scolopendra scolopendra
until the eyelid of dunes over forbidden cities punished by the anger of God
scolopendra scolopendra
scolopendre scolopendre
jusqu’à la paupière des dunes sur les villes interdites frappées de la colère de Dieu
scolopendre scolopendre
until the crackling and grave defeat that drives dwarf cities to take command of the most fiery horses when in the thick of the sand the cities raise
their portcullis over the unknown forces of the flood
scolopendra scolopendra
jusqu’à la débâcle crépitante et grave qui jette les villes naines à la tête des chevaux les plus fougueux quand en plein sable elles lèvent
leur herse sur les forces inconnues du déluge
scolopendre scolopendre
crest crest cyma unfurl unfurl like a saber a fur inlet a village
asleep on its piling legs and saphenas of tired water
in a moment there will occur the rout of silos sniffed close up
crête crête cimaise déferle déferle en sabre crique fourrure en village
endormi sur ses jambes de pilotis et des saphènes d’eau lasse
dans un moment il y aura la déroute des silos flairés de près
the well-faced chance of a mounted condottiere armored in artesian puddles and the little spoons of libertine roads
face of wind
face uterine and lemurian with fingers dug into coins and chemical nomenclature
le hasard face de puits de condottiere à cheval avec pour armure les flaques artésiennes et les petites cuillers des routes libertines
face de vent
face utérine et lémure avec des doigts creusés dans les monnaies et la nomenclature chimique
and flesh shall turn over its great plantain leaves that the wind of dives outside the stars signaling the backward march of the night’s wounds toward the deserts of childhood will pretend to read
in an instant there will be blood shed where the glowworms pull their little electric lamp-chains to celebrate the Compitalia*
et la chair retournera ses grandes feuilles bananières que le vent des bouges hors les étoiles qui signalent la marche à reculons des blessures de la nuit vers les déserts de l’enfance feindra de lire
dans un instant il y aura le sang versé où les vers luisants tirent les chaînettes des lampes électriques pour la célébration des compitales
et les enfantillages de l’alphabet des spasmes qui fait les grandes ramures de l’hérésie ou de la connivence
and the childish tricks of the alphabet of spasms that constitutes the great boughs of heresy or complicity
there shall be the indifference of the ocean liners of silence that furrow
il y aura le désintéressement des paquebots du silence qui sillonnent
jour et nuit les cataractes de la catastrophe aux environs des tempes savantes en transhumance
day and night the cataracts of catastrophe in the region of human temples wise in seasonal migration
and the sea will roll back its tiny falcon eyelids and you will try to grasp the moment the great feudal lord will ride through his fief at the speed of fine gold of desire along the neuron roads look at the birdie if it has not swallowed the stole the great king bewildered in the hall full of stories will adore his very pure hands his hands raised to the corner of disaster then the sea will once again feel very small be sure to sing out so as not to extinguish the morale that is the obsidianal coin of cities deprived of water and sleep then the sea will very softly spill the beans and the birds will very softly sing in the see-saws of salt the Congolese cradle-song that the old troopers untaught me but that the very pious sea of cranial boxes preserves in its ritual leaves
et la mer rentrera ses petites paupières de faucon et tu tâcheras de saisir le moment le grand feudataire parcourra son fief à la vitesse d’or fin du désir sur les routes à neurones regarde bien le petit oiseau s’il n’a pas avalé l’étole le grand roi ahuri dans la salle pleine d’histoires adorera ses mains très nettes ses mains dressées au coin du désastre alors la mer rentrera dans ses petits souliers prends bien garde de chanter pour ne pas éteindre la morale qui est la monnaie obsidionale des villes privées d’eau et de sommeil alors la mer se mettra à table tout doucement et les oiseaux chanteront tout doucement dans les bascules du sel la berceuse congolaise que les soudards m’ont désapprise mais que la mer très pieuse des boîtes craniennes conserve sur ses feuillets rituels
