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Legacy- an Anthology

Page 16

by Regina Calcaterra et al.


  Je ne cherche pas à vous blâmer Augustin, je ne vous tiens pas pour responsable de ce qui m’est arrivé car tout est de ma propre faute. J’aurais dû oublier cette naïveté qui faisait mon quotidien, j’aurais dû comprendre beaucoup plus tôt que je serais une proie facile face aux démons de l’amour, que mes sentiments se joueraient de moi et que je deviendrais finalement la victime idéale.

  Lettre XVII

  A Adeline

  Oh Adeline ! Chère et tendre Adeline, ma douce, fragile Adeline…

  Une fois n’est pas coutume, les mots me manquent pour exprimer ce que je ressens à la lecture de votre lettre… Je n’ai jamais appris de quiconque ce dont vous venez de me faire part ! Comment est-ce possible ? Comment puis-je un jour effacer une telle injustice ? Comment vais-je être capable de supporter mon être après de telles révélations ?

  Adeline, vous venez d’ouvrir mon cœur à vif et je crains, à mon tour, qu’il ne se referme jamais… Lorsque je vous ai laissée à la fin de votre adolescence, je ne cherchais pas à vous fuir, je n’étais pas en exil. Même si, en vous quittant sans mot dire, vous avez cru voir votre monde s’écrouler, je l’ai fait dans un but unique : vous épargner. C’est bien cela Adeline, vous éviter toute douleur inutile d’un au revoir qui aurait semblé une éternité et qui nous aurait certainement meurtris l’un et l’autre. Je ne suis pas un lâche ma belle Adeline, j’ai voulu uniquement nous empêcher des souffrances superflues mais je constate, malheureusement bien trop tard, que j’ai échoué et que c’est tout le contraire de ma pensée qui s’est réalisé devant vos yeux.

  Trouverez-vous la force, au plus profond de votre cœur, pour me pardonner un jour ? Ne serait-ce que dans l’illusion d’alléger votre peine et me faire croire ainsi que cette erreur d’un passé pas si lointain est réparable ? Ne vous accablez pas Adeline, je vous en supplie ! Comprenez mon geste et mes intentions à cette époque désagréable de ma vie : je ne pouvais plus respirer au sein de ma propre famille, je ne voyais aucune liberté dans un avenir qui m’était alors tout tracé par héritage de mes aïeuls. Comme un cercueil se refermant un peu plus chaque jour sur moi, je suffoquais jusqu’à en haïr mon propre nom et ma naissance. Je voulais vous revenir autrement Adeline, je voulais que vous me redécouvriez un jour, par le gré du hasard comme ce fut (presque) le cas ce soir, en tant qu’homme sincère et en définitive prêt pour l’amour. L’amour d’une vie entière, l’amour qui brûle incommensurablement et qui traverse les épreuves de la vie dans jamais s’éteindre ou même s’affaiblir. L’amour que je peux, que je veux vous donner Adeline, sans réfléchir, sans regarder autour de nous, sans ne plus me poser aucune autre question que celle qui me préoccupe aujourd’hui pour le reste de mon parcours sur cette terre : que dois-je faire pour regagner votre amour en retour ? Je peux sur le champ lâcher cette plume, briser toutes les lois dérisoires qui nous oppressent et venir frapper à votre porte au milieu de cette nuit glaciale pour tomber à genoux devant vous ! Dites-moi que l’espoir existe encore, dites-moi que je ne vous laisse pas indifférente, je vous en supplie !

  Lettre XVIII

  A Augustin

  Augustin,

  Comme je vous l’ai écrit, je ne vous accuse de rien et de ce fait, rien non plus ne doit vous accabler à ce point. Les choses sont ce qu’elles ont été et ni vous ni moi ne referons le passé. Je veux penser à l’avenir Augustin et ne plus me remémorer cette parenthèse, aussi pénible soit-elle, de ma jeune vie. Il m’a semblé important et approprié de vous le raconter pour que tout soit clair entre nous. A présent, je veux me construire une destinée paisible. Nous sommes jeunes, ce qui laisse le temps à nos émois de grandir et de s’affirmer sans la moindre précipitation. Ne vous torturez pas pour ce qui restera inchangé mon ami, cela n’en vaut pas le tourment : tout le malheur d’un cœur, qui a déjà connu tant de souffrances, ne doit jamais se répéter.

