Moi, l'amour et autres catastrophes

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Moi, l'amour et autres catastrophes Page 30

by Karen Templeton


  Quand j’avais environ six ans, bien avant que Nonna ne vienne vivre avec nous, elle avait soudain décrété qu’elle ne pouvait plus tolérer ce qu’elle appelait « la négligence spirituelle de mes parents envers leur unique enfant » et m’avait traînée à ma première messe. A la seconde où ma grand-mère maternelle eut vent de la chose, elle décida qu’il était grand temps que j’apprécie mes racines juives, bien que jusque-là mon éducation païenne n’ait pas semblé la déranger. Donc, le samedi suivant, j’ai pénétré pour la première fois dans une synagogue.

  Comme tout cela était pour moi synonyme de moments privilégiés avec chacune de mes grand-mères adorées, j’ai suivi le courant en haussant les épaules durant plusieurs années. Puis l’adolescence a fait irruption. Et avec elle, les doutes, les séductions d’une existence non religieuse. Bref j’ai découvert que je préférais passer mes week-ends avec mes amis plutôt qu’avec Dieu. Il ne m’était jamais venu à l’esprit que les deux étaient compatibles.

  En tout cas, ni ma grand-mère ni le dogme n’ont gagné. Oh, je crois en Dieu, même si je lui trouve parfois un sens de l’humour un peu pervers. Mais je n’ai jamais juré loyauté à personne. Je n’ai aucun scrupule à dresser un arbre de Noël et à assister chaque année à la fête de Seder organisée par Shelby. Parfois je vais à la messe de Pâques, puis l’automne suivant, j’observe les fêtes juives. C'est une situation que je vis sans problème… à prudente distance. Si j’ai des enfants, je ne sais pas ce que je déciderai. Je verrai bien. Après tout, je ne m’en suis pas si mal sortie, non ?

  Ne répondez pas à cette question.

  Bref, je réalise que Nonna ne s’est pas rendue à l’église depuis un certain temps, soupçon qui se confirme quand je vois ses yeux s’éclairer à ma proposition. Mon cœur se serre — assister chaque jour à la messe a fait partie de la vie de cette femme depuis si longtemps. Ne pas s’y rendre a dû la torturer. Pourtant, si elle le lui avait demandé, ma mère l’y aurait emmenée, au moins une fois de temps en temps. Mais cela aurait dérangé quelqu’un, péché bien pire selon Nonna que manquer la messe. Je réalise tout ce à quoi ma grand-mère a renoncé en venant vivre avec nous. Et je me demande pourquoi elle est restée après la mort de mon père.

  Aussi, une fois installées l’une en face de l’autre dans la pâtisserie hongroise de la 111e Rue, un de nos endroits préférés lorsque j’étais petite, je lui pose la question. Elle me regarde, surprise. Puis pose sa tasse de thé et croise les mains sur ses genoux. Elle porte sa robe neuve. J’ai frisé ses cheveux argentés au fer et ils ondulent autour de son visage. Je distingue la jeune femme têtue qu’elle a dû être.

  — Ta mère, elle avait besoin de moi, dit-elle avec un haussement d’épaules. C'est pourquoi je reste.

  C'est mon tour d’être surprise.

  — Nedra n’a besoin de personne.

  — Elle est bonne actrice, oui ?

  — Mais toi-même tu as dit combien elle était forte…

  — Ah…

  Un doigt crochu et osseux m’interroge.

  — Mais sa force, elle s’écroule sans personne autour d’elle.

  Je me recule dans ma chaise, les bras croisés. Eh bien, ma vieille. J’ai moi-même dit la même chose, que Nedra tirait son énergie de ceux qui l’entouraient. Tout comme moi j’ai besoin de ma solitude.

  — Mais ça n’explique pas pourquoi tu es restée. Nedra n’était presque jamais seule à l’époque. Pour commencer, j’étais encore là.

