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CHASSES À L'HOMME

Page 7

by Christophe Guillaumot


  – Je crois que j'ai oublié mes sous-vêtements ! minauda-t-elle.

  – Il y a donc préméditation !

  La porte en bas des escaliers claqua. Ils se repoussèrent mutuellement. Eve Saint Hilaire tenta de réajuster sa blouse avant l'arrivée du perturbateur. Un gardien de la paix, tout au plus âgé d'une vingtaine d'années, accéda à l'amphithéâtre après avoir monté bruyamment les marches du corridor. Il fit trois pas avant de se mettre en position de garde-à-vous.

  – Mes respects, monsieur le commissaire ! Bonsoir, madame ! dit-il en s'inclinant. Je viens de la part du capitaine Poncey. Il n'arrivait pas à vous joindre sur votre téléphone portable.

  L'écran de son appareil indiquait en effet une perte de réseau, ce qui somme toute était normal au deuxième sous-sol de ce bâtiment.

  – Il voulait vous indiquer que l'exploitation des appels depuis la cabine téléphonique a été positive. Le suspect a contacté l'un de vos collègues.

  Le jeune homme, à l'accent du sud-ouest, continua de réciter sa leçon.

  Le capitaine a dit que vous sauriez de qui on parle !

  Eve Saint Hilaire lança un regard interrogateur pour obtenir une confirmation.

  – Je vous remercie ! répondit Wuenheim au fonctionnaire de police. Vous pouvez retourner à vos missions.

  Le jeune policier ne se fit pas prier. Ses yeux avaient du mal à quitter le corps mutilé de la femme sur la table d'opération. Il devait sans doute être effrayé à l'idée de devoir assister à l'autopsie. Rassuré, il quitta rapidement l'amphithéâtre.

  – Il a téléphoné à mon père, n'est-ce pas ? demanda Eve.

  Il fit un signe de la tête.

  – Cela paraît évident !

  – Tu vas devoir l'interroger ?

  – Bien sûr ! Et cela ne me réjouit pas du tout !

  L'excitation qui avait saisi les deux tourtereaux était bien retombée. La suite de cette mise en scène érotique serait reportée à une date ultérieure. Le commissaire essuya les verres de ses lunettes. Eve poussa une table roulante supportant divers instruments chirurgicaux. Elle lui tendit un masque et une blouse. Revêtu de ce costume, il alla se positionner devant les pieds de la prostituée.

  Comme l'avait fait Poncey quelques heures auparavant, Eve Saint Hilaire déclencha un dictaphone qu'elle posa sur le rebord de la table en fer. Elle énonça à haute voix la date, l'heure, le nom et la qualité de son assistant. Puis elle se mit à décrire le corps sans même le toucher. Elle demanda ensuite de l'aide au commissaire pour retourner le cadavre et reprit sa description. C'était la première fois qu'il la voyait accomplir son travail de médecin légiste. Il aimait son visage devenu sérieux et ses yeux curieux. Le regard du commissaire négligeait le corps de la pauvre victime, se focalisant malgré lui sur cette blouse blanche dont on avait, dans la hâte, oublié de refermer le dernier bouton. Eve, elle, ne lui portait plus aucune attention Elle avait endossé ses fonctions et enquêtait sur les causes de la mort.

  Prenant des ciseaux à grandes lames, elle coupa les liens qui attachaient encore les jambes et les bras du cadavre. Wuenheim, munis de gants en caoutchouc, se saisit de ceux-ci et les mit sous scellés. Le ventre, bien que déjà ouvert par les rongeurs, ne permettait pas à la légiste d'atteindre tous les organes vitaux. Elle cassa donc les côtes avec une pince coupante, puis élargit l'entaille. Elle ponctionna du sang dans deux flacons pour le faire analyser. Les résultats indiqueraient si la prostituée avait pu être victime d'un empoisonnement avant de recevoir les multiples coups de couteau qu'elle était en train de constater. Elle retira ensuite un à un chaque organe qu'elle découpa en morceaux pour noter leur couleur et faire de nouveaux prélèvements. Penchée sur le foie, elle grimaça sous son masque de protection.

