Les chasseurs de mammouths

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Les chasseurs de mammouths Page 69

by Jean M. Auel


  Elle le regarda de nouveau, le souffle suspendu. Il s’était rasé à l’aide d’une de ses laines de silex bien affilées. Il était redevenu l’homme avec lequel elle avait vécu dans sa vallée, l’été précédent. Son cœur se mit à battre la chamade, son visage s’empourpra. Il réagit à ces signaux physiques par d’autres signaux inconscients, et le magnétisme de son regard attira Ayla vers lui.

  — Tu as rasé ta barbe, dit-elle.

  Sans en prendre conscience, elle s’était exprimait en Zelandonii. Jondalar mit un moment à comprendre ce qui était différent. Quand il s’en rendit compte, il ne put retenir un sourire. Il n’avait plus entendu sa propre langue depuis longtemps. Son sourire encouragea Ayla. Une idée lui vint à l’esprit.

  — J’allais partir sur Whinney, et je me disais qu’il faudrait bien habituer Rapide à un cavalier. Pourquoi n’essaierais-tu pas de m’accompagner en le montant ? La journée s’y prête. La neige a presque disparu, l’herbe nouvelle commence à pousser et la terre n’est pas encore très dure, en cas de chute.

  Elle parlait en toute hâte, avant qu’il n’arrivât quelque chose qui le ferait changer d’avis, reprendre son attitude distante.

  — Eh bien... je ne sais pas... Jondalar hésitait.

  — Je pensais que tu voudrais le monter la première.

  — Il est habitué à toi, Jondalar. Peu importe qui le montera le premier, il serait bon de toute manière que deux personnes se trouvent là : une pour le calmer, pendant que l’autre le dresse.

  Il plissait le front.

  — Tu as sans doute raison, dit-il.

  Il n’était pas sûr de devoir l’accompagner sur les steppes, mais il ne savait comment refuser et il avait vraiment envie de monter l’étalon.

  — Si tu y tiens, c’est faisable, je pense.

  — Je vais chercher une longe et cet assemblage que tu as fait pour le guider, déclara Ayla.

  Sans lui laisser le temps de changer d’avis, elle courait déjà vers l’abri des chevaux.

  — Pendant ce temps, si tu les emmenais au pas sur la pente ?

  Toute réflexion faite, il allait se raviser, mais Ayla avait déjà disparu. Il appela les chevaux, entama avec eux la montée vers les vastes plaines. Ils étaient presque au sommet quand la jeune femme les rattrapa. En même temps que le licou et une corde, elle portait un sac et une outre d’eau. Dès l’arrivée sur les steppes, elle conduisit Whinney jusqu’à un petit monticule dont elle s’était déjà servie quand elle laissait certains membres du Camp du Lion, particulièrement les jeunes, monter la jument. D’un bond léger, elle se retrouva sur le dos de sa monture.

  — Monte, Jondalar. Nous pouvons tenir à deux.

  — Tenir à deux ! répéta-t-il, presque affolé.

  Il n’avait pas envisagé de monter en croupe d’Ayla et il était tout près de prendre la fuite.

  — Jusqu’à ce que nous trouvions une belle étendue de terrain plat. Nous ne pouvons pas essayer ici : Rapide pourrait tomber dans une ravine ou dégringoler la pente, dit-elle.

  Il se sentit pris au piège. Comment lui dire qu’il se refusait à monter la jument avec elle sur une courte distance ? Il marcha vers le monticule, se mit prudemment à califourchon sur Whinney en essayant d’éviter tout contact avec Ayla. Aussitôt, la jeune femme lança leur monture dans un trot rapide.

  C’était plus fort que lui : quoi qu’il fît, l’allure heurtée de la jument le faisait glisser vers Ayla. A travers leurs vêtements, il sentait la chaleur de son corps, il respirait le parfum léger, agréable des fleurs séchées qu’elle utilisait pour se laver, mêlé à la familière odeur féminine. Avec chaque pas de la jument, il percevait le contact des jambes de la jeune femme, de ses hanches, de son dos pressé contre lui, et sa virilité s’en émouvait. La tête lui tournait, il devait résister au désir de poser un baiser sur sa nuque offerte, de tendre le bras pour cueillir au creux de sa main un sein plein et ferme.