scolopendra scolopendra
scolopendre scolopendre
until the cavalcades sow their wild oats in the saline meadows of abysses their ears filled with human humming rich in prehistory
scolopendra scolopendra
for as long as we have not reached the stone without a dialect the leaf without a dungeon the frail water without a femur the serous peritoneum of springhead evenings
jusqu’à ce que les chevauchées courent la prétentaine aux prés salés d’abîmes avec aux oreilles riche de préhistoire le bourdonnement humain
scolopendre scolopendre
tant que nous n’aurons pas atteint la pierre sans dialecte la feuille sans donjon l’eau frêle sans fémur le péritoine séreux des soirs de source
The Irremediable
L’irrémédiable
My great wounded statue a stone to the forehead my great flesh inattentive by day to pitiless seeds my great nocturnal day-seed flesh my night that is a forest of scimitars at the surface of the haystack of the summer of desire my great wellspring sprouted from unexpected ancestors from unexpected flesh whose every pore is a nest of swallows a loophole an america all the women who slumbered at the bottom of the subterranean corridor took to the road with their herbaceous walking-sticks
Ma grande statue blessée une pierre au front ma grande chair inattentive de jour à grains sans pitié ma grande chair de nuit à grain de jour ma nuit qui êtes une forêt de yatagans au fil de la meule de l’été du désir ma grande source germée d’ancêtres inattendus de chairs inattendues dont chaque pore est un nid d’hirondelles une meurtrière une1 amérique toutes les femmes qui sommeillaient au fond du souterrain ont pris la route avec leur bâton d’herbe
It’s all over Beautiful as the day that has only three days’ worth of provisions in the holds of the future
Well and truly as though lit cicindella blue the red sea urchin of the yes in the citadel without hope of virgin water and of fermenting words
Well and truly as the shark to whom I signalled and whom I caress with puerile segments (too rapid thinkers of the water of life atlantic and royal)
C’en est fait Beau comme le jour qui n’a plus que trois jours de vivres dans les soutes de l’avenir
Bel et bien comme éclairé bleu de cicindelle l’oursin rouge du oui dans la citadelle sans espoir de l’eau vierge et des paroles qui fermentent
Bel et bien comme le requin auquel je fais signe et que je caresse par tronçons puérils (penseurs trop vite de l’eau de vie atlantique et royale)
In the water in the water my basuto* image playing an agrarian game of serpent and water in the water in the water well and truly the closest of your body to a dozen million light years of near words and of clear grass
In the water in the water my basuto weddings of minutes without semen without first performances without faces well and truly without bleaks lacking catastrophes paying out against the breasts of weather-stripping
Well and truly. . .
Dans l’eau dans l’eau mon image bassouto jouant au jeu agraire du serpent et de l’eau dans l’eau dans l’eau bel et bien de ton corps le plus proche à une dizaine de millions d’années-lumière de paroles proches et d’herbe claire
Dans l’eau dans l’eau mes noces bassouto de minutes sans semences sans premières sans figures bel et bien d’ablettes manquées de catastrophes filant contre les seins du calfeutrage
Bel et bien…
The wheelbarrows
full of red earth the peasant women in blue and white camisoles of dead sky are dumped dump me in conglomerates at the bottom of time into the sea of my ears then only of your eyes wealth of conger eels in the sleeping seas very far in time with no fraternal cartridge of yellow leafless night with no fishing pole autumn fishing in the eternal river of earth brown green white and wounded the climates that mount imperturbable ponies very fast outside all agriculture
Les brouettes pleines de terre rouge les paysannes en caraco bleu et blanc de ciel mort se déposent me déposent au fond du temps en conglomérats dans la mer de mes oreilles puis seulement de tes yeux richesses des congres dans les mers endormies très loin dans le temps sans cartouche fraternel de la nuit sans feuille jaune sans automne de cannes à pêche pêchant sur le fleuve éternel de la terre brune verte blanche et blessée les climats qui chevauchent des poneys imperturbables très rapides hors de toute agriculture
