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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 18

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  où prendre la fièvre montée sur 300.000 lucioles

  sans heure autre que les couteaux de jet du soleil lancés à toute volée

  autour de l’encolure des climats

  hourless except for the birds that peck at the heavenly millraces to quench their thirst-for-sleeping-in-the-deluge

  hourless except for the inconsolable blood bird that from waiting lights up in the agriculture of your eyes undoers of fair weather

  hourless except for the prodigious voice of the forests that suddenly fill their sails in the drydocks of swamp and coke

  hourless except for the low water mark of lunations in the brain accountant of peoples fed on insults and millennia

  sans heure autre que les oiseaux qui picorent les biefs du ciel pour apaiser leur soif-de-dormir-dans-le-déluge

  sans heure autre que l’inconsolable oiseau sang qui d’attendre s’allume dans l’agriculture de tes yeux à défaire le beau temps

  sans heure autre que la voix fabuleuse des forêts qui gonflent subitement leur voilure dans les radoubs du marais et du coke

  sans heure autre que l’étiage des lunaisons dans la cervelle comptable des peuples nourris d’insultes et de millénaires

  hourless except for oh! hourless except for your phlegm incorruptible

  bull

  that never snows a more healthy and deadly call

  than when wheat-spike and novena of the disaster (the true one)

  the woman

  who on her drinkable lips rocks the palanquin of the sea’s oubliettes

  from the rivulets of my bark awakens

  sans heure autre oh ! sans heure autre que ton flegme taureau

  incorruptible

  qui jamais ne neige d’appel plus salubre et mortel

  que quand s’éveille des ruisseaux de mon écorce

  épi et neuvaine du désastre (le vrai)

  la femme

  qui sur ses lèvres à boire berce le palanquin des oubliettes de la mer

  The Woman and the Knife

  La femme et le couteau

  flesh rich to the teeth shavings of loyal flesh

  burst into bits of day into bits of night into kisses of wind

  into prows of light into sterns of silence

  burst tracked-down entanglements anvils of dark flesh burst

  burst into children’s shoes into jets of silver

  burst and defy the cataphracts of the night mounted on their wild asses

  chair riche aux dents copeaux de chair sûre

  volez en éclats de jour en éclats de nuit en baisers de vent

  en étraves de lumière en poupes de silence

  volez emmêlements traqués enclumes de la chair sombre volez

  volez en souliers d’enfant en jets d’argent

  volez et défiez les cataphractaires de la nuit montés sur leurs onagres

  you birds

  you blood

  who said I shall not be there?

  not there my heart without marginal notes

  my heart-at-the-no-regrets my heart on non-secured loan

  and the high timber of sovereign rain?

  vous oiseaux

  vous sang

  qui a dit que je ne serai pas là ?

  pas là mon cœur sans-en-marge

  mon cœur-au-sans-regrets mon cœur à fonds perdus

  et des hautes futaies de la pluie souveraine ?

  numbers sacred jewels eternal snows ice cubes jousts

  there will be pollens moons seasons with hearts of bread and cowbell

  the blast furnaces of the strike and the impossible shall emit saliva bullets male choirs mitres candelabras

  o mute pandanus peopled by migrations

  o blue niles o dwarf prayers o my mother o path

  and heart spattered wild

  the greatest of thrills is still to bloom in

  vain

  nombres bijoux sacrés neiges éternelles glaçons tournois

  il y aura des pollens des lunes des saisons au cœur de pain et de clarine

  les hauts fourneaux de la grève et de l’impossible émettront de la salive des balles des orphéons des mitres des candélabres

  ô pandanus muet peuplé de migrations

  ô nils bleus ô prières naines ô ma mère ô piste

  et le cœur éclaboussé sauvage

  le plus grand des frissons est encore à fleurir

  futile

  And The Dogs Were Silent

  (Tragedy)

  Et les chiens se taisaient

  (Tragédie)

  (As the curtain slowly rises the Echo is heard.)

  (Pendant que lentement se lève le rideau on entend l’écho).

  ECHO

  Surely he is going to die the Rebel. Oh, there will be no flag not even a black one no gun salutes no ceremony. It will be very simple something that will change nothing of the apparent order but that will cause coral in the depths of the sea birds in the depths of the heavens stars in the depths of women’s eyes to crackle for the instant of a tear or the batting of an eyelash.