  Lettre XVIIII

  A Adeline

  Adeline,

  Je vous lis sans pour autant vous comprendre. La mélodie de votre voix douce résonne dans ma tête lorsque je lis vos mots mais ce que mes yeux voient sonne faux. Quel est donc cet écart que vous essayez sans interruption d’imposer entre nos êtres ? Pourquoi cette distance ? Nos corps sont, par la force des choses, éloignés de toute étreinte alors que mon désir de vous prendre dans mes bras s’enflamme toujours un peu plus après chaque lettre que je vous envoie et vous me parlez de temps en suspens, de précipitation inutile ? Adeline, que vous arrive-t-il ? Vous venez vous-même de l’exprimer : oublions le passé et vivons notre vie aujourd’hui, à ce moment précis. Mais en cet instant, je ne ressens que la froidure de l’aube qui envahit peu à peu le Château et la vôtre qui me transperce de toute part, me paralyse le corps et m’ankylose l’âme ! A quelle étoile funèbre vous fiez-vous ? Qu’attendez-vous du ciel ?

  Lettre XX

  A Augustin

  Augustin,

  Que savez-vous de l’attente ? Que connaissez-vous des heures d’agonie qui vous entaillent et vous laissent à vif ? Ne faites pas ressusciter ce que je m’attache à enfouir et ne veux plus jamais vivre une nouvelle fois. Au temps des grandes tragédies anciennes, je serais morte de chagrin et vous seriez entré dans les ordres ! Sortez de votre coquille de soie Augustin et cessez de vous inventer des rôles sur mesure ! Pendant des années vous avez eu votre chance, pendant des années vous n’avez cessé d’être hésitant, se sachant pas quelle direction prendre, pendant des années vous avez joué avec mes sentiments… Mais je sens l’exaspération qui me gagne ce qui me fait dire que je ne veux vous montrer aucune colère, aucune contrition. Je suis forte Augustin, je ne suis plus cette petite oie blanche, appât facile, de mots et de belles paroles.

  Lettre XXI

  A Adeline

  Cela en est trop Adeline ! Je ne vous ai ni bafouée, ni sali votre honneur de quelconque façon qu’il puisse être ! Vous attendiez des promesses, certes, et je suis parti sans vous revoir. Je cherchais à vous protéger : j’ai eu tort et je le regrette infiniment. Je le regretterai jusque la fin de mes jours. En ce lieu, je vous dévoile mes émotions les plus sincères. Me repousser de la sorte est un mensonge Adeline. Je n’ose croire que derrière vos mots, aussi durs que la pierre des murs de cette demeure, si brutaux et violents, il n’existe pas une flamme, si infime soit-elle, ne demandant qu’à être ravivée.

  Lettre XXII

  A Augustin

  Augustin,

  Notre histoire ne peut plus exister. En tout cas pas maintenant. Vous devez me laisser Augustin, vous devez vous tourner vers de nouveaux horizons. Ce serait utopique que de penser à construire un avenir, ainsi en pleine nuit, alors que le jour ne va pas tarder à se lever…

  Lettre XXIII

  A Adeline

  Jamais ! Comprenez-vous Adeline, JAMAIS ! Je ne laisserai pas les erreurs du passé souiller notre rêve, je n’abandonnerai pas ! Si je devais vous suivre jusqu’au bout du monde et implorer votre pardon, devenir votre ombre pour ne plus jamais vous quitter un seul instant, je ferais tous les sacrifices pour y parvenir.

  Lettre XXIIII

  A Augustin

  Augustin,

  Votre élan, votre passion, vos mots me rassurent. Je ne suis pas naïve. Je vois l’amour. Mais c’est à mon tour de vous protéger car je sens bien qu’il en va de ma responsabilité de freiner vos ardeurs en vous disant de garder vos promesses. La pensée de vous perdre encore m’est insupportable et malgré un aveu tardif de mon affection pour vous, la réalité de notre quotidien nous enchaîne Augustin. Il vous faut renoncer mon bel amant. Je dois vous quitter. Je pars dès le lever du soleil retrouver ma grand-tante en Autriche.

  Lettre XXV

  A Adeline

  Je vous suis ! Je vous rejoins sur place dans moins de deux jours, le temps de parer aux obligations qui me tiennent et je serai à vos côtés.

