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Complete Works of Gustave Flaubert

Page 315

by Gustave Flaubert


  Si quelqu’un eût été assez hardi pour le suivre dans sa course ailée, pour regarder où tendait cette course, il l’eût vu rentrer dans le vieux donjon en ruines, autour duquel nul n’osait approcher le soir, car on entendait des bruits étranges qui se perdaient dans les meurtrières des tours, et, la nuit, il s’y promenait régulièrement un grand fantôme noir, qui étendait ses larges bras vers les nues et qui de ses mains osseuses faisait trembler les pierres du château, avec un bruit de chaînes et le râle d’un mourant.

  Eh bien, cet homme qui paraissait si infernal et si terrible, qui semblait être un enfant de l’enfer, la pensée d’un démon, l’oeuvre d’un alchimiste damné, lui dont les lèvres gercées semblaient ne se dilater qu’au toucher frais du sang, lui dont les dents blanches exhalaient une odeur de chair humaine, eh bien, cet être infernal, ce vampire funeste n’était qu’un esprit pur et intact, froid et parfait, infini et régulier, comme une statue de marbre qui penserait, qui agirait, qui aurait une volonté, une puissance, une âme, enfin, mais dont le sang ne battrait point chaleureusement dans les veines, qui comprendrait sans sentir, qui aurait un bras sans une pensée, des yeux sans passion, un coeur sans amour.

  Arrière aussi tout besoin de la vie, toute réalité matérielle ! tout pour la pensée, pour l’extase, mais une extase vague et indéfinie, qui se baigne dans les nuages, qui se mire dans la lune et qui tient de l’instinct et de la constitution, comme le parfum à la fleur.

  Sa tête était belle, son regard était beau, ses cheveux étaient longs et s’ondulaient merveilleusement sur ses épaules en longs flots d’azur, lorsqu’il se penchait et se repliait lui-même sur son dos aux formes allongées, et dont la peau argentée d’un reflet de neige était douce comme le satin, blanche comme la lune.

  Les autres créatures avaient eu avant lui des passions, un corps, une âme, et ils avaient agi tous pêle-mêle dans un tourbillon quelconque, se ruant les uns sur les autres, se poussant, se traînant ; il y en avait eu d’élevés, d’autres de foulés aux pieds ; tous les autres hommes enfin s’étaient pressés, entassés et remués dans cette immense cohue, dans ce long cri d’angoisse, dans ce prodigieux bourbier qu’on nomme la vie.

  Mais lui, lui, esprit céleste, jeté sur la terre comme le dernier mot de la création, être étranger et singulier, arrivé au milieu des hommes sans être homme comme eux, ayant leur corps à volonté, leurs formes, leur parole, leur regard, mais d’une nature supérieure, d’un coeur plus élevé et qui ne demandait que des passions pour se nourrir, et qui, les cherchant sur la terre d’après son instinct, n’avait trouvé que des hommes, que venait-il donc faire ? il était rétréci, usé, froissé par nos coutumes et par nos instincts.

  Aurait-il compris nos plaisirs charnels, lui qui n’avait de la chair que l’apparence ? les chauds embrassements d’une femme, ses bras humides de sueur, ses larmes d’amour, sa gorge nue, tout cela l’aurait-il fait palpiter un matin, lui qui trouvait au fond de son coeur une science infinie, un monde immense ?

  Nos pauvres voluptés, notre mesquine poésie, notre encens, toute la terre avec ses joies et ses délices, que lui faisait tout cela, à lui qui avait quelque chose des anges ? Aussi il s’ennuyait sur cette terre, mais de cet ennui qui ronge comme un cancer, qui vous brûle, qui vous déchire, et qui finit chez l’homme par le suicide. Mais lui ! le suicide ? Oh ! que de fois on le surprit, monté sur la haute falaise, regardant d’un rire amer la mort qui était là devant, lui riant en face et le narguant avec le vide de l’espace qui se refusait à l’engloutir !

