acquise au sein de votre famille, ou devrais-je dire devant ces figures paternelles qui semblent encore vous hanter aujourd’hui, a su vous apporter cette pensée indécise sur les règles qui sont malgré tout présentes autour de nous ? Soyons honnêtes Augustin : nous jouons tous un rôle et nous adaptons notre discours en fonction de celles et ceux qui nous accompagnent dans notre chemin. Acteur ou spectateur, la différence est infime, Nous basculons tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. C’est ce qui nous autorise à évoluer « sereinement » dans cette société dont vous peignez un tableau bien sombre. Que vous importe le plus à ce moment précis Augustin ? Quelle est votre première préoccupation ? Ce que vous vivez là, en cet instant, dans l’échange de nos lettres, ou bien ce qu’il adviendra quand notre existence ne sera plus qu’une légère trace dans la mémoire d’une quelconque descendance que nous n’aurons peut-être pas ?
Pour satisfaire votre curiosité, je vous répondrai oui. Oui j’ai parfois (souvent pour être parfaitement honnête) rêvé d’une situation moins ambigüe. Oui j’ai pareillement eu envie de sentir, toucher ou ne serait-ce qu’effleurer le vrai, du bout des doigts. Les peines de l’âme, les cicatrices du cœur sont celles dont on guéri le plus difficilement, surtout « quand on a dix-sept ans » (pour reprendre l’âge fétiche de votre poète préféré) : raison s’il en fallait une pour apprendre à se protéger dès les prémices de l’adolescence.
Lettre XI
A Adeline
Je suis heureux de voir que mon ami Rimbaud vous plaise ! N’est-il pas extraordinaire ? Si jeune, si ardent, si juste dans son écriture !
Adeline, vous dites avoir appris, dès votre plus jeune âge, à vous protéger : mais de quoi ? L’innocence du cocon familial qui nous a choyés tous les deux durant tant d’années aura au moins eu le mérite de nous faire croire à un monde idyllique et de nous faire vivre une insouciance non négligeable, ne pensez-vous pas ?
Lettre XII
A Augustin
Augustin, vous me décrivez un bonheur orchestré au rythme indolent d’une vie construite dans une oisiveté bien plus affligeante que passionnante ! Je vous parle de sentiments mon cher ami, je vous parle du cœur, de peine, de tristesse…
Lettre XIII
A Adeline
Adeline, ma sincérité et mes sentiments envers vous ont toujours été purs, vous le savez. A quelles douleurs faites-vous allusions ? Qu’a bien-t-il pu vous arriver pour tenir de tels propos ? Un nom ! Donnez-moi un nom et je m’efforcerai de braver ce briseur d’amour et panserai vos blessures : un tel affront ne restera pas impuni !
Lettre XIIII
A Adeline
Ma chère Adeline,
Je serai surpris de vous savoir assoupie et pourtant ma dernière lettre est restée sans réponse : vous ai-je offensée en quoi que ce soit ? Répondez-moi, je vous en conjure !
Lettre XV
A Adeline
Adeline,
Votre mutisme m’épouvante, m’angoisse. Je me refuse à croire que vous dormiez. Et d’ailleurs mon valet de chambre m’a fait savoir par votre servante que vous étiez toujours éveillée. Qu’attendez-vous pour me répondre ? Inutile de vous répéter qu’il n’existe rien au monde que vous ne puissiez me demander et que je me refuse à faire pour vous ! Répondez-moi, par amour de notre jeunesse préservée dans la chaleur de nos âmes !
Lettre XVI
A Augustin
Augustin,
Bien plus que du courage, c’est un effort incommensurable qu’il m’a fallu pour trouver, au plus confiné de mon être, la force de vous répondre. Vous avez évidemment parcouru le monde, ce qui vous a ouvert les yeux et interpellé personnellement, sans pour autant vous rendre compte de ce que vous laissiez derrière vous ?
Avez-vous la moindre idée de ce que j’ai pu ressentir lorsque j’ai appris que vous quittiez la France sans même m’avertir sur votre destination ni la sur durée de votre voyage ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu me rendre visite une dernière fois avant votre départ ? Pas une visite, pas un mot : comment avez-vous pu ? A l’aube de mes dix-sept p
rintemps, à l’heure de l’éveil à l’amour et aux passions, à l’heure des promesses ! Partir sans mot dire, partir sans vous soucier de celles et ceux qui vous ont accompagné durant tant d’année ? Enfin Augustin, partir en laissant mes sentiments aux abois ! Désemparée : voilà la triste conclusion que votre envol a pu laisser comme traces dans ma vie de jeune femme… Le désarroi, la peur : je suis passée par tous les sentiments, l’un succédant à l’autre ! Prenez le temps de la réflexion Augustin car je vous laisse imaginer tous les synonymes que la langue française possède. Cette sensation d’abandon vous fait mal Augustin. Elle détruit. Elle fait mal comme une maladie invisible qui vous ronge et ne guérit pas, qui vous tue lentement et vous garde assez de souffle pour en souffrir sans jamais pour autant vous achever. J’aurais préféré être un cheval malade que l’on se doit d’abattre afin ne plus le voir râler de douleur ! Ma pauvre mère a été spectatrice impuissante, jour après jour, de mes poussées de fièvres, de mes lamentations, de mes sanglots. Les médecins du tout Paris se sont succédé à mon chevet : les pauvres, ils cherchaient en vain une explication rationnelle à mes maux… Si seulement ils savaient qu’un cœur brisé, mis à terre, ne se relève jamais intact ?