  — Mais moi j’étais celle qui était toujours là. En esprit comme en corps. Comme ton père. Tu étais là, oui, mais tu ne voulais pas y être, et ta maman le savait.

  Elle coupe avec soin un coin de son millefeuille. La crème s’échappe des couches de pâte feuilletée.

  — ... Quand tu pars, tu lui manques plus qu’elle peut dire.

  Ses yeux cherchent les miens.

  — … mais elle ne dit rien, parce que c’est ce que doivent faire les enfants, quitter le nid, partir seuls. Alors je reste, être sa force.

  Ses lèvres s’étirent en un large sourire.

  — Elle ne peut pas pomper Renata Petrocelli à fond, hein?

  Je ris en picorant ma pâtisserie.

  — Mais tu es restée parce que tu pensais que tu le devais, ou parce que tu le désirais ?

  Elle me regarde.

  — Je ne comprends pas.

  Je soutiens son regard.

  — J’ai observé ton visage durant la fête aujourd’hui, Nonna. Combien tu avais l’air heureuse. Comme… comme si tu étais revenue chez toi.

  Elle baisse les yeux sur sa pâtisserie entamée.

  — C'était agréable, revoir tout le monde. C'est tout.

  Je tends la main pour prendre la sienne, toute douce, dans la mienne.

  — Si tu le pouvais, tu irais vivre là-bas ?

  Elle retire sa main de la mienne.

  — Pourquoi tu poses ces questions ? demande-t-elle d’une voix tremblante. Tu as entendu Sonya me demander d’emménager avec elle ? C'est ça ?

  Sonya, la plus jeune sœur de mon grand-père. Maintenant veuve elle-même. Elle et ma grand-mère étaient très proches avant que Nonna ne quitte Brooklyn, plus des sœurs que des belles-sœurs.

  Derrière les lunettes, des larmes brillent dans les yeux de Nonna.

  — Comment pourrais-je, alors que ta mère va avoir un enfant ?

  — Nonna, pour l’amour du ciel ! Tu as quatre-vingts ans ! Personne, et surtout pas Nedra, ne s’attend à ce que tu élèves un enfant à ce stade de ta vie. Si tu veux aller vivre avec Sonya, tu vas vivre avec Sonya, d’accord ?

  — Et qui va rester avec ta mère ?

  Je croise les bras sur ma poitrine, la bouche pincée.

  — Celle qui aurait dû rester depuis le début. Moi.

  — Mais tu vas te marier un jour, quitter la maison…

  — Hé, ce n’est pas ton problème, d’accord ? C'est ma mère, c’est moi qui suis responsable.

  Nonna porte une serviette à son nez et s’y mouche.

  — Ta maman, elle a beaucoup de chance.

  — Ça, c’est vrai. Choisissons quelques pâtisseries pour elle, d’accord ?

  Incapable de décider des goûts de Nedra, nous sélectionnons une demi-douzaine de douceurs différentes. Je suggère de prendre un taxi, mais Nonna insiste pour marcher. Alors nous marchons, Nonna disparaît totalement sous le parapluie beige avec lequel elle se protège du soleil. Qu’elle fait soudain passer de l’autre côté afin de m’observer, les yeux plissés, derrière ses lunettes.

  — A l’église, j’allume un cierge pour ta maman, prie la Vierge Marie. J’entends la Sainte Mère murmurer ta maman sera bien. Le bébé sera bien.

  Elle plisse encore davantage le regard.

  — C'est un cadeau, le bébé. Comme Sarah avec Isaac, dans la Bible.

  Je fais passer le Times, acheté plus tôt, sur mon autre hanche, réalisant que je tache ma robe d’encre d’imprimerie.

  — Mais Sarah avait bien quatre-vingt-dix et quelques années quand elle a eu Isaac, non ?

  La violente lumière du soleil me fait cligner des yeux.