  Que de fois il contempla longtemps la gueule d’un pistolet, et puis, comme il le jetait avec rage, ne pouvant s’en servir, car il était condamné à vivre ! Oh ! que de fois il passa des nuits entières à se promener dans les bois, à entendre le bruit des flots sur la plage, à sentir l’odeur des varechs qui noircissent les rochers ! Que de nuits il passa appuyé sur un roc et promenant dans l’immensité sa pensée qui volait vers les nues !

  Mais toute cette nature, la mer, les bois, le ciel, tout cela était petit et misérable ; les fleurs ne sentaient rien sur ses lèvres ; nue, la femme était pour lui sans beauté, le chant sans mélodie, la mer sans terreur.

  Il n’avait point assez d’air pour sa poitrine, point assez de lumière pour ses yeux et d’amour pour son coeur.

  L’ambition ? un trône ? de la gloire ? jamais il n’y pensa. La science ? les temps passés ? mais il savait l’avenir, et dans cet avenir il n’avait trouvé qu’une chose qui le faisait sourire de temps en temps, en passant devant un cimetière.

  Aurait-il craint Dieu, lui qui se sentait presque son égal et qui savait qu’un jour viendrait aussi, où le néant emporterait ce Dieu comme ce Dieu l’emportera un jour. L’aurait-il aimé, lui qui avait passé tant de siècles à le maudire ?

  Pauvre coeur ! comme tu souffrais, gêné, déplacé de ta sphère et rétréci dans un monde comme l’âme dans le corps.

  Souvent un instinct moqueur de lui-même lui portait une coupe à ses lèvres, le vin les effleurait sans qu’un sourire vînt les dilater, et puis il s’apercevait qu’il avait fait quelque chose de fade et d’inutile ; il prenait une rose et la retirait bien vite comme une épine. Un jour il voulut être musicien, il avait une idée sublime, étrange, fantastique, que n’auraient peut-être pas comprise les hommes, mais pour laquelle se serait damné Mozart, une idée de génie, une idée d’enfer, quelque chose qui rend malade, qui irrite et qui tue.

  Il commença, la foule éperdue trépignait, et criait d’enthousiasme, puis, muette et tremblante, elle se prosterna sur le pavé des dalles et écouta. Des sons purs et plaintifs s’élevaient dans la nef et se perdaient sous les voûtes, c’était sublime ; ce n’était qu’un prélude. Il voulut continuer, mais il brisa l’orgue entre ses mains.

  Rien pour lui désormais ! tout était vide et creux ; rien, qu’un immense ennui, qu’une terrible solitude, et puis des siècles encore à vivre, à maudire l’existence, lui qui n’avait pourtant ni besoins, ni passions, ni désirs ! Mais il avait le désespoir !

  III

  Il se résigna, et sa nature supérieure lui en donna les moyens ; il alla vivre seul et isolé dans un village d’Allemagne, loin du séjour des hommes qui lui étaient à charge.

  Un château en ruines, situé sur une haute colline, lui parut un séjour conforme à sa pensée, et dès le soir il l’habita.

  Il vivait donc ainsi seul, sans suite, sans équipages, presque sans valets, et renfermé en lui-même, bornant sa société à lui-même ; son nom n’en acquérait ainsi chaque jour qu’une existence de plus en plus problématique ; les gens qui le servaient ignoraient le son de sa voix, ils ne connaissaient de son regard qu’un oeil terne et à demi fermé qui se tournait froidement sur eux en les faisant frémir ; du reste, ils étaient entièrement libres, c’est-à-dire que leur maître ne leur faisait aucun reproche, à peine s’il leur donnait des ordres.