  – Je crois être en mesure de te dire les causes de la mort de cette personne ! déclara-t-elle, entretenant le suspense.

  Leurs regards se croisèrent.

  – Le foie a été perforé à plusieurs reprises par un objet tranchant. Vu la largeur et la profondeur des entailles, je te conseille de rechercher un couteau de cuisine avec une lame assez longue, indiqua-t-elle au commissaire.

  Wuenheim nota cette information sur un petit carnet qu'il tenait dans la poche de sa veste. Relevant les yeux, il vit Eve prête à s'attaquer à la tête de la victime avec une scie électrique. Il détourna son regard lorsqu'elle se mit à découper le crâne en deux parties égales. Il avait peur que cette vision ne s'installe à demeure dans son esprit et qu'elle vienne s'insinuer dans leurs futurs ébats amoureux. Il ne voulait pas de cette face inconnue de sa compagne. Eve Saint Hilaire décalotta la peau entourant le crâne comme un enfant épluche une banane. De ses deux mains, elle sortit le cerveau rosé et le posa sur la tablette à découper.

  – Tu vois, dit-elle en lui demandant de se rapprocher, le décollement de cette infime couche de tissus entourant le lobe prouve que la tête a été frappée violemment.

  – Elle a été assommée ?

  – C'est fort possible, répondit-elle en plongeant le cerveau dans un seau destiné au laboratoire d'analyses.

  Wuenheim s'interrogea à voix haute sur le paradoxe qui naissait de ces constatations.

  – C'est très étrange ! commenta-t-il. Pourquoi a-t-il frappé de plusieurs coups de couteau la victime s'il l'avait déjà assommée auparavant ? Un tueur ne s'énerve sur sa victime que si cette dernière se défend et hurle au secours. Ce qui, dans le cas présent, n'a pas été possible !

  – C'est tout à fait exact, répondit-elle.

  Continuant son expertise, elle s'attacha à commenter le nombre important de morsures provenant des rats de l'immeuble du lieutenant Caramany. Elle énonça au plus près de son dictaphone toutes les parties endommagées. Elle remarqua que les extrémités des doigts avaient été dévorées mais qu'elles supportaient également des perforations.

  – C'est extrêmement bizarre ! remarqua-t-elle, sollicitant une question de son compagnon.

  Wuenheim s'empressa de répondre à sa demande.

  – Qu'y a-t-il ?

  – Les doigts des deux mains ont été lacérés avec une lame, dit-elle en approchant une loupe pour mieux observer sa découverte.

  – Mais dans quel but aurait-il fait cela ? se demanda le commissaire.

  – C'est comme si le tueur avait voulu endommager les empreintes digitales de la victime.

  – Caramany a peut-être tailladé les doigts de cette femme pour attirer les rats. Il comptait peut-être sur eux pour faire disparaître le corps ? supposa le policier.

  Eve semblait agitée. Ce cadavre recelait encore une autre énigme. Elle seule était capable de lire dans ses chairs, de décrypter le secret lié à sa mort. Penchée sur le corps, elle parcourait en détail les moindres parcelles de peau susceptibles de révéler d'autres indices.

  – Quel âge a cette femme, Michel ? interrogea-t-elle, visiblement perturbée.

  Wuenheim sortit de sa sacoche le dossier concernant la défunte.

  – Mademoiselle Bouzy Mélanie est dans... – il parcourait la fiche d'identité de la victime recueillie au moment où l'on avait enregistré sa plainte – sa vingt-cinquième année.

  – A-t-elle eu des enfants ?

  Wuenheim se replongea dans la lecture du dossier.

  – Apparemment non ! répondit-il rapidement.

  Eve s'affairait sur le corps. Le commissaire sentait sa partenaire se crisper. Elle laissa tomber un scalpel dans sa précipitation.

  – Merde ! s'exclama-t-elle.

  Le policier bondit en une enjambée pour ramasser l'ustensile.

  – Que se passe-t-il, bon sang ? finit-il par maugréer.

