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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 295

by Gustave Flaubert


  Ces messieurs la refusèrent. On soumit le cas au juge de paix, et il conclut pour le fermier. La perte des Écalles, l'acre estimé deux mille francs, lui faisait un tort annuel de soixante-dix francs ; — et devant les tribunaux il gagnerait certainement.

  Leur fortune se trouvait diminuée. Que faire ? Comment vivre bientôt ?

  Ils se mirent tous les deux à table, pleins de découragement. Marcel n'entendait rien à la cuisine ; son dîner cette fois dépassa les autres. La soupe ressemblait à de l'eau de vaisselle, le lapin sentait mauvais, les haricots étaient incuits, les assiettes crasseuses, et au dessert, Bouvard éclata, menaçant de lui casser tout sur la tête.

  — Soyons philosophes dit Pécuchet ; un peu moins d'argent, les intrigues d'une femme, la maladresse d'un domestique, qu'est-ce que tout cela ? Tu es trop plongé dans la matière !

  — Mais quand elle me gêne, dit Bouvard.

  — Moi, je ne l'admets pas ! repartit Pécuchet.

  Il avait lu dernièrement une analyse de Berkeley, et ajouta : Je nie l'étendue, le temps, l'espace, voire la substance ! car la vraie substance c'est l'esprit percevant les qualités.

  — Parfait dit Bouvard mais le monde supprimé, les preuves manqueront pour l'existence de Dieu.

  Pécuchet se récria, et longuement, bien qu'il eût un rhume de cerveau, causé par l'iodure de potassium ; — et une fièvre permanente contribuait à son exaltation. Bouvard, s'en inquiétant, fit venir le médecin.

  Vaucorbeil ordonna du sirop d'orange avec l'iodure, et pour plus tard des bains de cinabre.

  — À quoi bon ? reprit Pécuchet. Un jour ou l'autre, la forme s'en ira. L'essence ne périt pas !

  — Sans doute dit le médecin la matière est indestructible ! Cependant…

  — Mais non ! mais non ! L'indestructible, c'est l'être. Ce corps qui est là devant moi, le vôtre, docteur, m'empêche de connaître votre personne, n'est pour ainsi dire qu'un vêtement, ou plutôt un masque.

  Vaucorbeil le crut fou. — Bonsoir ! Soignez votre masque !

  Pécuchet n'enraya pas. Il se procura une introduction à la philosophie hégélienne, et voulut l'expliquer à Bouvard.

  — Tout ce qui est rationnel est réel. Il n'y a même de réel que l'idée. Les lois de l'Esprit sont les lois de l'univers ; la raison de l'homme est identique à celle de Dieu.

  Bouvard feignait de comprendre.

  — Donc, l'Absolu c'est à la fois le sujet et l'objet, l'unité où viennent se rejoindre toutes les différences. Ainsi les contradictoires sont résolus. L'ombre permet la lumière, le froid mêlé au chaud produit la température, l'organisme ne se maintient que par la destruction de l'organisme ; partout un principe qui divise, un principe qui enchaîne.

  Ils étaient sur le vigneau ; et le curé passa le long de la claire-voie, son bréviaire à la main.

  Pécuchet le pria d'entrer, pour finir devant lui l'exposition d'Hegel et voir un peu ce qu'il en dirait.

  L'homme à la soutane s'assit près d'eux ; — et Pécuchet aborda le christianisme.

  — Aucune religion n'a établi aussi bien cette vérité : La Nature n'est qu'un moment de l'idée !

  — Un moment de l'idée ? murmura le prêtre, stupéfait.

  — Mais oui ! Dieu, en prenant une enveloppe visible, a montré son union consubstantielle avec elle.

  — Avec la Nature ? oh ! oh !

  — Par son décès, il a rendu témoignage à l'essence de la mort ; donc, la mort était en lui, faisait, fait partie de Dieu.

  L'ecclésiastique se renfrogna. Pas de blasphèmes ! c'était pour le salut du genre humain qu'il a enduré les souffrances…

  — Erreur ! On considère la mort dans l'individu, où elle est un mal sans doute, mais relativement aux choses, c'est différent. Ne séparez pas l'esprit de la matière !