  Le château qu’habitait le comte avait pris à la longue quelque chose de la tristesse de ses hôtes ; les murailles noircies, les pierres sans ciment, les ronces qui l’entouraient, cet aspect silencieux qui planait sur ses tours, tout cela avait quelque chose de féerique et d’étrange. C’était pire au-dedans : de longs corridors obscurs, des portes qui claquaient la nuit violemment et qui tremblaient dans leur châssis, des fenêtres hautes et étroites, des lambris enfumés, et puis de place en place, dans les galeries, quelque ornement antique, l’armure d’un ancien baron, le portrait en pied d’une princesse, un bois de cerf, un couteau de chasse, un poignard rouillé, et souvent, dans quelques recoins sans lumière, des décombres, des plâtras qui tombaient du plafond du vieux salon lorsque le vent, par quelque soirée d’hiver, s’entonnait dans les longues galeries avec plus de fureur que de coutume, avec des mugissements plus prolongés.

  Le concierge (c’était un vieillard aussi décrépi que le château) faisait sa tournée tous les jours dans l’après-midi ; il commençait par le grand escalier de pierre dont la rampe était ôtée depuis que le dernier possesseur l’avait vendue pour u
n arpent de terre ; il le montait lentement, et, arrivé dans la galerie principale, il ouvrait toutes les chambres, toutes portant leurs anciens numéros, toutes vides et délabrées, après avoir eu pourtant leur destination et leur emploi. Là, c’était le vieux salon, immense appartement carré dont on distinguait encore quelques lambeaux du velours cramoisi qui, dans le dernier siècle, en avait fait le somptueux ornement, la fraîche beauté ; d’abord, ce fut la salle du plaid, puis la chapelle, puis le salon. Alors il était encombré par une centaine de bottes de foin, déposées en cet endroit depuis vingt ans environ, et qui se pourrissaient à la pluie qui pénétrait facilement par les carreaux, chassée par le vent du soir ; le reste du salon était occupé par des vieux fauteuils, des harnais usés, quelques selles mangées par les vers et une grande quantité de fagots et de bois sec. Le concierge ne l’ouvrait jamais, si ce n’est pour y pousser quelque chose de vieux et de cassé, qu’il jetait négligemment et qui allait tomber sur un vieux tableau, sur une statue de jardin ou sur les fauteuils dépaillés. Il reprenait sa course lente et paisible au milieu du corridor et faisait retentir du bruit de ses souliers ferrés les larges dalles de pierre, qui en gardaient l’empreinte ; puis il revenait sur ses pas, regardant les nids d’hirondelles, s’établissant de jour en jour dans le château, comme dans leur domaine, et qui volaient et repassaient par les fenêtres du corridor dont toutes les vitres étaient étendues par terre, cassées et pêle-mêle, avec leurs encadrements en lames de plomb.

  De grands peupliers bordaient le château ; ils se courbaient souvent au souffle de l’océan, dont le bruit des vagues se mêlait à celui de leurs feuilles, et dont l’air âpre et dur avait brûlé l’écorce. Une percée pratiquée dans le feuillage laissait voir, des plus hautes fenêtres, la mer qui s’étendait immense et terrible, devant ce château sinistre qui n’en semblait qu’un lugubre apanage.

  Là, c’était le pont-levis, maintenant on y passe sur une terrasse ; ici les créneaux, mais ils tremblent sous la main, et au moindre choc les pierres tombent ; plus haut, le donjon, jamais le concierge n’y alla, car il l’avait abandonné, ainsi que les étages supérieurs, aux chauves-souris et aux hiboux qui voltigeaient le soir sur les toits, avec leurs cris lugubres et leurs longs battements d’ailes.

  Les murs du château étaient lézardés et couverts de mousse, il y avait à leur contact quelque chose d’humide et de gras, qui pressait sur la poitrine et qui faisait frissonner ; on eût dit la trace gluante d’un reptile.

  C’était là qu’il vivait. Il aimait les longues voûtes prolongées, où l’on n’entendait que les oiseaux de nuit et le vent de la mer ; il aimait ces débris soutenus par le lierre, ces sombres corridors et toute cette apparence de mort et de ruine ; lui, qui était tombé de si haut pour descendre si bas, il aimait quelque chose de tombé aussi ; lui, qui était désillusionné, il voulait des ruines, il avait trouvé le néant dans l’éternité, il voulait la destruction dans le temps. Il était seul au milieu des hommes ! il voulut s’en écarter tout à fait et vivre au moins de cette vie qui pouvait ressembler à ce qu’il rêvait, à ce qu’il aurait dû être.