  – Si mes constatations sont exactes, dit-elle à moitié tremblante, le cadavre allongé sur cette table appartient à une personne de sexe féminin ayant déjà dépassé la quarantaine.

  Elle regarda le commissaire dans les yeux.

  – Cette femme a déjà subi un accouchement et ses trompes sont ligaturées.

  Elle reprit son souffle avec difficulté.

&
nbsp; – Soit tes informations sont fausses, soit ce cadavre n'est pas celui de la dénommée Bouzy Mélanie, dit-elle froidement.

  – Mais comment est-ce possible ? interrogea le policier. Le permis de conduire retrouvé près de son corps mentionnait cette identité.

  Eve Saint Hilaire ne l'écoutait pas. Elle avait ouvert le deuxième tiroir de sa table roulante. Elle fouillait frénétiquement à l'intérieur, semblant chercher un document. Très rapidement, elle en retira un dossier contenant quelques feuillets. Wuenheim, perdu dans ses pensées, perplexe, ne prêtait plus le même intérêt aux recherches du médecin légiste. Revenant à la table d'autopsie, elle allait de la lecture des informations contenues dans le document à l'auscultation du cadavre. Elle écarta le reste des mâchoires et sembla s'affairer à dénombrer les dents encore présentes. Des gouttes de sueur dégoulinaient des tempes de la jeune femme. Elle relut ses notes comme pour s'assurer que ses soupçons étaient justifiés. Wuenheim la regarda s'asseoir sur un petit tabouret. Des larmes perlaient par-dessus le masque hygiénique.

  – Un enfant, les trompes ligaturées, les cinquième, sixième et huitième dents remplacées par des imitations en céramique, une fracture de la hanche consolidée...

  Elle s'effondra en larmes. Wuenheim, dépassé par les événements, restait immobile, inquiet de la révélation à venir.

  – Mais qu'y a-t-il ? Bon sang ! Vas-tu m'expliquer ! ? s'emporta-t-il.

  – Michel ! put-elle enfin articuler en retirant son masque, Michel ! Cette femme ! Cette femme avec ce grain de beauté, désigna-t-elle en montrant le corps, c'est ma mère !

  Chapitre Sept

  Pierre Saint-Hilaire n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Jamais aucun voyage ne lui avait paru aussi long. Prisonnier de son compartiment, il avait encaissé deux gifles coup sur coup. Son fidèle lieutenant était accusé de meurtre et recherché par toutes les polices françaises, et cette inconnue au doux nom de Monica Scalzo, après lui avoir offert un moment de réconfort, lui avait délivré ce message étrange en forme d'espoir : elle est vivante. Comment interpréter cette phrase ? Etait-ce juste un simple mot d'encouragement ou une certitude ? Comment cette inconnue pourrait-elle détenir des informations sur sa propre femme ? Et si c'était le cas, sa présence dans le train n'était donc pas fortuite ? Pourquoi Monica Scalzo avait-elle subitement disparu ? Toutes ces questions triturèrent le cerveau du pauvre homme pendant cette nuit interminable. L'aube se leva sur un déluge. La couleur des champs fraîchement retournés se confondait avec celle du ciel en colère. Les yeux rougis par le manque de sommeil, le commissaire laissait défiler la campagne sans même y prêter attention. Une succession de pavillons et d'immeubles annonça bientôt l'arrivée imminente à Paris. Ici et là, de longs serpents de lumières rouges ou jaunes signalaient déjà la présence d'embouteillages sur les autoroutes menant à la capitale. Le convoi, slalomant d'aiguillages en aiguillages, s'enfonçait petit à petit jusqu'au cœur de la cité. Même en refermant sa valise, Saint Hilaire ne pouvait s'empêcher de penser à la révélation de cette nuit. Pour débuter son enquête il n'avait qu'un faible indice constitué d'un prénom et d'un nom : Monica Scalzo. Etait-ce sa véritable identité ? Il n'en savait rien. La rencontre n'était sûrement pas fortuite. Avait-il été suivi ? Monica aurait-elle couché avec lui s'il n'avait pas refusé ses avances ? A ces questions, il n'avait pour l'instant pas de réponses.