  Pourquoi avait-il accepté cette promenade ? Pourquoi ne s’était-il pas débarrassé d’Ayla sous un quelconque prétexte ? Quelle différence cela faisait-il qu’il montât ou non Rapide ? Jamais ils ne chevaucheraient de compagnie. Il avait entendu parler les gens : Ayla et Ranec allaient annoncer leur Promesse à la Fête du Printemps. Après cela, il partirait pour le long Voyage qui le ramènerait chez lui.

  Ayla immobilisa Whinney.

  — Qu’en dis-tu, Jondalar ? Il y a une bonne étendue de terrain plat devant nous.

  — Oui, ça m’a l’air de convenir, répondit-il précipitamment. Il ramena une jambe en arrière, sauta à terre.

  Ayla lança une jambe par-dessus l’encolure, sauta de l’autre côté. Elle avait le souffle court, ses joues étaient colorées, ses yeux étincelaient. Elle avait longuement respiré l’odeur du corps masculin, elle s’était sentie fondre dans sa chaleur, elle avait frissonné de plaisir en sentant contre elle sa dure virilité. Je percevais son désir, se disait-elle. Pourquoi a-t-il été si pressé de se détacher de moi ? Pourquoi ne veut-il plus de moi ? Pourquoi ne m’aime-t-il plus ?

  Debout de chaque côté de la jument, ils s’efforçaient de retrouver leur sang-froid. Ayla siffla Rapide, sur une note différente de celle qu’elle utilisait pour appeler Whinney. Quand elle l’eut flatté, gratté et qu’elle lui eût parlé un moment, elle se sentit prête à affronter de nouveau Jondalar.

  — Veux-tu lui passer les courroies sur la tête ? demanda-t-elle.

  Déjà, elle guidait le jeune étalon vers un amoncellement de gros ossements qu’elle avait remarqué.

  — Je ne sais pas. Que ferais-tu, à ma place ? dit-il.

  Il avait, lui aussi, presque entièrement repris ses esprits, et il commençait à se passionner à l’idée de monter le jeune cheval.

  — Je ne me suis jamais servie de rien pour guider Whinney. Mes mouvements suffisaient. Mais Rapide a l’habitude d’être mené à la longe. J’utiliserais les courroies, je crois.

  Ils les placèrent sur Rapide, à ce contact inhabituel, il se montra plus remuant qu’à l’ordinaire, et ils durent le caresser, le flatter pour le calmer. Ils empilèrent ensuite deux ou trois os de mammouth afin de former un montoir pour Jondalar. Après quoi ils firent approcher l’étalon. Sur le conseil d’Ayla, Jondalar lui frictionna l’encolure, les jambes ; il se pressa contre l’animal, le gratta, le caressa pour lui rendre entièrement familier le contact humain.

  — Quand tu vas le monter, tiens-le par l’encolure. Il risque de ruer pour se débarrasser de toi.

  Ayla essayait de rassembler ses derniers conseils.

  — Il s’est bien habitué à porter une charge en revenant de la vallée. Peut-être n’aura-t-il pas trop de difficultés à s’accoutumer à toi. Tiens la longe, qui pourrait traîner à terre et le faire trébucher. A ta place, je le laisserais courir, partout où il lui plaira, jusqu’à ce qu’il soit fatigué. Je vous suivrai sur Whinney. Tu es prêt ?

  — Oui, je crois, fit Jondalar avec un sourire un peu inquiet.

  Il grimpa sur les gros ossements, se pencha sur le poil bourru du solide animal et lui parla, tandis qu’Ayla lui tenait la tête. Il passa ensuite une jambe de l’autre côté, s’assit, entoura de ses bras l’encolure de Rapide. En sentant ce poids sur son dos, l’étalon coucha les oreilles. Ayla le lâcha. Il se cabra d’abord, avant d’arquer le dos pour tenter de déloger ce fardeau, mais Jondalar tint bon. Alors, comme pour ne pas faire mentir son nom, le jeune cheval se lança au triple galop à travers la steppe.