  — Cependant, monsieur, avant la création…

  — Il n'y a pas eu de création. Elle a toujours existé. Autrement ce serait un être nouveau s'ajoutant à la pensée divine ; ce qui est absurde.

  Le prêtre se leva ; des affaires l'appelaient ailleurs.

  Je me flatte de l'avoir crossé ! dit Pécuchet. Encore un mot ! Puisque l'existence du monde n'est qu'un passage continuel de la vie à la mort, et de la mort à la vie, loin que tout soit, rien n'est. Mais tout devient ; comprends-tu ?

  — Oui ! je comprends, ou plutôt non ! L'idéalisme à la fin exaspérait Bouvard. Je n'en veux plus ! le fameux cogito m'embête. On prend les idées des choses pour les choses elles-mêmes. On explique ce qu'on entend fort peu, au moyen de mots qu'on n'entend pas du tout ! Substance, étendue, force, matière et âme, autant d'abstractions, d'imaginations. Quant à Dieu, impossible de savoir comment il est, ni même s'il est ! Autrefois, il causait le vent, la foudre, les révolutions. À présent, il diminue. D'ailleurs, je n'en vois pas l'utilité.

  — Et la morale, dans tout cela ?

  — Ah ! tant pis !

  Elle manque de base, effectivement se dit Pécuchet.

  Et il demeura silencieux, acculé dans une impasse, conséquence des prémisses qu'il avait lui-même posées. Ce fut une surprise, un écrasement.

  Bouvard ne croyait même plus à la matière.

  La certitude que rien n'existe (si déplorable qu'elle soit) n'en est pas moins une certitude. Peu de gens sont capables de l'avoir. Cette transcendance leur inspira de l'orgueil ; et ils auraient voulu l'étaler. Une occasion s'offrit.

  Un matin, en allant acheter du tabac, ils virent un attroupement devant la porte de Langlois. On entourait la gondole de Falaise, et il était question de Touache, un galérien qui vagabondait dans le pays. Le conducteur l'avait rencontré à la Croix-Verte entre deux gendarmes et les Chavignollais exhalèrent un soupir de délivrance.

  Girbal et le capitaine restèrent sur la Place ; puis, arriva le juge de paix curieux d'avoir des renseignements, et M. Marescot en toque de velours et pantoufles de basane.

  Langlois les invita à honorer sa boutique de leur présence. Ils seraient là plus à leur aise ; et malgré les chalands, et le bruit de la sonnette, ces messieurs continuèrent à discuter les forfaits de Touache.

  — Mon Dieu dit Bouvard il avait de mauvais instincts, voilà tout !

  — On en triomphe par la vertu répliqua le notaire.

  — Mais si on n'a pas de vertu ? Et Bouvard nia positivement le libre arbitre.

  — Cependant dit le capitaine je peux faire ce que je veux ! je suis libre, par exemple… de remuer la jambe.

  — Non ! monsieur, car vous avez un motif pour la remuer !

  Le capitaine chercha une réponse, n'en trouva pas — mais Girbal décocha ce trait :

  — Un républicain qui parle contre la liberté ! c'est drôle !

  — Histoire de rire ! dit Langlois.

  Bouvard l'interpella :

  — D'où vient que vous ne donnez pas votre fortune aux pauvres ?

  L'épicier, d'un regard inquiet, parcourut toute sa boutique.

  — Tiens ! pas si bête ! je la garde pour moi !

  — Si vous étiez saint Vincent de Paul, vous agiriez différemment, puisque vous auriez son caractère. Vous obéissez au vôtre. Donc vous n'êtes pas libre !

  — C'est une chicane répondit en choeur l'assemblée.

  Bouvard ne broncha pas ; — et désignant la balance sur le comptoir :

  — Elle se tiendra inerte, tant qu'un des plateaux sera vide. De même, la volonté ; — et l'oscillation de la balance entre deux poids qui semblent égaux, figure le travail de notre esprit, quand il délibère sur les motifs, jusqu'au moment où le plus fort l'emporte, le détermine.

