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Les chasseurs de mammouths

Page 102

by Jean M. Auel


  — Talut, hoqueta-t-elle en enlaçant le géant aux cheveux roux. T’ai-je déjà avoué que c’était ton rire qui m’avait décidée à vous visiter ? Les Autres m’effrayaient tant que j’étais prête à retourner dans ma vallée. Et je t’ai vu rire...

  — Eh bien, tu vas bientôt me voir pleurer ! Je ne veux pas que tu partes, Ayla.

  — Moi, je pleure déjà, dit Latie, et je ne veux pas non plus que tu t’en ailles. Te souviens-tu de la première fois où tu m’as laissée caresser Rapide ?

  — Je me rappelle le jour où elle a fait monter Rydag sur le dos de Whinney, dit Nezzie. Il n’avait jamais été aussi heureux.

  — Les chevaux me manqueront, soupira Latie en embrassant Ayla.

  — Tu auras peut-être un poulain à toi, un de ces jours, suggéra Ayla.

  — Les chevaux me manqueront aussi, fit Rugie. Ayla la souleva et déposa un baiser sur ses joues.

  — Alors pourquoi n’aurais-tu pas aussi ton poulain ? Oh, Nezzie s’écria-t-elle. Comment te remercier ? Tu sais, j’ai perdu ma mère quand j’étais toute petite, mais la chance m’a souri. J’ai eu deux mères pour la remplacer. Iza s’est occupée de moi quand j’étais enfant, et tu as été la mère qui m’a aidée à devenir femme.

  — Tiens ! fit Nezzie en lui tendant un paquet et en s’efforçant de retenir ses larmes. C’est ta tunique nuptiale. Je veux que tu la portes le jour de ton Union avec Jondalar. Il est un peu mon fils, tu sais. Et toi, tu es ma fille.

  Ayla étreignit Nezzie une dernière fois, et se retourna pour admirer son grand gaillard de fils. Quand elle prit Danug dans ses bras, il lui rendit son étreinte sans réserve. Ayla sentit sa force virile, la chaleur de son corps, et son émoi physique.

  — J’aurais aimé que tu sois ma pied-rouge, lui glissa-t-il à l’oreille. Elle se dégagea et lui sourit.

  — Danug ! Tu seras un bien beau géant ! Tu seras bientôt aussi grand et aussi fort que Talut.

  — Quand je serai plus vieux, j’entreprendrai peut-être un long voyage, et je vous visiterai !

  Ayla étreignit ensuite Wymez, mais elle n’aperçut pas Ranec.

  — Je suis désolée, Wymez, assura-t-elle.

  — Moi aussi, fit-il. J’aurais aimé que tu restes avec nous. J’aurais aimé voir les enfants que tu aurais apportés à son foyer. Mais Jondalar est un homme solide et bon. Puisse la Mère te sourire dans ton voyage !

  Ayla prit Hartal des bras de Tronie et s’amusa de ses gazouillements. Manuv lui présenta ensuite Nuvie pour qu’elle l’embrasse.

  — C’est grâce à toi qu’elle est vivante, Ayla, dit Manuv. Je ne l’oublierai jamais, et elle non plus.

  Ayla l’embrassa, puis Tronie, et aussi Tornec.

  Frébec prit Bectie dans ses bras pendant qu’Ayla disait adieu à Fralie et aux deux garçons. Elle embrassa ensuite Crozie qui se raidit bien qu’Ayla la sentît trembler d’émotion. La vieille femme l’étreignit ensuite, et une larme coula sur sa joue.

  — N’oublie pas la recette du cuir blanc, recommanda-t-elle.

  — Non, c’est promis. Et j’ai toujours la tunique. Mais souviens-toi, Crozie, ajouta Ayla avec un sourire malin, ne joue plus jamais aux osselets avec un membre du Foyer du Mammouth.

  Crozie la dévisagea d’un air surpris, et éclata de rire. Loup les avait rejoints et Frébec lui grattait le poil, derrière les oreilles.

  — Cet animal me manquera, déclara-t-il.

  — Et cet autre te regrettera ! fit Ayla en le serrant dans ses bras.