  IV

  Le duc Arthur était assis dans un large fauteuil en maroquin noir, le coude appuyé sur sa table, la tête dans ses mains. La chambre qu’il habitait était grande et spacieuse, son plafond noirci par la fumée du charbon ; quant aux lambris, ils étaient cachés par une immense quantité de pots de terre, d’alambics, de vases, d’équerres et d’instruments rangés sur des tablettes.

  Dans un coin était le fourneau, avec le creuset pour les magiques opérations ; puis, çà et là, sur des cendres encore chaudes, quelques livres entrouverts, dont quelques feuillets étaient arrachés à moitié et qui semblaient avoir été touchés par une main fiévreuse et brûlante, parcourus avec un regard avide et qui n’y avait rien lu.

  Aucune lumière n’éclairait l’appartement, et quelques charbons qui se mouraient dans le fourneau jetaient seuls quelque lueur au plafond en décrivant un cercle lumineux et vacillant.

  L’alchimiste restait depuis longtemps dans son immobile position : enfin il se leva, alla vers son creuset et le considéra quelque temps. La lueur rougeâtre des charbons illumina tout d’un coup son visage en le colorant d’un éclat fantastique. C’était bien là un de ces fronts pâles d’alchimistes d’enfer, ses yeux creux et rougis, sa peau blanche et tirée, ses mains maigres et allongées, tout cela indiquait bien les nuits sans sommeil, les rêves brûlants, les pensées du génie.

  Et vous croyez que ce sourire d’amertume est un sourire de vanité ? vous croyez que ces joues creuses se sont amaigries sur les livres, que son teint s’est blanchi à la chaleur du charbon, et que celui-là maintenant qui pleurerait de rage si c’était un jeune homme, cherche un nom, une immortalité ? vous croyez que ces livres jetés avec colère, ces feuillets déchirés, et que cette main qui se crispe et qui se déchire, vous croyez qu’il se désespère ainsi pour n’avoir point trouvé une parcelle d’or, un poison qui fait vivre ?

  Il allait retourner à sa place quand il aperçut, sur la muraille noircie, des lignes brillantes qui se dessinaient fortement et qui formèrent bientôt un monstre hideux et singulier, semblable à ces animaux que nous voyons sur le portique de nos cathédrales, affamé, les flancs creux, avec une tête de chien, des mamelles qui pendent jusqu’à terre, un poil rouge, des yeux qui flamboient et des ergots de coq.

  Il se détacha de la muraille tout à coup et vint sauter sur le fourneau ; on entendit le bruit de ses pattes grêles et fines sur les pavés du creuset.

  — Que me veux-tu ? dit-il à Arthur.

  — Moi ? rien ! Mais, n’es-tu point l’esprit damné qui perd les hommes, qui torture leur âme ?

  — Eh bien, oui, repartit le monstre avec un cri de joie, oui, je suis Satan.

  — Que me veux-tu ? que viens-tu faire ici ?

  — T’aider.

  — Et à quoi ?

  — À trouver ce que tu cherches, l’or, l’élixir.

  — Vraiment oui ! Tu ne sais donc pas que je peux vivre des mondes, qu’une pensée de ma tête peut faire rouler l’or à mes pieds ? Non, Satan, si tu n’as de pouvoir que sur cela, quitte-moi, fuis, car tu ne peux me servir.

  — Non, non, je resterai, dit Satan avec un singulier sourire, je resterai !

  La vanité est ma fille aînée, elle me donne les âmes de tous ceux qui la prennent, pensa-t-il en lui-même, j’aurai son âme !

  En ce moment, les charbons qui s’éteignaient jetèrent encore quelques nappes de lumière, qui passèrent sur la figure d’Arthur ; elle apparut à Satan plus belle et plus terrible que celle des damnés, et même des plus beaux.