  — Tout cela dit Girbal ne fait rien pour Touache, et ne l'empêche pas d'être un gaillard joliment vicieux.

  Pécuchet prit la parole :

  — Les vices sont des propriétés de la Nature, comme les inondations, les tempêtes.

  Le notaire l'arrêta ; et se haussant à chaque mot sur la pointe des orteils :

  — Je trouve votre système d'une immoralité complète. Il donne carrière à tous les débordement
s, excuse les crimes, innocente les coupables.

  — Parfaitement dit Bouvard. Le malheureux qui suit ses appétits est dans son droit, comme l'honnête homme qui écoute la Raison.

  — Ne défendez pas les monstres !

  — Pourquoi monstres ? Quand il naît un aveugle, un idiot, un homicide, cela nous paraît du désordre, comme si l'ordre nous était connu, comme si la nature agissait pour une fin !

  — Alors vous contestez la Providence ?

  — Oui ! je la conteste !

  — Voyez plutôt l'Histoire ! s'écria Pécuchet rappelez-vous les assassinats de rois, les massacres de peuples, les dissensions dans les familles, le chagrin des particuliers.

  — Et en même temps ajouta Bouvard, car ils s'excitaient l'un l'autre cette Providence soigne les petits oiseaux, et fait repousser les pattes des écrevisses. Ah ! si vous entendez par Providence, une loi qui règle tout, je veux bien, et encore !

  — Cependant, monsieur dit le notaire il y a des principes !

  — Qu'est-ce que vous me chantez ! Une science, d'après Condillac, est d'autant meilleure qu'elle n'en a pas besoin ! Ils ne font que résumer des connaissances acquises, et nous reportent vers ces notions, qui précisément sont discutables.

  — Avez-vous comme nous poursuivit Pécuchet, scruté, fouillé les arcanes de la métaphysique ?

  — Il est vrai, messieurs, il est vrai !

  Et la société se dispersa.

  Mais Coulon les tirant à l'écart, leur dit d'un ton paterne, qu'il n'était pas dévot certainement et même il détestait les jésuites. Cependant il n'allait pas si loin qu'eux ! Oh non ! bien sûr ; — et au coin de la place, ils passèrent devant le capitaine, qui rallumait sa pipe en grommelant : Je fais pourtant ce que je veux, nom de Dieu !

  Bouvard et Pécuchet proférèrent en d'autres occasions leurs abominables paradoxes. Ils mettaient en doute, la probité des hommes, la chasteté des femmes, l'intelligence du gouvernement, le bon sens du peuple, enfin sapaient les bases.

  Foureau s'en émut, et les menaça de la prison, s'ils continuaient de tels discours.

  L'évidence de leur supériorité blessait. Comme ils soutenaient des thèses immorales, ils devaient être immoraux ; des calomnies furent inventées.

  Alors une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer.

  Des choses insignifiantes les attristaient : les réclames des journaux, le profil d'un bourgeois, une sotte réflexion entendue par hasard.

  En songeant à ce qu'on disait dans leur village, et qu'il y avait jusqu'aux antipodes d'autres Coulon, d'autres Marescot, d'autres Foureau, ils sentaient peser sur eux comme la lourdeur de toute la terre.

  Ils ne sortaient plus, ne recevaient personne.

  Un après-midi, un dialogue s'éleva dans la cour, entre Marcel et un monsieur ayant un chapeau à larges bords avec des conserves noires. C'était l'académicien Larsonneur. Il ne fut pas sans observer un rideau entrouvert, des portes qu'on fermait. Sa démarche était une tentative de raccommodement et il s'en alla furieux, chargeant le domestique de dire à ses maîtres qu'il les regardait comme des goujats.

  Bouvard et Pécuchet ne s'en soucièrent. Le monde diminuait d'importance — ils l'apercevaient comme dans un nuage, descendu de leur cerveau sur leurs prunelles.