  Lettre XXVI

  A Augustin

  Non Augustin, l’isolement sera bienfaiteur : aussi bien pour vous que pour moi. J’ai décidé de rester un an à Vienne et parfaire m
on apprentissage de la musique. De plus, et je ne cache pas mon égoïsme, je ne manquerais pour rien au monde Carmen dont les représentations viennent de débuter il y a seulement quelques semaines à l'Opéra impérial. Bizet n’est plus, comme vous le savez hélas, mais son chef-d’œuvre a reçu un véritable triomphe ces derniers jours. De Wagner a Brahms, tous sont tombés sous le charme ! J’ai même entendu dire que ce dernier aurait déjà assisté à plus d’une vingtaine de représentations, vous rendez-vous compte ? Je veux vivre cette extase qui m’attend dans moins de deux jours et ensuite m’isoler, me recueillir avec mon violoncelle et mon travail. Une année Augustin, quatre petites saisons : pouvons-nous espérer nous retrouver ? Aurez-vous l’audace de m’attendre ? Suis-je raisonnable de vous demander un tel dévouement ? La pureté de nos sentiments résistera-t-elle à cette épreuve ?

  Lettre XXVII

  A Adeline

  Je vous suis corps et âme Adeline ! Qui d’autre que moi comprendrait le mieux vos motivations ? Gardez-moi dans votre cœur et dès votre retour, promettons-nous de respirer le même air, de partager la même chaleur, de vivre chaque jour comme s’il n’y avait aucun lendemain à considérer, comme si nos vies étaient à bout de souffle et que chaque matin nous donne une nouvelle chance de nous séduire, de nous conquérir encore et toujours… Jour après jour, vous recevrez de mes nouvelles à Vienne Adeline : le soir venu, seul devant mon bureau, ma plume comblera des pages blanches où vous lirez ma passion qui ne fera que grandir sans jamais flétrir.

  Lettre XXVIII

  A Augustin

  Prenons date en cet instant précis Augustin et retrouvons-nous, dans un an au Château de Madame de M., en cet endroit même : nous échangerons alors peut-être nos ultimes lettres avant de nous retrouver dans les bras l’un de l’autre et nous enlacer pour l’éternité ?

  Lettre XXVIIII

  A Adeline

  Adeline,

  Vos désirs sont mélodie à mes oreilles et il me tarde d’achever la trois-cent-soixante-cinquième lettre avant de pouvoir enfin vous serrer, vous embrasser.

  La nuit touche à sa fin Adeline et je sais que vous êtes attendue. Je rédigerai une dernière lettre, pour cette nuit, que je dissimulerai dans le compartiment secret du bureau de votre chambre après votre départ. Vous la trouverez à votre retour, dans un an, en mémoire de cette nuit merveilleuse et ineffaçable.

  Lettre XXX

  A Augustin

  Je ne vous dis pas « au revoir » mon bel amant : je vous laisse avec simple « à tout à l’heure » en guise d’adieu. Je pars.

  Votre Adeline, pour toujours et à jamais.

  Lettre XXXI

  A Adeline

  Ma belle Adeline,

  La flamme de ma bougie se fait si frêle, l’encre de ma plume se fait si rare… Cette nuit a marqué d’un sceau immuable une histoire qui appartient à l’éternité des âges. Le brouillard de l’aube qui envahit l’esplanade du Château ne peut dissimuler votre silhouette devant la voiture vous attendant plus bas. De la fenêtre ma chambre, mes yeux vous enveloppent d’un linceul protecteur qui vous accompagnera pendant ces douze longs mois où je resterai à vous attendre. Mon cœur est lourd en observant votre départ mais également si bouillonnant à l’idée que vous serez mienne, toujours un peu plus, d’heures en heures, de jours en jours.

  Lorsque vous tiendrez cette lettre entre vos mains, nous serons à quelques mètres l’un de l’autre. Je vous imaginerai respiration haletante, mains tremblantes, submergée d’émoi, alors que mes pas résonneront dans le couloir qui mène à votre chambre. Je frapperai trois fois sur votre porte, vous vous précipiterez pour m’ouvrir et nous tomberont ensemble sur le sol, étreints pour l’éternité.