  Sous le vent froid, Jondalar fermait à demi les paupières. Une énorme vague de joie pure déferlait sur lui. Il voyait au-dessous de lui le sol se brouiller et ne parvenait pas à croire à son bonheur. Il montait bien réellement le jeune étalon et son plaisir était tel qu’il l’avait imaginé. Il ferma complètement les yeux. Il percevait sous son corps la formidable puissance des muscles qui se contractaient, se tendaient. Une sensation d’émerveillement magique l’envahissait, comme si, pour la première fois de sa vie, il participait à la création de la Grande Terre Mère Elle-même.

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sp; Il perçut chez le jeune cheval un début de fatigue, entendit le bruit d’autres sabots, rouvrit les yeux. Ayla et Whinney galopaient à son côté. D’un sourire il exprima à la jeune femme son émerveillement, sa joie. Le sourire qu’elle lui rendit précipita les battements de son cœur. Durant un moment, tout le reste perdit son importance. Le monde de Jondalar n’était plus rien qu’une inoubliable chevauchée sur un étalon lancé au galop et le sourire d’une douloureuse beauté sur le visage de la femme qu’il aimait.

  Rapide finit par ralentir pour s’arrêter enfin. Jondalar sauta à terre. L’animal baissait la tête presque jusqu’au sol, les jambes écartées, les flancs convulsivement soulevés par sa respiration haletante. Whinney s’immobilisa à son tour. Ayla descendit d’un bond. Elle sortit de son sac quelques morceaux de peau souple, en donna un à Jondalar pour bouchonner l’animal en sueur, fit de même pour Whinney. Les deux chevaux, à bout de force, s’étaient rapprochés et s’appuyaient l’un contre l’autre.

  — Ayla, aussi longtemps que je vivrai, jamais je n’oublierai cette course, déclara Jondalar.

  Il ne s’était pas montré aussi détendu depuis longtemps, et la jeune femme percevait un débordement de joie. Ils se regardaient en souriant, en riant même, et partageaient un moment prodigieux. Sans réfléchir, elle se haussa vers lui pour l’embrasser. Il allait lui répondre quand, tout à coup, il se rappela Ranec. Il se raidit, dénoua les bras qu’elle lui avait passés autour du cou, la repoussa.

  — Ne joue pas avec moi, Ayla, dit-il, d’une voix enrouée par l’effort qu’il faisait sur lui-même.

  — Jouer avec toi ? répéta-t-elle.

  Ses yeux s’emplissaient de souffrance.

  Jondalar ferma les paupières, serra les dents. Il tremblait de tout son corps, cherchait à garder son sang-froid. Brusquement, ce fut comme si un barrage se rompait. Il n’y tint plus. Il la saisit dans ses bras, posa sur ses lèvres un baiser désespéré dont la violence lui meurtrit la bouche. L’instant d’après, elle se retrouvait étendue sur le sol, et les mains de Jondalar, sous sa tunique, cherchaient la lanière qui retenait ses jambières.

  Elle voulut l’aider, dénouer elle-même le lien, mais il était incapable d’attendre. Il s’en prit des deux mains au vêtement de peau souple, avec toute la force d’une passion trop longtemps réprimée, et elle entendit les coutures se, déchirer. Déjà, il était sur elle, la cherchait avec une violence déchaînée.

  Ayla le guida. La même ardeur montait en elle. Mais pourquoi le désir de Jondalar se manifestait-il avec une telle fureur ? D’où lui venait cette urgence insatiable ? Ne voyait-il pas qu’elle était prête à l’accueillir ? Elle l’était restée tout l’hiver. Il n’y avait pas eu un seul instant où elle n’eût été prête. Comme si son corps avait été entraîné depuis l’enfance à répondre au besoin de Jondalar, à son signal, il suffisait qu’il la désirât pour qu’elle éprouvât le même désir. Ce qui les unissait maintenant, c’était ce qu’elle avait longuement attendu. Ses yeux s’emplissaient de larmes de désir et d’amour.