  N'est-ce pas, d'ailleurs, une illusion, un mauvais rêve ? Peut-être, qu'en somme, les prospérités et les malheurs s'équilibrent ? Mais le bien de l'espèce ne console pas l'individu.

  — Et que m'importent les autres ! disait Pécuchet.

  Son désespoir affligeait Bouvard. C'était lui qui l'avait poussé jusque-là ; et le délabrement de leur domicile avivait leur chagrin par des irritations quotidiennes.

  Pour se remonter, ils se faisaient des raisonnements, se prescrivaient des travaux, et retombaient vite dans une paresse plus forte, dans un découragement profond.

  À la fin des repas, ils restaient les coudes sur la table, à gémir d'un air lugubre — Marcel en écarquillait les yeux, puis retournait dans sa cuisine où il s'empiffrait solitairement.

  Au milieu de l'été, ils reçurent un billet de faire-part annonçant le mariage de Dumouchel avec Mme veuve Olympe-Zulma Poulet.

  Que Dieu le bénisse ! et ils se rappelèrent le temps où ils étaient heureux. Pourquoi ne suivaient-ils plus les moissonneurs ? Où étaient les jours qu'ils entraient dans les fermes cherchant partout des antiquités ? Rien maintenant n'occasionnerait ces heures si douces qu'emplissaient la distillerie ou la Littérature. Un abîme les en séparait. Quelque chose d'irrévocable était venu.

  Ils voulurent faire comme autrefois une promenade dans les champs, allèrent très loin, se perdirent. — De petits nuages moutonnaient dans le ciel, le vent balançait les clochettes des avoines, le long d'un pré un ruisseau murmurait, quand tout à coup une odeur infecte les arrêta ; et ils virent sur des cailloux, entre des joncs, la charogne d'un chien.

  Les quatre membres étaient desséchés. Le rictus de la gueule découvrait sous des babines bleuâtres des crocs d'ivoire ; à la place du ventre, c'était un amas de couleur terreuse, et qui semblait palpiter tant grouillait dessus la vermine. Elle s'agitait, frappée par le soleil, sous le bourdonnement des mouches, dans cette intolérable odeur, une odeur féroce et comme dévorante.

  Cependant Bouvard plissait le front ; et des larmes mouillèrent ses yeux. — Pécuchet dit stoïquement : Nous serons un jour comme ça !

  L'idée de la mort les avait saisis. Ils en causèrent, en revenant.

  Après tout, elle n'existe pas. On s'en va dans la rosée, dans la brise, dans les étoiles. On devient quelque chose de la sève des arbres, de l'éclat des pierres fines, du plumage des oiseaux. On redonne à la Nature ce qu'elle vous a prêté et le Néant qui est devant nous n'a rien de plus affreux que le néant qui se trouve derrière.

  Ils tâchaient de l'imaginer sous la forme d'une nuit intense, d'un trou sans fond, d'un évanouissement continu. N'importe quoi valait mieux que cette existence monotone, absurde, et sans espoir.

  Ils récapitulèrent leurs besoins inassouvis. Bouvard avait toujours désiré des chevaux, des équipages, les grands crus de Bourgogne, et de belles femmes complaisantes dans une habitation splendide. L'ambition de Pécuchet était le savoir philosophique. Or, le plus vaste des problèmes, celui qui contient les autres, peut se résoudre en une minute. Quand donc arriverait-elle ?

  — Autant tout de suite, en finir.

  — Comme tu voudras dit Bouvard.

  Et ils examinèrent la question du suicide.

  Où est le mal de rejeter un fardeau qui vous écrase ? et de commettre une action ne nuisant à personne ? Si elle offensait Dieu, aurions-nous ce pouvoir ? Ce n'est pas une lâcheté, bien qu'on dise ; — et l'insolence est belle, de bafouer même à son détriment, ce que les hommes estiment le plus.

  Ils délibérèrent sur le genre de mort.

  Le poison fait souffrir. Pour s'égorger, il faut trop de courage. Avec l'asphyxie, on se rate souvent.

