Et pourquoi pas la haie de geysers les obélisques des heures le cri lisse des nuages la mer en écart vert pâle fienté d’oiseaux vauriens et l’espérance roulant ses billes sur les faîtes et entrefaîtes des maisons et les déchirures en dorades des surgeons bananiers
in the top branches of the sun on the stubbed heart of mornings on the acrid canvas of the sky a day of chalk of falcon of rain and acacia on a portulan of primeval islands shaking their salt hair interposed by fingers of masts in every hand to every purpose beneath the batting of an eyelash of chance with its shadow sung delights an assassin clad in rich and calm muslins like a chant of hard wine
dans les hautes branches du soleil sur le cœur heurté des matins sur le tableau âcre du ciel un jour de craie de faucon de pluie et d’acacia sur un portulan d’îles premières secouant leurs cheveux de sel interjetés de doigts de mâts en toute main à toute fin sous le battement de cil du hasard aux délices chantées d’ombre un assassin vêtu d’étamines riches et calmes comme un chant de vin dur
Poem for the Dawn
Poème pour l’aube
the ardors of living flesh
in the outspread summers of the cerebral cortex
have flogged the contours of the earth
les fougues de chair vive
aux étés éployés de l’écorce cérébrale
ont flagellé les contours de la terre
the rhamphorhynchi* in the sarcasm of their tails
take to the wind
the wind that no longer has a sword
les ramphorinques dans le sarcasme de leur queue
prennent le vent
le vent qui n’a plus d’épée
the wind that is no more now than a pole for gathering the fruits of all the seasons of the sky
hands open
hands green
le vent qui n’est plus qu’une gaule à cueillir les fruits de toutes les saisons du ciel
mains ouvertes
mains vertes
for the beautiful feasts of anhydridic functions
delightful dusks will snow onto the severed hands of breathing memories
and behold
on the desperate Orinoco rhagades* of our lips
pour les fêtes belles des fonctions anhydrides
il neigera d’adorables crépuscules sur les mains coupées des mémoires respirantes
et voici
sur les rhagades de nos lèvres d’Orénoque désespéré
the blissful tenderness of islands rocked by the adolescent breast of the sources of the sea
and in the air and the bread ever reborn from muscular efforts
the irresistible dawn open under the leaf
claritous as the thorny pluck of belladonnas
l’heureuse tendresse des îles bercées par la poitrine adolescente des sources de la mer
et dans l’air et le pain toujours renaissant des efforts musculaires
l’aube irrésistible ouverte sous la feuille
telle clarteux l’élan épineux des belladones
Visitation
Visitation
oh surge without number without dust harbinger of every vinous word
surge and my chest salted by the coves of ancient days and the youthful color
tender on the breasts of the sky and of women electric with what diamonds
ô houle annonciatrice sans nombre sans poussière de toute parole vineuse
houle et ma poitrine salée des anses des anciens jours et la jeune couleur
tendre aux seins du ciel et des femmes électriques de quels diamants
eruptive forces trace your orbs
telepathic communications resume through recalcitrant matter
messages of love strayed to the four corners of the world return to us rekindled
by the carrier pigeons of sidereal circulation
forces éruptives tracez vos orbes
communications télépathiques reprenez à travers la matière réfractaire
messages d’amour égarés aux quatre coins du monde revenez-nous ranimés
par les pigeons voyageurs de la circulation sidérale
as for me I have nothing to fear I am from before Adam I arise neither from the same lion
nor from the same tree I am from a different hot and a different cold
oh glimmerings oh dews oh springs oh serpents oh debris of cities of stars
my childhood firefly milk and reptile quivering
pour moi je n’ai rien à craindre je suis d’avant Adam je ne relève ni du même lion
ni du même arbre je suis d’un autre chaud et d’un autre froid
ô lueurs ô rosées ô sources ô couleuvres ô débris de villes d’étoiles
mon enfance lait de luciole et frisson de reptile
but already the vigil was straining toward the star and the postern and we were fleeing
across an arched sea incredibly planted with shipwrecked sterns toward a
shore where I was welcomed by a rustic people penetrators of forests with wrought-iron
boughs in their hands—the comradely sleep on the jetty—the blue dog of
metamorphosis the white bear of icebergs and Your truly wild disappearance
tropical as an apparition of a nocturnal wolf at high noon
mais déjà la veille s’impatientait vers l’astre et la poterne et nous fuyions
sur une mer cambrée incroyablement plantée de poupes de naufrages vers une
rive où m’attendait un peuple agreste et pénétreur de forêts avec aux mains
des rameaux de fer forgé – le sommeil camarade sur la jetée – le chien bleu de
la métamorphose l’ours blanc des icebergs et Ta très sauvage disparition