  — Moi aussi, je te regretterai, Ayla, répliqua-t-il.

  Ayla se retrouva au milieu des membres du Foyer de l’Aurochs, submergée par les embrassades de Barzec et des enfants. Tarneg aussi était là avec sa compagne. Deegie attendait à l’écart avec Branag, et les deux jeunes femmes tombèrent dans les bras l’une de l’autre, pleurant de plus belle.

  — C’est encore plus difficile de te quitter, Deegie, déclara Ayla. Tu es la seule amie de mon âge que j’aie jamais eue, et tu me comprenais.

  — Eh oui, je n’arrive pas à croire que tu t’en vas. Je ne saurai jamais laquelle de nous deux aura un bébé la première.

  Ayla se recula pour contempler la jeune femme d’un œil critique.

  — C’est toi, fit-elle en souriant. Tu l’as déjà commencé.

  — Je me posais la question ! Tu en es sûre ?

  — Oui, certaine.

  Ayla remarqua Vincavec qui se tenait à côté de Tulie. Elle effleura ses joues d’un baiser.

  — Tu me surprends, Ayla. Je n’aurais pas cru que tu choisirais celui-là. Bah ! A chacun ses faiblesses, dit Vincavec en lançant à Tulie un regard entendu.

  Vincavec était vexé de s’être aussi lourdement trompé. Il avait complètement omis le blond Zelandonii de la compétition, et il était quelque peu en colère après Tulie, quand bien même avait-il insisté pour qu’elle les acceptât, qui avait pris ses deux pièces d’ambre en sachant pertinemment qu’il n’obtiendrait rien. Il avait fait des remarques pleines de sous-entendus, stigmatisant sa faiblesse pour l’ambre, et lui reprochant de les avoir acceptées sans rien donner en échange. Comme il lui en avait fait ostensiblement cadeau, elle ne pouvait pas les lui rendre, mais il se vengeait par ses remarques mordantes.

  Avant de s’avancer vers Ayla, Tulie s’assura d’un coup d’œil que Vincavec les observait, et elle étreignit la jeune femme avec chaleur.

  — J’ai quelque chose pour toi, annonça-t-elle. Tout le monde sera d’accord, j’en suis sûre, tu les porteras mieux que personne, dit-elle en glissant deux magnifiques pièces d’ambre identiques dans la main d’Ayla. Elles iront très bien avec ta tunique nuptiale. Tu pourrais les porter aux oreilles, par exemple.

  — Oh, Tulie ! s’exclama Ayla. Je ne peux pas accepter. Elles sont splendides !

  — Accepte-les, Ayla. Elles t’étaient destinées, fit-elle en dévisageant Vincavec d’un air triomphant.

  Ayla remarqua que Barzec souriait, et que Nezzie hochait la tête d’un air approbateur.

  Jondalar avait lui aussi de la peine de quitter le Camp du Lion. Les Mamutoï l’avaient accueilli avec chaleur, et il avait appris à les apprécier. Ses adieux se déroulèrent dans les larmes. La dernière personne qu’il salua fut Mamut. Ils s’enlacèrent et se donnaient l’accolade quand Ayla les rejoignit.

  — Je dois te remercier, Mamut, dit Jondalar. Je suis sûr que tu savais depuis le début que j’avais une leçon à recevoir. J’ai appris beaucoup de toi et des Mamutoï. Je sais maintenant ce qui est essentiel et ce qui est superficiel, et je connais aussi la profondeur de mes sentiments pour Ayla. Toute ma réserve s’est dissipée. Je la défendrai contre mes pires ennemis, et contre mes meilleurs amis.

  — Tu dois savoir autre chose, Jondalar, déclara Mamut. J’ai deviné que son destin était avec toi, et quand le volcan s’est réveillé, j’ai compris qu’elle partirait bientôt. Mais souviens-toi de ceci. Le destin d’Ayla est plus grand qu’on le croit. La Mère l’a choisie, et elle devra affronter de multiples épreuves. Toi aussi. Elle aura besoin de ta protection, et de toute la force de ton amour. C’est la raison de la leçon dont tu avais besoin. Elle a fortifié ton amour. La vie de ceux qui ont été élus est parfois dure, mais elle est aussi riche de profits. Prends soin d’elle, Jondalar. Souviens-toi que lorsqu’elle s’occupe des autres, elle oublie de penser à elle.