  Votre Augustin, à jamais et pour toujours.

  Hope for the Future

  “Hope is the thing with feathers

  That perches in the soul

  And sings the tune without the words

  And never stops at all.”

  ― Emily Dickinson

  A Forever Home

  Regina Calcaterra

  “My name is Brezan, I am twenty-one, and I want a family.”

  Finding a street spot to park my car on the Upper West Side of New York is never an easy task—especially on a Sunday near the historic Riverside Church. To my surprise, I found a space just big enough to fit my Prius a mere block away. This was fortunate since I was already late to You Gotta Believe’s first faith-based meeting with church leaders and congregation members.

  Ten years ago, I read an article in The New York Times about You Gotta Believe, an organization that works to get older foster children adopted. While I was a teenager in foster care in the 1980s, I was told that when I “aged out” of foster care on my 18th birthday, I could expect to be homeless. (The “age out” age varies from state to state.)

  Back then, when I asked my case worker if I could be adopted instead of being homeless, she told me foster kids are not adoptable, especially the older ones. The weight of her words reinforced what others had told me: The clock was ticking, and my options for a decent life were narrowing. At age 38, after reading about You Gotta Believe and its mission of finding permanency for our foster youth, I had immediately contacted the organization’s founder and offered my assistance. I have been serving on its board of directors ever since.

  As a foster care child, I personally experienced the shortcomings of the government system and its challenges serving as a pseudo-parent to foster children. After joining You Gotta Believe, I was elated that an organization outside of the government infrastructure existed to identify and train prospective foster-adoptive parents and that it believed that regardless of age, every child deserves a forever home.

  I jumped out of my car and raced toward the church, but halted in confusion when I looked up. The church takes up more than a city block with one entrance after another (after another). It was huge and intimidating, but I picked a door and rushed inside the large sanctuary.

  As an advocate for adoption of foster children, I’ve been active in speaking and writing on the issue. As a foster child, I lived through these issues. But taking the message inside one of the most hallowed houses of God in New York had never crossed my mind. That is, until one weekend several weeks earlier. While speaking at a foster care adoption awareness weekend at Arizona’s Sun Valley Community Church, I heard a state executive publicly pronounce that government cannot be a good parent. Of course, as a child of the system, I could agree. But if not government, then whom? Or what? Faith-based institutions?

  Inside Riverside Church, I didn’t see pews but found a polite security officer, who directed me to a room on the fourth floor. I quietly opened the door and slid unnoticed into the back row.

  The room’s five long rows of chairs were filled with a cultural and generational mix of congregants. Up front was a tall and broad gentleman who appeared to be the leader, sitting at a desk facing the congregation and nodding at key points raised by the speaker. He would then look at the crowd, and smile and nod again as if in approbation of the speaker’s premise. Mary Keane of You Gotta Believe stood confidently without a podium before the congregants. Mary has become a forever parent to 13 young adult women from foster care and trains prospective parents on how to be forever or adoptive parents to older foster children.

  Mary explained that annually, more than 20,000 children in the United States age out of foster care and end up alone—with no parents or family to guide them during the difficult transition into adulthood. No one to be present in their adult lives. These young men and women will be pushed out of foster care and into society without a safety net to rely on when any setback occurs, and many will end up homeless, incarcerated or worse.

  Mary reminded the congregation how these children landed in foster care. “They are not bad children; they were just dealt bad hands.” She paused to gauge the response in the room, as not only the leader nodded in acceptance but the church members as well. She let that sink in, before she told us what actually happe
ns to our foster children when they age out, parentless. “Part of the problem is that before aging out of the system, older foster children are provided lessons on how to live independently rather than what they really need—a parent,” she told us. “Instead of holding our breath and crossing our fingers hoping that the independent living training will work for them as we kick them to the curb, we need to change course and find them forever homes.”

  The lineup of speakers that evening included three kids I knew from my work with You Gotta Believe. Then there was a fourth.

  Susan Grundberg, the executive director of You Gotta Believe, turned to catch my gaze and mouthed, “Just listen.” And then she pointed to me and said, “You will like her.” She was right.

  I looked back at the young woman who stood before us in a black and white jersey dress with horizontal stripes and practical black ballet flats, totally at ease and exuding a sense of “I got this” to the audience. She was Speaker Number Four.

 

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