  — Tiens, sortons d’ici, lui dit Arthur, le vent agite les arbres, la mer gronde et le rivage est dévasté. Viens ! nous parlerons mieux de l’éternité et du néant au bruit de la tempête, devant la colère de l’océan.

  Ils sortirent. Le chemin qui conduisait au rivage était pierreux et ombragé par les grands arbres noirs qui entouraient le château. Il faisait froid, la terre était sèche et dure ; il faisait sombre, pas une étoile au ciel, pas un rayon de la lune.

  Arthur marchait, la tête nue et le visage découvert, il allait lentement, et prenait plaisir à se sentir le visage effleuré par sa chevelure bleue et soyeuse. Il aimait le fracas du vent et le bruit sinistre des arbres qui se penchaient avec violence. Satan était derrière ; il sautillait légèrement sur les pierres, sa tête était baissée et il hurlait plaintivement.

  Enfin ils arrivèrent à la plage, le sable en était frais, mouillé, couvert de coquilles et de varechs, qui roulaient vers la mer avec les galets entraînés par le reflux. Ils s’arrêtèrent tous les deux.

  Arthur riait sauvagement au bruit des flots.

  — Voici ce que j’aime, dit-il, ou plutôt ce que je hais le moins, mais cette colère n’est pas assez brutale, assez divine. Pourquoi le flot s’arrête-t-il et cesse-t-il de monter ? Oh ! si la mer s’étendait au-delà du rivage et des rochers, comme elle irait loin, comme elle courrait, comme elle bondi
rait ! ce serait plaisir de la voir, mais cela...

  — Tu veux donc la mort, dit Satan, la mort dans tout ?

  — C’est le néant que j’implore.

  — Et pourquoi ? tu crois donc que rien ne subsiste après le corps ? que l’oeil fermé ne voit plus et que la tête froide et pâle n’a point de pensée ?

  — Oui, je crois cela, pour moi du moins.

  — Et que veux-tu enfin ? que désires-tu ?

  — Le bonheur !

  — Le bonheur ? y penses-tu ? le bonheur !... tu l’auras dans la science, tu l’auras dans la gloire, tu l’auras dans l’amour.

  — Oh ! nulle part ! Je l’ai cherché longtemps, je ne l’ai jamais trouvé ; cette science était trop bornée, cette gloire trop étroite, cet amour trop mesquin.

  — Tu te crois donc supérieur aux autres hommes ? tu crois que ton âme...

  — Oh ! mon âme !... mon âme !...

  — Tu n’en as donc pas ? tu ne crois à rien... pas même à Dieu ? Oh ! tu succomberas, homme faible et vaniteux, tu succomberas, car tu as refusé mes offres ; tu succomberas comme le premier homme. Que son regard était fier, comme il était insolent et fort de son bonheur, lorsque, se promenant dans l’Éden, il contemplait d’un oeil béant et surpris ma défaite et mes larmes ! et lui aussi je le vis succomber, je le vis ramper à mes pieds, je le vis pleurer comme moi, maudire et blasphémer comme moi ; nos cris de désespoir se mêlèrent ensemble et nous fûmes dès lors des compagnons de torture et de supplice. Oh ! oui, tu tomberas comme lui, tu aimeras quelque chose.

  — Et tu me prends donc pour un homme, Satan ? pour un de ces êtres communs et vulgaires qui croupissent sur ce monde où un vent de malheur m’a jeté dans sa démence et où je me meurs faute d’air à respirer, faute de choses à sentir, à comprendre et à aimer ? Tu crois que cette bouche mange, que ces dents broient, que je suis asservi à la vie comme un visage dans un masque ? Si je découvrais cette peau qui me recouvre, tu verrais que moi aussi, Satan, je suis un de ces êtres damnés comme toi, que je suis ton égal et peut-être ton maître. Satan, peux-tu arrêter une vague ? peux-tu pétrir une pierre entre tes mains ?

 

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