  Jondalar promit. Ayla étreignit le vieil homme, au regard mouillé de larmes, qui souriait.

  — Ah, si Rydag était encore là ! soupira Ayla. Il me manque. Moi aussi, j’ai beaucoup appris. Je voulais retourner près de mon fils, mais Rydag m’a fait comprendre que je devais le laisser vivre sa vie. Comment te remercier, Mamut ?

  — Les remerciements sont superflus, Ayla. Nos routes devaient se croiser. Je t’attendais sans le savoir, et tu m’as procuré de grandes joies, ma fille. Tu n’étais pas faite pour retourner avec Durc. Durc était ton cadeau au Clan. Les enfants apportent leur lot de joies et de peines, et il est bon de les laisser suivre leur propre chemin. Mut, Elle-même, laissera un jour S
es enfants suivre leur voie, mais si nous La négligeons, notre sort sera douloureux. Si nous oublions de respecter notre Grande Terre Mère, Elle nous retirera Ses bénédictions, et cessera de nous nourrir.

  Ayla et Jondalar enfourchèrent leur monture, et agitèrent les mains en signe d’adieu. Presque tout le campement s’était rassemblé pour leur souhaiter un bon Voyage. En s’éloignant, Ayla cherchait Ranec. Mais il avait déjà fait ses adieux, et n’aurait pas supporté de les recommencer en public.

  Elle allait s’engager dans le sentier quand elle le vit enfin. Il était seul. Ayla s’arrêta et lui fit un dernier signe, le cœur lourd.

  Ranec lui renvoya son adieu d’une main, mais dans l’autre il serrait contre sa poitrine la petite statuette d’ivoire dont il avait sculpté avec amour, élégance et sensibilité, chaque courbe, chaque ligne, chaque entaille. Il l’avait sculptée pour Ayla, espérant façonner un être magique qui l’attacherait à son foyer, comme il espérait que son esprit étincelant et ses yeux rieurs lui gagneraient son cœur. Mais pendant que Ranec, artiste pétri de talent, de charme, d’esprit, regardait la femme de son cœur s’en aller, son sourire s’était figé, et ses yeux noirs rieurs débordaient de larmes.

  Fin du tome 3

  * * *

  [1](Hippologie) (Figuré) Mouvement de bas en haut que certains chevaux font avec leur tête. (NScan)

  [2]Les Céanothes (Ceanothus), parfois appelés lilas de Californie pour leur parfum délicat et leurs jolis épis bleus, sont des arbustes faciles à cultiver, dont les nombreuses formes permettent des usages variés. (NScan)

  [3](Musique) Effet de contretemps obtenu par prolongation d’un temps faible sur un temps fort. (NScan)

  [4](Botanique) Inflorescence où tous les pédicelles sont attachés au même point de la tige et toutes les fleurs s’élèvent au même niveau selon une surface sphérique, ex : Le panais, le sureau, le cerfeuil ont leurs fleurs en ombelle. (NScan)

  [5]La digitale pourpre (Digitalis purpurea) est une grande digitale bisanuelle ou vivace, cultivée comme plante ornementale. Elle est très toxique car elle contient notamment des sucres complexes. Ces substances ralentissent et renforcent les battements des muscles cardiaques. (NScan)

  [6]Un pingo est une colline de glace recouverte de terre et qui se rencontre dans les régions arctiques, subarctiques et antarctiques. « Pingo » est un mot inuit désignant une petite colline en forme de cône. (NScan)

  [7]Meurtri, taché, en parlant des fruits. (NScan)

  [8]Pierre fine, variété de béryl dont la transparence et la couleur bleu clair nuancé de vert évoquent l'eau de mer. (NScan)

  [9]Les spermophiles, encore appelés sousliks, sont des écureuils à petites oreilles, à abajoues et dont la queue est assez courte et plus ou moins fournie. (NScan)

 

 

 


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