  Enfin, Pécuchet monta dans le grenier deux câbles de la gymnastique. Puis, les ayant liés à la même traverse du toit, laissa pendre un noeud coulant et avança dessous deux chaises, pour atteindre aux cordes.

  Ce moyen fut résolu.

  Ils se demandaient quelle impression cela causerait dans l'arrondissement, où iraient ensuite leur bibliothèque, leurs paperasses, leurs collections. La pensée de la mort les faisait s'attendrir sur eux-mêmes. Cependant, ils ne lâchaient point leur projet, et à force d'en parler, s'y accoutumèrent.

  Le soir du 25 décembre, entre dix et onze heures, ils réfléchissaient dans le muséum, habillés différemment. Bouvard portait une blouse sur son gilet de tricot — et Pécuchet, depuis trois mois, ne quittait plus la robe de moine, par économie.

  Comme ils avaient grand faim (car Marcel sorti dès l'aube n'avait pas reparu) Bouvard crut hygiénique de boire un carafon d'eau-de-vie et Pécuchet de prendre du thé.

  En soulevant la bouilloire, il répandit de l'eau sur le parquet.
r />   — Maladroit ! s'écria Bouvard.

  Puis trouvant l'infusion médiocre, il voulut la renforcer par deux cuillerées de plus.

  — Ce sera exécrable dit Pécuchet.

  — Pas du tout !

  Et chacun tirant à soi la boîte, le plateau tomba ; une des tasses fut brisée, la dernière du beau service en porcelaine.

  Bouvard pâlit. — Continue ! saccage ! ne te gêne pas !

  — Grand malheur, vraiment !

  — Oui ! un malheur ! Je la tenais de mon père !

  — Naturel ajouta Pécuchet, en ricanant.

  — Ah ! tu m'insultes !

  — Non, mais je te fatigue ! avoue-le !

  Et Pécuchet fut pris de colère, ou plutôt de démence. Bouvard aussi. Ils criaient à la fois tous les deux, l'un irrité par la faim, l'autre par l'alcool. La gorge de Pécuchet n'émettait plus qu'un râle.

  — C'est infernal, une vie pareille ; j'aime mieux la mort. Adieu.

  Il prit le flambeau, tourna les talons, claqua la porte.

  Bouvard, au milieu des ténèbres, eut peine à l'ouvrir, courut derrière lui, arriva dans le grenier.

  La chandelle était par terre — et Pécuchet debout sur une des chaises avec le câble dans sa main.

  L'esprit d'imitation emporta Bouvard : — Attends-moi ! Et il montait sur l'autre chaise quand s'arrêtant tout à coup :

  — Mais… nous n'avons pas fait notre testament ?

  — Tiens ! c'est juste !

  Des sanglots gonflaient leur poitrine. Ils se mirent à la lucarne pour respirer.

  L'air était froid ; et des astres nombreux brillaient dans le ciel, noir comme de l'encre. La blancheur de la neige, qui couvrait la terre, se perdait dans les brumes de l'horizon.

  Ils aperçurent de petites lumières à ras du sol ; et grandissant, se rapprochant, toutes allaient du côté de l'église.

  Une curiosité les y poussa.

  C'était la messe de minuit. Ces lumières provenaient des lanternes des bergers. Quelques-uns, sous le porche, secouaient leurs manteaux.

  Le serpent ronflait, l'encens fumait. Des verres, suspendus, dans la longueur de la nef, dessinaient trois couronnes de feux multicolores — et au bout de la perspective des deux côtés du tabernacle, les cierges géants dressaient des flammes rouges. Par dessus les têtes de la foule et les capelines des femmes, au delà des chantres, on distinguait le prêtre dans sa chasuble d'or ; à sa voix aiguë répondaient les voix fortes des hommes emplissant le jubé, et la voûte de bois tremblait, sur ses arceaux de pierre. Des images représentant le chemin de la croix décoraient les murs. Au milieu du choeur, devant l'autel, un agneau était couché, les pattes sous le ventre, les oreilles toutes droites.

 

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