  Avec une passion égale à la sienne, elle s’ouvrit à lui, l’accueillit, lui offrit ce qu’il croyait prendre. Elle répondait à chacun de ses assauts, se cabrait à sa rencontre pour mieux presser contre lui le centre de ses Plaisirs.

  Jondalar, sous l’effet d’une incroyable joie, poussa un cri. Il avait éprouvé la même sensation la première fois. Ils s’accordaient merveilleusement, comme si elle avait été faite pour lui, et lui pour elle. O Mère, O Doni, comme elle lui avait manqué. Comme il l’avait désirée. Comme il l’aimait...

  Le Plaisir déferlait sur lui, par vagues qui s’harmonisaient avec ses mouvements. Sans se lasser, il assaillait sa compagne, et elle se tendait vers lui, elle avait de lui une soif inextinguible. Sans répit, il revenait en elle, de plus en plus rapidement, et toujours, elle venait à sa rencontre, elle sentait la même tension grandir en elle comme en lui. Jusqu’au moment où ils atteignirent ensemble le paroxysme, où l’ultime vague de Plaisir s’abattit sur eux.

  Il restait allongé sur elle, dans l’immensité de la steppe où bourgeonnait déjà une vie nouvelle. Soudain, il l’étreignit, enfouit son visage au creux de son épaule, cria son nom.

  — Ayla ! Oh, mon Ayla, mon Ayla !

  Il faisait pleuvoir des baisers sur son cou, sa gorge, ses lèvres. Il embrassa les paupières closes. Et il s’arrêta, aussi brusquement qu’il avait commencé. Il se redressa pour mieux la voir.

  — Tu pleures ! Je t’ai fait mal ! O Grande Mère, qu’ai-je fait ?

  Il se releva d’un bond, contempla le corps étendu à même la terre, les vêtements déchirés.

  — Doni, ô Doni, qu’ai-je fait ? je l’ai violentée. Comment ai-je pu agir ainsi ? Comment ai-je pu la blesser, elle qui, au commencement, n’avait connu que cette souffrance ? A présent, c’est moi qui la lui ai fait subir. O Doni ! O Mère ! Comment as-tu pu me laisser commettre cette abomination ?

  — Non, Jondalar ! cria Ayla. Elle se redressa sur son séant.

  — Tout est bien. Tu ne m’as pas fait de mal.

  Mais il refusait de l’entendre. Incapable de la regarder plus longtemps, il se détourna, rajusta sa tenue. Il n’eut pas la force de se retourner vers elle. Il s’éloigna, furieux contre lui-même, empli de honte et de remords. S’il ne pouvait avoir la certitude de ne pas la blesser, il devrait se tenir à l’écart, faire en sorte que, de son côté, elle ne l’approchât plus. Elle a eu raison de choisir Ranec, se disait-il. Je ne la mérite pas.

  Il l’entendit se lever, se diriger vers les chevaux. Il l’entendit ensuite s’approcher de lui. Elle lui posa une main sur le bras.

  — Jondalar, tu n’as pas... Il se dégagea d’une secousse.

  — Ne m’approche pas ! gronda-t-il.

  Sa colère lui venait d’un profond sentiment de culpabilité. Ayla recula. Qu’avait-elle encore fait de mal ?

  Elle refit un pas vers lui.

  — Jondalar... reprit-elle.

  — Ne m’approche pas ! Tu ne m’as donc pas entendu ? Si tu ne te tiens pas à l’écart, je pourrais perdre la tête, te violer encore.

  Il se détourna, s’éloigna.

  — Mais tu ne m’as pas violée, Jondalar ! lui cria-t-elle. Tu ne pourrais pas me violer. Il n’y a pas un seul instant où je ne sois prête pour toi...

  Mais le remords, le dégoût de soi rendirent Jondalar sourd à ses paroles.