tropicale comme une apparition de loup nocturne en plein midi
Bateke
Batéké
with your flour-covered body where mahogany oil pumps the precious gears of your
tidal eyes
with your crocus sex
de ton corps farineux où pompe l’huile acajou des rouages précieux de tes
yeux à marées
de ton sexe à crocus
with your body with your nocturnal serpent sex with rivers and with huts
with your general’s saber sex
with the astronomical clock of your venomous sex
de ton corps de ton sexe à serpents nocturnes de fleuves et de cases
de ton sexe de sabre de général
de l’horlogerie astronomique de ton sexe à venin
with your millet body with honey with pestle with pounder
with Attila of the year 1000 helmeted with algae with love and with crime
by broad strokes of a sisal sword with your untamed arms
de ton corps de mil de miel de pilon de pileuse
d’Attila de l’an mil casqué des algues de l’amour et du crime
à larges coups d’épée de sisal de tes bras fauves
by great untamed blows with your free arms with the kneading of love to your liking bateke
with your arms of fenced goods and gifts that strike with clarity the blind bird-bathed spaces
into the woody hollow of the infantile swell of your breasts I proffer the young shoot of the great bombax*
born of your sex from which hangs liberty’s fragile fruit
à grands coups fauves de tes bras libres de pétrir l’amour à ton gré batéké
de tes bras de recel et de don qui frappent de clairvoyance les espaces aveugles baignés d’oiseaux
je profère au creux ligneux de la vague infantile de tes seins le jet du grand mapou
né de ton sexe où pend le fruit fragile de la liberté
Perdition
Perdition
we will strike the new air with our armor-plated heads
we will strike the sun with our wide-open palms
we will strike the soil with the bare foot of our voices
nous frapperons l’air neuf de nos têtes cu
irassées
nous frapperons le soleil de nos paumes grandes ouvertes
nous frapperons le sol du pied nu de nos voix
male flowers will sleep in coves of mirrors
and even the armor of trilobites
will sink in the half-light of forever
les fleurs mâles dormiront aux criques des miroirs
et l’armure même des trilobites
s’abaissera dans le demi-jour de toujours
onto tender breasts swollen with milk mines
and will we not cross the porch
the porch of perditions?
sur des gorges tendres gonflées de mines de lait
et ne franchirons-nous pas le porche
le porche des perditions ?
a vigorous road with veiny jaunders
warm
where the buffaloes of irrepressible angers bound
un vigoureux chemin aux veineuses jaunissures
tiède
où bondissent les buffles des colères insoumises
runs
full-tilting the ripe tornadoes
in the tolling balisiers* of crepuscular riches
court
avalant la bride des tornades mûres
aux balisiers sonnants des riches crépuscules
Survival
Survie
I conjure you
pathetic plantain tossing my naked heart in the psalmodic daylight
I conjure you
Je t’évoque
bananier pathétique agitant mon cœur nu dans le jour psalmodiant
je t’évoque
old hougan* of nocturnally deaf mountains
only the night before the last one
and its rumblings of boredom knocking on the insane postern of buried cities
vieux hougan des montagnes sourdes la nuit
juste la nuit qui précède la dernière
et ses roulements d’ennuis frappant à la poterne folle des villes enfouies
but this is only the prelude to forests on the march to the bloody neck of the world
it is my singular hatred
deriving its icebergs in the breath of real flames
mais ce n’est que le prélude des forêts en marche au cou sanglant du monde
c’est ma haine singulière
dérivant ses icebergs dans l’haleine des vraies flammes
give me
ah give me the immortal eye of amber
and of shadows and of granite-quarried tombs
donnez-moi
ah donnez-moi l’œil immortel de l’ambre
et des ombres et des tombes en granit équarri
for the ideal barrier of damp planes and aquatic grasses
will listen in the green zones
the interpreters of oblivion knotting and unknotting
car l’idéale barrière des plans moites et les herbes aquatiques
écouteront aux zones vertes
les truchements de l’oubli se nouant et se dénouant
and the roots of the mountain
raising the royal line of the almond trees of hope
will blossom by the paths of flesh
et les racines de la montagne
levant la race royale des amandiers de l’espérance
fleuriront par les sentiers de la chair
(the sickness of living passing over like a storm)
while at the sign of the sky
a fire of gold will smile
at the ardent song of my body in flames
(le mal de vivre passant comme un orage)
cependant qu’à l’enseigne du ciel
un feu d’or sourira
au chant ardent des flammes de mon corps
Beyond
Au delà
from the depth of the furious piling up of appalling dreams
new dawns were
rising
d’en bas de l’entassement furieux des songes épouvantables
les aubes nouvelles
montaient
rolling their free lion cub heads
nothingness denied what I was seeing by the fresher
light of my shipwrecked eyes