  Les quais de la gare de Lyon encadrèrent bientôt le convoi qui s'immobilisa en bout de voie. Il décida de mettre entre parenthèse les doutes et les incertitudes provoqués par cette rencontre nocturne. Le lieutenant Caramany devait l'appeler dans la matinée et il n'avait que très peu de temps pour prendre connaissance du dossier. Il préféra donc ne pas rentrer chez lui et se rendre directement au commissariat.

  En descendant du wagon, Saint Hilaire fut happé par le flot continu des voyageurs. La bousculade faisait rage sur le quai bondé, à l'abri de la grande verrière qui résonnait sous la pluie.

  A une centaine de mètres du hall des arrivées, le commissaire aperçut un « comité d'accueil » suspect. Son flair détecta immédiatement les policiers en tenue civile. L'Inspection générale des services avait dû travailler tard cette nuit. Des recherches sur les appels passés dans les cabines téléphoniques du quartier où avait disparu le fuyard, avaient déjà dû les conduire jusqu'à son numéro de téléphone portable. En marquant un temps d'arrêt, il se fit immédiatement bousculer par la personne qui le suivait. Très rapidement la foule s'écarta de lui comme le courant d'une rivière contourne le rocher. Suivre ces policiers reviendrait inévitablement à perdre son temps en palabres, durant toute la journée. Plutôt que de rendre des comptes, il préférait agir au plus vite. Il ne voulait pas manquer son rendez-vous avec Caramany. Saint Hilaire fit volte-face et rebroussa chemin pour atteindre la première bouche de métro qui s'offrait à lui depuis le quai. Il descendit rapidement les escaliers. Il sauta dans la première rame et prit place sur un siège côté fenêtre. La chenille mécanique s'enfonça dans le tunnel noir. A cet instant, et grâce au jeu des lumières, son visage se refléta dans la glace. Il n'avait pas pris le soin de se raser dans le train. Son image l'effraya. Ses traits tirés, le teint blafard et l'accentuation des rides de son front le vieillissaient d'au moins dix ans. Malgré le bercement du wagon et la chaleur ambiante, les yeux de Saint Hilaire restaient imperturbablement ouverts. L'espoir de revoir sa femme agissait comme une drogue tenant son esprit en éveil, même s'il ne disposait pour l'heure d'aucun élément sérieux qui permette de la retrouver. Il se remettait à envisager toutes les hypothèses. L'enlèvement crapuleux ? Pourquoi pas ? C'était peut-être le motif le plus sérieux depuis que Monica Scalzo était apparue dans le train. Il recevrait probablement une demande de rançon. Pourquoi les ravisseurs avaient-ils attendu si longtemps avant de se signaler ? Depuis longtemps, il avait envisagé cette possibilité. Au cours de sa carrière, il s'était forcément créé des ennemis dans le grand banditisme. Peut-être lui faisait-on payer son excès de zèle ? De plus, cette thèse lui évitait de penser à l'autre éventualité, celle où sa femme l'aurait plaqué pour un autre. Dans ses longs moments de déprime, il préférait honteusement l'imaginer ligotée au fond d'une cave plutôt que dans les bras d'un gigolo.

  Quand la rame sortit de terre, de grosses gouttes glissèrent sur les vitres, brouillant la vue qui s'offrait aux voyageurs. Les six wagons roulaient sur le pont métallique qui longeait le boulevard de Rochechouart. Barbès offrait le visage des jours tristes et Montmartre s'était retiré dans les nuages. Des grues enjambaient les décombres de vieux immeubles pour clandestins. Elles reconstruisaient le nouveau Paris, repoussant la pauvreté bien loin au-delà de ses portes. Son téléphone redevint accessible aux réseaux et se mit aussitôt à sonner. Saint Hilaire sursauta. Le message inscrit sur l'écran était des plus dépouillés : RDV planque du Grec dans 2H00 L.C.. Caramany n'était pas prudent d'utiliser son téléphone portable, pensa-t-il, il aurait dû continuer à se servir des cabines publiques. Si Wuenheim avait mis tous les moyens pour le retrouver, il devait être en mesure de repérer ainsi le secteur où orienter les recherches.