Well and truly of blue niger snatched by caymans
Bel et bien de niger bleu happé de caïmans
by my free body (my behemoth word among the great white boles of silence or of lie)
by the light killing clean (the vein of your neck throughout the night)
by my pure-germinated heart (my great statue of the new year in mistletoe and of the waters of forever)
de mon corps libre (ma parole béhémot entre les grands fûts blancs du silence ou du mensonge)
de la lumière tuant net (la veine de ton cou à travers la nuit)
de mon cœur germé pur (ma grande statue d’au gui l’an neuf et des eaux de toujours)
At the last stop frantic life unfolded before which the highest serenity and the hottest passion cease to exclude one another hands held out and hollows fleshy and green for the harvest (at term) of the vortex of furious and allied flames in the name of which Hope and Despair sharpen their tears then place them back in their sheath so as not to wound themselves
Au terminus la vie éperdue déployée devant laquelle cessent de s’exclure la plus haute sérénité et la plus chaude passion mains tendues et creuses charnelles et vertes pour la moisson (au terme) du vortex de flammes furibondes et alliées au nom duquel aiguisent leurs larmes puis les rentrent au fourreau pour ne pas se blesser l’Espoir et le Désespoir
It’s all over: words have lost their fishbones words are polished for needlessly words avoid vexing themselves words play at a harvest where there is no place either for vanquished or victor
C’en est fait : les mots ont perdu leurs arêtes les mots sont polis car sans besoin les mots évitent de se froisser les mots jouent une moisson où il n’y a de place ni pour vaincu ni pour vainqueur
Words surpass themselves that’s fine toward a heaven and an earth that high and low do not permit diversion it’s all over too with the old geography: waterway maps inclining toward even high lands their sleighs of greenish reindeers grazing on palm trees and star apples on the contrary a curiously breathable terracing is created real but on the level On the gaseous level of the organism solid and liquid white and black day and night
Les mots se dépassent c’est bien vers un ciel et une terre que le haut et le bas ne permettent pas de distraire c’en est fait aussi de la vieille géographie : plans d’eau inclinant vers les terres même hautes leurs traîneaux de rennes verdâtres paisseurs de palmiers et de caïmitiers au contraire un étagement curieusement respirable s’opère réel mais au niveau Au niveau gazeux de l’organisme solide et liquide blanc et noir jour et nuit
Of course some revolutionary details shot up the calendar
Great mad ship unmasted mad in the hall of my shipwrecks forest laid out on your coal flanks—all the canvases short of oxygen at the windows of the shipwreck and of irresistible wellsprings—bespangled gods in the sand welcoming to the communal table and sweet algae the grand wised-up gestures of the drowned who build for me our faces by force of captured cities
Bien entendu quelques détails révolutionnaires ont troué le calendrier
Grand navire fou démâté fou dans la salle de mes naufrages forêt couchée sur tes flancs de houille – toutes les toiles à court d’oxygène aux fenêtres du naufrage et des sources irrésistibles – les dieux en paillettes dans le sable accueillent à table d’hôte et d’algues douces les grands gestes dessalés des noyés qui me bâtissent nos figures à coup de villes prises
It’s all over: the barge of the sun on your neck which for 1000 mornings has burned its landing stages
It’s all over at the first whistle of the guard and the angels the drydock harbor will come running its pockets full of the glory of God
It’s all over: the stinking treason of the earth closing gently downward the urinary mist of the padlock with its chains and its friendship clear as the tear where my scandalous face shall not hide itself
C’en est fait : la barge du soleil sur ton cou qui depuis 1000 matins brûle ses débarcadères