  Il continua de marcher, dans la direction du Camp du Lion, Un long moment, elle le suivit des yeux. Elle cherchait à remettre de l’ordre dans la confusion de ses pensées. Finalement, elle rejoignit les chevaux. Elle prit la longe de Rapide et, accrochée de l’autre main à la raide crinière de la jument, elle enfourcha sa monture. Elle rattrapa rapidement Jondalar.

  — Tu ne vas pas faire à pied tout le chemin du retour, je pense ? dit-elle.

  Il resta un instant sans répondre, sans même se retourner vers elle. Elle avait immobilisé sa monture à côté de lui. Si elle s’imaginait qu’il allait encore monter en croupe derrière elle... pensait-il. Du coin de l’œil, il vit qu’elle menait le jeune étalon derrière elle. Il se retourna enfin.

  Il la regardait avec une poignante tendresse. Elle lui paraissait plus attirante, plus désirable que jamais, et il l’aimait plus encore qu’il ne l’avait jamais aimée, à présent qu’il était convaincu d’avoir tout gâché. Ayla, de son côté, mourait d’envie de se retrouver tout près de lui, pour lui dire combien les moments qu’ils venaient de passer ensemble avaient été merveilleux, combien elle se sentait heureuse, rassasiée, combien elle l’aimait. Mais devant une telle fureur, elle était si déconcertée qu’elle ne trouvait plus ses mots.

  Ils se dévisageaient, se désiraient. Une force les attirait l’un vers l’autre. Mais leur cri d’amour silencieux se perdit dans le rugissement des malentendus, dans le fracas des croyances culturelles depuis longtemps enracinées.

  27

  — Tu devrais monter Rapide pour rentrer, je crois, dit Ayla. Le chemin est long.

  Oui
, il est long, pensait-il. Et comme il était long, aussi, le chemin qui le séparait de son peuple.

  Jondalar acquiesça d’un signe de tête, suivit la jeune femme jusqu’à un rocher, au bord d’un petit cours d’eau. Rapide n’avait pas l’habitude d’être monté. Il était préférable de l’enfourcher avec douceur. L’étalon coucha les oreilles, piaffa nerveusement mais il ne tarda pas à se calmer et s’engagea derrière sa mère comme il l’avait fait bien des fois.

  Sur le trajet de retour, Ayla et Jondalar n’échangèrent pas une parole et, à l’arrivée au Camp du Lion, ils furent heureux de ne trouver personne, ni à l’intérieur, ni alentour. Ils n’étaient pas d’humeur à soutenir une conversation banale.

  Dès que les chevaux s’immobilisèrent, Jondalar mit pied à terre et se dirigea vers l’entrée principale. Il se retourna au moment où Ayla allait pénétrer dans l’abri des chevaux : il se sentait obligé de dire quelque chose.

  — Euh... Ayla ?

  Elle s’arrêta, leva les yeux.

  — J’ai dit vrai, tu sais. Jamais je n’oublierai cet après-midi. Cette course. Je te remercie.

  — Ne me remercie pas. C’est Rapide qu’il faut remercier.

  — Oui, bien sûr, mais ce n’est pas uniquement Rapide.

  — Non, c’est votre affaire à Rapide et toi.

  Sur le point de dire autre chose, il se ravisa, fronça les sourcils, baissa la tête pour rentrer.

  Ayla garda un long moment son regard fixé sur l’endroit où il se tenait l’instant auparavant, ferma les yeux, et ravala péniblement un sanglot qui menaçait de déclencher un flot de larmes. Quand elle eut repris son sang-froid, elle entra. Les chevaux, en chemin, s’étaient désaltérés dans les cours d’eau, mais elle n’en versa pas moins de l’eau dans les grandes coupes qui leur étaient réservées. Elle prit ensuite les morceaux de peau souple et entreprit de bouchonner Whinney. Bientôt, elle passa ses bras autour de l’encolure de la jument, s’appuya contre elle, le front posé sur le poil bourru de sa vieille amie, sa seule amie lorsqu’elle vivait dans la vallée. Rapide ne tarda pas à se presser contre elle lui aussi, et, ainsi serrée comme dans un étau entre les deux chevaux, elle se sentit réconfortée par cette pression familière.

 

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