  Le temps était donc compté. Le commissaire descendit à la station Blanche et rejoignit en quelques minutes la rue Ballu. Il prit soin de regarder les véhicules stationnés devant son commissariat. Ne remarquant aucune voiture étrangère à son service, il s'enfila dans l'allée privée et pénétra dans le bâtiment. L'accueil se trouvait au premier étage, le rez-de-chaussée étant entièrement consacré aux cellules. Les marches en bois grincèrent sous son pas. Ce bruit familier lui apporta la douce sensation d'être enfin rentré à la maison. Voilà d'où venait son malheur. Il confondait trop souvent son lieu de travail et son domicile.

  Claire, l'hôtesse d'accueil, discutait avec une vieille grand-mère, habituée des lieux. Cette dernière venait systématiquement dénoncer un voisin, un passant ou un automobiliste pour une quelconque incivilité. Peu importait le sujet. Ce qui comptait pour cette pauvre dame esseulée, c'était l'écoute que lui offrait
sa charmante interlocutrice. Saint Hilaire tenta de franchir incognito le hall d'accueil. L'œil aguerri de Claire reconnut son patron malgré ses vêtements humides et sa barbe naissante. Elle s'arracha immédiatement de sa chaise et mit un terme à sa conversation par une courte phrase d'excuse, accompagnée d'un sourire contraint. Le commissaire ne s'arrêta pas pour autant mais se sachant repéré, amorça la conversation :

  – Bonjour, Claire ! Quoi de neuf en mon absence ?

  – Bonjour, patron ! Nous avons eu la visite...

  – ... de l'I.G.S. ! la coupa-t-il. Je sais tout cela. Quoi d'autre ?

  – Depuis ce matin, tout le gratin de la direction veut vous parler. Le téléphone n'arrête pas de sonner. J'ai au moins une quinzaine de messages, déclara-t-elle en tendant une multitude de « Post-it ».

  Saint Hilaire pénétra dans son bureau et jeta sa veste sur le portemanteau.

  – Le commissaire divisionnaire Pupillin exige que vous l'appeliez en premier. Il a dit que c'était très urgent. Le commissaire Wuenheim de l'I.G.S. veut que vous le contactiez immédiatement.

  Claire ajouta sans reprendre sa respiration :

  – Celui-là, ce n'est pas un commode, si je peux me permettre ! Avec lui, on ne doit pas rire tous les jours !

  – Ma fille vit avec lui depuis un an ! lâcha Saint Hilaire en enlevant sa paire de chaussures.

  L'hôtesse, gênée, stoppa net son flot de paroles. Malgré tout, elle venait de recevoir une information qu'elle pourrait retransmettre avec fierté à la machine à café du commissariat. Pressé, le policier éjecta Claire de son bureau en lui confiant la mission d'avertir le major Léognan de son arrivée. Puis il ferma la porte à clef et s'occupa de remettre de l'ordre dans son apparence physique.

  ***

  Les analyses génétiques avaient été ordonnées d'urgence par Wuenheim. Les résultats tombèrent en tout début de matinée. Ils étaient sans appel. Les tests confirmaient les conclusions de l'autopsie pratiquée par Eve Saint Hilaire. Le cadavre découvert dans la cave de Caramany était bien celui de la mère du médecin légiste. Le chef de l'Inspection générale des services était encore sous le choc de cette annonce. Assis dans son bureau feutré, il avait quitté sa compagne après l'avoir forcée à prendre des tranquillisants. Elle n'avait pas tardé à sombrer dans un sommeil profond. Même endormi, son visage était encore sujet à des tremblements de paupières et à des mouvements de bouche disgracieux. Eve venait de découper sa propre mère. Elle avait extirpé les entrailles du ventre qui l'avait conçue. Elle avait découpé la tête de sa génitrice et charcuté son cerveau. Comment pourrait-elle vivre avec pareil souvenir ? se demandait Wuenheim. Comment surmonterait-elle cette mise en bière sordide ?

 

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