C’en est fait au premier coup de sifflet de la garde et des anges le bassin de radoub accourra ici les poches pleines de la gloire de Dieu
C’en est fait : la trahison puante de la terre fermant en pente douce le brouillard urinaire du cadenas de ses chaînes et de son amitié claire comme la larme où ne se cachera pas ma face de scandale
It’s all over: the giraffe-necked lacuna the pendulum-necked nonsense the ebb and flow with its face of time its face of steppes of wheat the catalyser tasting of river and destiny the sandal of the wind whispered in the ear the word that man will not break his toy just to see and you will pass through life with a great flaming cry in the whittling you will pass through the sea with a step of island and of carib (and the earth which by definition could not be a future) the offensive and the inoffensive the phalanx the phalange the baker’s wife and his little assistant very well will undo very well the words very well the knots of strangulation
C’en est fait : la lacune à cou de girafe la baliverne à cou pendulaire le flux et le reflux à visage de temps à visage de steppes de blé la catalyse à goût de fleuve et de destin la sandale du vent à l’oreille murmuré le mot que l’homme ne cassera plus son joujou pour y voir et tu traverseras la vie d’un grand cri de flamme dans le copeau tu traverseras d’un pas d’île et de caraïbe la mer (et la terre qui par définition ne saurait être avenir) l’offensive et l’inoffensive la phalange la phalangine la boulangère et le petit mitron très bien défont très bien les mots très bien les nœuds de strangulation
At the last stop that I obstinately call “The Levee”* Love lapping its blood fortified by its own tearings and non-dangerous colostrum of the necessary and futile Encounter yes Love completing its tissue denied by new cells (cancer of life and of survival) Love bread-fruit of minutes Love banyan tree of seconds with just in between the great un-measured hours the three strokes henceforth absurd of the alarm clock—memory of ancient disharmony always atrocious—as though to recall from time to time the new nobility to rupestrine modesty and to still warn that the least reticence is fragile in hearts of iron of blood of glass: the True Hearts
Au terminus que je m’obstine à appeler « La Levée » l’Amour lapant son sang fortifié par ses propres déchirures et le colostrum non dangereux de la Rencontre nécessaire et futile oui l’Amour complétant son tissu nié par de nouvelles cellules (cancer de vie et de survie) l’Amour arbre-à-pain des minutes l’Amour banian des secondes avec juste entre les grandes heures dé-mesurées les trois coups désormais saugrenus de la cloche des alarmes – souvenir de l’ancienne inharmonie atroce toujours – comme pour rappeler de loin en loin la nouvelle noblesse à la modestie rupestre et avertir encore que la moindre réticence est fragile aux cœurs de fer de sang de verre : les Vrais Cœurs
* * *
1. We have made two corrections to probable typographic errors in this poem : “à grain de jour” for unaccented “a” and “une amérique” since “amérique” is always feminine in French.
Night Tom-Tom
Tam-tam de nuit
file of okapis quick to we
ep the river with fleshy fingers
digs in the hair of stones a thousand moons revolving mirrors
a thousand diamond bites a thousand tongues lacking fever prayer
intertwinings of a hidden bow towed by stone hands
tickling the shade of dreams plunged into the simulacra of the sea
train d’okapis facile aux pleurs la rivière aux doigts charnus
fouille dans le cheveu des pierres mille lunes miroirs tournants
mille morsures de diamants mille langues sans oraison fièvre
entrelacs d’archet caché à la remorque des mains de pierre
chatouillant l’ombre des songes plongés aux simulacres de la mer
Water Woman
Femme d’eau
oh spears of our wine-pure bodies
toward the water woman passed over to the other side of herself
to sylvas of softened medlars
ô lances de nos corps de vin pur
vers la femme d’eau passée de l’autre côté d’elle-même
aux sylves des nèfles amollies
horse corrupted horse horse of living water
fatal fall of warm grapefruit
on the novice cletch of heavens
cheval cheval corrompu cheval d’eau vive
tombée fatale de pamplemousses tièdes
The Complete Poetry of Aimé Césaire Page 13