  — … Tu aimerais avoir un bébé dans dix ans, Nonna?

  Une expression horrifiée traverse son visage.

  — Comment vous dites, et puis quoi encore ?

  Je ris, un peu rassérénée. Parce que, voyez-vous, si je réagis de façon si personnelle à la bombe lâchée par ma mère, c’est que, tout simplement, je suis jalouse à crever.

  C'est moi qui devrais être enceinte. Pas ma mère. Et je viens juste de promettre à ma grand-mère que j’allais veiller sur elle durant sa grossesse. Une promesse que je n’ai pas faite en l’air. Sérieusement. Ce nouveau rebondissement m’a peut-être abasourdie, mais je veux vraiment aider ma mère… Même si cela se traduit par annihiler toute chance de reconstruire ma propre vie. Comment vais-je avoir mes propres bébés si je suis occupée à élever mon frère ou ma sœur de plus de trente ans plus jeune ?

  Non que mes bébés potentiels
semblent sur le point de faire leur apparition.

  Bon, je ne fais que me déprimer, aussi vais-je arrêter.

  Geoff nous accueille à la porte de l’appartement, semblant… soulagé — c’est le seul mot qui me vient à l’esprit. Intriguée, j’observe le chien un moment, les sourcils froncés. Nonna part se changer dans sa chambre. Les friandises à la main, je me rends dans le bureau de ma mère que je trouve assise devant son ordinateur, des lunettes perchées sur son joli nez, surfant le sur Net. Je m’approche pour déposer la boîte blanche aux odeurs alléchantes et scrute l’écran.

  Votre bébé et vous, affiche-t-il.

  C'est parti.

  Nedra ouvre la boîte et laisse échapper un cri de délice.

  — Toute la matinée, j’ai eu ces envies bizarres — vite, passe-moi une serviette ! — mais je ne parvenais pas à déterminer de quoi. Maintenant je sais !

  Je lui tends un Kleenex — c’est ce que j’ai trouvé à portée de main, mais la première pâtisserie est déjà à moitié dévorée. De la crème fouettée orne le menton de Nedra. Je le lui essuie avec un autre Kleenex.

  — Autant que je me régale tant que je le peux. Parce que tu sais ce que va dire mon médecin dès la première visite.

  Elle pose sa fourchette, le visage rempli d’horreur.

  — Que se passe-t-il ? dis-je.

  — Il faut que j’achète des vêtements de maternité ! Elle semble à la fois horrifiée et ravie. Je souris et respire à fond avant de lui parler de Nonna. Et de la proposition de Sonya.

  Nedra s’essuie la bouche.

  — Tu es sûre ?

  — J’ai eu du mal à la faire parler, mais oui.

  — Oh, c’est pas vrai…

  Nedra secoue la tête, la bouche plissée de contrariété.

  — Pourquoi n’est-elle pas venue simplement me le dire?

  — Sonya lui a fait cette proposition hier à la fête. Elle n’en a pas eu l’occasion.

  — Non, je veux dire avant. Pourquoi ne m’a-t-elle jamais dit qu’elle était malheureuse ici ?

  — Parce qu’elle n’était pas malheureuse. Je crois que, jusqu’à ce qu’elle se rende à Brooklyn hier, elle n’avait pas réalisé combien son ancien quartier lui manquait.

  — Je me demande tout de même pourquoi elle est restée avec moi toutes ces années ?

  — Parce que… elle était convaincue que tu avais besoin d’elle.

  Ma mère cille.

  — Que moi j’avais besoin d’elle ? Tu parles sérieusement ?

  Je hoche la tête. Nedra rit un peu et fixe la boîte comme si elle s’interrogeait sur l’éventualité d’un autre gâteau. Je pousse la boîte vers elle.

  — Ne te prive pas. Le bébé t’en remerciera.

  Elle choisit une nouvelle pâtisserie, cette fois à la pâte d’amande et glacée au chocolat.