roulant leurs têtes de lionceaux libres
le néant niait ce que je voyais à la lumière plus
fraîche de mes yeux naufragés
but—sirens sounding from stifled power—
the hunger of wasted hours vexed the fierce eagle
of blood
mais – des sirènes sifflant de puissance sourde –
la faim des heures manquées agaça l’aigle farouche
du sang
arms too short lengthened into flames
desires burst forth as violent pit-gas in the gloom
of cowardly hearts
les bras trop courts s’allongèrent de flammes
les désirs éclatèrent en grisou violent dans la ténèbre
des cœurs lâches
the weight of dream teetered in the freebooting wind
—wonder of sweet apples for the birds in the branches—
and reconciled bands shared the riches in
the hand of a woman assassinating the day
le poids du rêve bascula dans le vent des flibustes
– merveille de pommes douces pour les oiseaux des branches –
et des bandes réconciliées se donnèrent richesse dans
la main d’une femme assassinant le jour
The Miraculous Weapons
Les armes miraculeuses
The great machete blow of red pleasure full in the face there was blood and that tree called flamboyant and which never deserves its name more than on the eve of cyclones and of sacked cities the new blood the red reason all words in all tongues that mean to die of thirst and alone when dying tasted of bread and the earth and the sea tasted of ancestor and that bird shrieking at me not to surrender and the patience of howls at each detour of my tongue
Le grand coup de machete du plaisir rouge en plein front il y avait du sang et cet arbre qui s’appelle flamboyant et qui ne mérite jamais mieux ce nom-là que les veilles de cyclone et de villes mises à sac le nouveau sang la raison rouge tous les mots de toutes les langues qui signifient mourir de soif et seul quand mourir avait le goût du pain et la terre et la mer un goût d’ancêtre et cet oiseau qui me crie de ne pas me rendre et la patience des hurlements à chaque détour de ma langue
the finest arch and which is a spurt of blood
the finest arch and which is a lilac ring about the eye
the finest arch and which is called night
and the anarchistic beauty of your crossed arms
and the eucharistic beauty and which blazes from your sex in the name of which I hailed the barrage with my violent lips
la plus belle arche et qui est un jet de sang
la plus belle arche et qui est un cerne lilas
la plus belle arche et qui s’appelle la nuit
et la beauté anarchiste de tes bras mis en croix
et la beauté eucharistique et qui flambe de ton sexe au nom duquel je saluais le barrage de mes lèvres violentes
There was the beauty of minutes which are marked-down trinkets from the bazaar of cruelty the sun of minutes and their pretty wolf snouts which hunger drives from the woods the red cross of minutes which are moray eels on their way to breeding grounds and the seasons and the immense fragilities of the sea which is a mad bird nailed fire to the gate of carriage lands there were to the point of fear as with the July report of the toads of hope and despair pruned from stars over waters where the fusion of days guaranteed by borax justifies the gestant night-lights the fornications of grass not to be observed without precaution the copulations of water reflected by the mirror of magi the marine beasts to be taken in the hollow of pleasure the assaults of vocables all gun ports smoking in order to celebrate the birth of the male heir simultaneously with the apparition of sidereal prairies on the flank of the volcanic pouch of guavas of silent flotsam t
he great mute park with its silurian enlargement of mute games in the unpardonable distresses of the flesh of battle according to the ever-to-be adjusted dosage of germs to be destroyed
Il y avait la beauté des minutes qui sont les bijoux au rabais du bazar de la cruauté le soleil des minutes et leur joli museau de loup que la faim fait sortir du bois la croix-rouge des minutes qui sont les murènes en marche vers les viviers et les saisons et les fragilités immenses de la mer qui est un oiseau fou cloué feu sur la porte des terres cochères il y avait jusqu’à la peur telles que le récit de juillet des crapauds de l’espoir et du désespoir élagués d’astres au-dessus des eaux là où la fusion des jours qu’assure le borax fait raison des veilleuses gestantes les fornications de l’herbe à ne pas contempler sans précaution les copulations de l’eau reflétées par le miroir des mages les bêtes marines à prendre dans le creux du plaisir les assauts de vocables tous sabords fumants pour fêter la naissance de l’héritier mâle en instance parallèle avec l’apparition des prairies sidérales au flanc de la bourse aux volcans d’agaves d’épaves de silence le grand parc muet avec l’agrandissement silurien de jeux muets aux détresses impardonnables de la chair de bataille selon le dosage toujours à refaire des germes à détruire
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 12