  — Je l’ai assurée qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, parce que si elle déménageait, je resterais avec toi.

  Nedra s’étouffe. Je me lève d’un bond et court à la salle de bains pour chercher de l’eau. A mon retour, elle me fixe de ses yeux remplis de larmes par le hoquet, la main sur la poitrine. Elle s’empare du verre d’eau et avale plusieurs gorgées.

  — Ecoute-moi bien, dit-elle dès qu’elle retrouve l’usage de la parole, et tu peux répéter mes paroles à ta grand-mère. Je n’attends de personne de modeler sa vie en fonction de moi, ou d’abandonner quoi que ce soit pour moi…

  — Oh, boucle-la, Nedra, dis-je.

  Et elle la boucle. Même si sa bouche reste assez largement ouverte.

  — J’ai compris que j’avais passé une énorme partie de ma vie à me comporter en peste égoïste. Alors tu vas me donner une chance d’expier mes péchés, oui ou non ?

  — Non, rétorque-t-elle sans battre d’un cil.

  — Quoi ?

  Elle pousse un soupir en essuyant les miettes de pâtisserie de sa poitrine.

  — Tu m’as entendue. Ginger, je ne veux même pas de toi dans le secteur. Je t’adore, ma chérie, tu le sais, mais tu me rends dingue.

  — Alors c’était quoi toutes ces histoires pour que je revienne vivre ici après le mariage raté ?

  — Ici, c’est toujours chez toi et je suis toujours ta mère. Quoi qu’il arrive, on doit accueillir ses enfants s’ils en ont besoin, c’est stipulé dans le contrat.

  — Comme, dis-je en me levant, il est stipulé dans le contrat que je dois être là pour ma mère quand elle se fait mettre en cloque. Tu vas devoir faire avec.

  Je relève le menton et sors du bureau d’un pas ferme, plutôt satisfaite de moi-même. Ce n’est qu’une fois dans le salon, qui comme vous vous en souvenez peut-être donne directement dans la chambre de Nedra, que je remarque qu’il manque quelque chose.

  Le coq.

  Je me pétrifie, fixe l’espace dans l’angle de la chambre de Nedra où la cage résidait habituellement, puis pivote et regagne le bureau d’un pas décidé.

  — Où est Rocky ?

  Elle lève les yeux de l’écran, les sourcils froncés.

  — Les Ortiz sont venus le reprendre. Pourquoi ?

  — Et tu les as laissés faire ?

  — Eh bien oui. Vu qu’il s’agit de leur coq.

  — Mais tu as entendu ce qu’a dit Nick, à quoi ce coq est destiné !

  Elle fait glisser ses lunettes de lecture sur son nez pour m’observer.

  — Et cela t’ennuie parce que… ?

  — Nedra ! Que je ne souhaite pas partager mon espace vital avec cet animal ne signifie pas que je désire le voir mourir à coups de bec !

  Elle rajuste ses lunettes et se remet à tapoter sur son clavier.

  — Ils m’ont assuré que cela n’arriverait pas.

  — Et tu les as crus ?

  Elle ôte ses lunettes d’un geste vif et ses yeux sombres plongent dans les miens.

  — Quel autre choix avais-je? Gladys, qui habite en dessous, m’a dit ce matin que le type qui vient d’emménager à côté de chez elle a entendu Rocky par la bouche d’aération, et qu’il appellerait les services concernés demain matin. Soit je faisais sortir cette volaille sur-le-champ, soit j’attendais qu’on vienne le prendre. Pendant que je cherchais une solution, Manny Ortiz m’a appelée pour me dire qu’ils habitaient maintenant avec son cousin à Weehawken et désirait venir chercher l’animal. Et qu’il avait un nouvel emploi de chauffeur chez son cousin. Il semblait aux anges. Il a insisté pour me donner une carte de visite… Où l’ai-je mise… ?

  Elle fouille dans un million de notes et de papiers sur son bureau et me tend une carte blanche imprimée de noir. Je la regarde.

  — Son cousin possède une entreprise de pompes funèbres?

  Nedra hausse les épaules.

  — Dans sa branche, tout le monde est un client potentiel. Enfin bon, il a un travail, et Rocky aura un jardin où se promener. Tu devrais être contente.

  Elle a raison. Je devrais l’être. Mais je ne le suis pas. Ce qui signifie que j’ai beaucoup plus de problèmes que je ne le pensais.

  Et que je vais devoir régler l’alarme de mon réveil.

  Bon. Passons au deuxième article sur ma liste, qui consiste à me rendre dans le quartier des bijoutiers pour savoir combien je pourrais tirer de la bague. Oui, j’ai finalement décidé de la vendre. Je me suis honorablement comportée en proposant à Greg de la lui rendre, non ? Alors j’ai décidé de garder l’argent et de l’investir, ou un truc de ce genre. Puisqu’il semble que je ne vais pas déménager de sitôt. Pensée qui me semble beaucoup moins effrayante qu’elle ne l’était quelques semaines plus tôt.

  Je regagne ma chambre quand j’entends mon portable sonner. Il me faut un moment, mais je finis par le trouver dans la salle de bains.

  — Hé, salut, sexy lady !

  Ted. Je souris et m’assieds en tailleur sur mon lit.

  — Salut, toi. Comment ça va ?

  — Eh bien… j’ai un service à te demander.

  Evidemment, j’accepte sans demander de quoi il s’agit. Parce que ces deux mecs on
t accouru à mon secours environ un million de fois au cours des cinq dernières années, entre autres la fois où ils ont descendu mon sofa sur huit étages au péril de leurs vies. Bref, il s’avère que Randall a gagné par sa boîte un voyage pour deux dans un endroit très exotique et qu’il était prévu qu’Alyssa passerait la semaine avec sa mère, qui vient de recevoir un appel urgent de sa propre boîte et doit partir ce soir une semaine en Europe.

  — Alors, s’il te plaît, est-ce qu’Al pourrait venir chez toi?

  — J’en serai ravie ! Nous allons faire un tas de trucs idiots, des trucs de filles.

  Ted pousse un énorme soupir de soulagement.

  — Elle ne voulait pas aller chez sa grand-mère.

  Nous réglons tous les détails de l’organisation et j’annonce la nouvelle à ma mère qui se tient sur le pas de ma porte, ravie — Super ! Une réfugiée! — et à ma grand-mère, tout aussi ravie — Super ! Une bouche supplémentaire à nourrir! — et à Geoff, qui semble s’en ficher totalement. Puis je me souviens que demain soir, je suis censée sortir avec Greg.

  Malheureusement, je m’en souviens à haute voix, ce qui perturbe gravement ma mère.

  — Je ne savais pas que tu sortais de nouveau avec lui.

  — Si. Je te l’ai dit.

  Elle me regarde.

  — Non, tu ne me l’as pas dit.

  Je réfléchis.

  — D’accord, peut-être que non. Mais quelle importance ?

  Elle se passe la main dans les cheveux et les écarte de son visage.

  — Je… je ne veux pas te voir souffrir de nouveau. Je n’ai pas confiance en cet homme.

  — Tu n’as jamais eu confiance en lui.

  — Avec raison, comme les événements l’ont prouvé.

  Je soupire. Je soupire beaucoup ces temps-ci.

  — Ecoute, il s’agit d’un simple dîner, d’accord ? Je voudrais au moins entendre sa version des faits.

  — Et ne plus le revoir ensuite ?

  — Eh bien…

  — Ouais, c’est exactement ce que je pensais. Chérie, pourquoi veux-tu t’exposer à revivre la même chose ?

  — Nedra, pourquoi ne pas nous rappeler que nous sommes censées vivre chacune notre propre vie ?

 

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