  L’ÉCHO

  Bien sûr qu’il va mourir le Rebelle. Oh, il n’y aura pas de drapeau même noir pas de coup de canon pas de cérémonial. Ça sera très simple quelque chose qui de l’ordre évident ne déplacera rien mais qui fait que les coraux au fond de la mer les oiseaux au fond du ciel les étoiles au fond des yeux des femmes tressailliront le temps d’une larme ou d’un battement de paupière.

  Surely he is going to die the Rebel, the best reason being that there is nothing more to be done in this crippled world: confirmed and prisoner of himself. . . he is going to die as it is written implicitly on the wind and in the sand by the hoofs of wild horses and the meanders of rivers. . .

  Bien sûr qu’il va mourir le Rebelle, la meilleure raison étant qu’il n’y a plus rien à faire dans cet univers invalide : confirmé et prisonnier de lui-même… Qu’il va mourir comme cela est écrit en filigrane dans le vent et dans le sable par le sabot des chevaux sauvages et les boucles des rivières…

  Fair game for the morgue it is not tears that befit you it is the falcons of my fists and my flinty thoughts it is my mute invocation to the gods of disaster

  Gibier de morgue ce ne sont pas des larmes qui te conviennent ce sont les faucons de mes poings et mes pensées de silex c’est ma muette invocation vers les dieux du désastre

  Blue-eyed architect

  I defy you

  beware architect for if the Rebel dies it shall not be without having made clear to everyone that you are the builder of a pestilential world

  Architecte aux yeux bleus

  je te défie

  prends garde à toi architecte car si meurt le Rebelle ce ne sera pas sans avoir fait clair pour tous que tu es le bâtisseur d’un monde de pestilence

  architect beware

  who crowned you? In what night did you exchange the compass for the dagger?

  architecte prends garde à toi

  qui t’a sacré ? En quelle nuit as-tu troqué le compas contre le poignard ?

  architect deaf to things clear as the tree but enclosed like armor each of your steps is a conquest and a spoliation and a misconception and an assassination

  architecte sourd aux choses clair comme l’arbre mais fermé comme une cuirasse chacun de tes pas est une conquête et une spoliation et un contresens et un attentat

  Surely he is going to leave this world the Rebel your world of rape where the victim is by your grace a brute and an infidel

  architect Orcus without portal or star without wellspring or orientation

  architect of the peacock tail of the cancer step of the blue mushroom and steel word

  beware

  Bien sûr qu’il va quitter le monde le Rebelle ton monde de viol où la victime est par ta grâce une brute et un impie

  architecte Orcus sans porte et sans étoile sans source et sans orient

  architecte à la queue de paon au pas de cancer à la parole bleue de champignon et d’acier pren
ds garde à toi

  (The curtain is raised).

  (In the barathrum of terror, a vast collective prison populated by black candidates for madness and death; the thirtieth day of famine, torture and delirium).

  (Silence).

  (Le rideau est levé).

  (Dans la barathre des épouvantements, vaste prison collective, peuplée de nègres candidats à la folie et à la mort ; jour trentième de la famine, de la torture et du délire).

  (Un silence).

  NARRATRESS

  Go home young women; play-time is over; the orbits of death thrust fulgurating eyes through the pale mica.

  LA RÉCITANTE

  Rentrez chez vous jeunes filles ; il n’est plus temps de jouer ; les orbites de la mort poussent des yeux fulgurants à travers le mica blême.

  FIRST MADWOMAN (seriously)

  Is that a riddle?

  PREMIÈRE FOLLE (sérieuse)

  c’est une devinette ?

  NARRATOR

  the season of burning stars is now at hand.

  LE RÉCITANT

  c’est la saison des étoiles brûlantes qui commence.

  SECOND MADWOMAN (laughing)

  Ah, it’s a story.

  DEUXIÈME FOLLE (riant)

  Ah, c’est un conte.

  THE CHORUS (menacingly)

  The island stiffens its venomous spider legs over the muck of the barracoons.

  LE CHŒUR (menaçant)

  L’île raidit ses pattes d’araignée venimeuse sur la gadoue des barracoons.

  FIRST MADWOMAN

  shame, shame.

  PREMIÈRE FOLLE

  hou, hou.

  SECOND MADWOMAN

  shame, shame.

  DEUXIÈME FOLLE

  hou, hou.

  NARRATOR

  young women, respect the strangers who pass by in the rich ruts of dusk.

  (The madwomen step aside)

  LE RÉCITANT

  jeunes filles, respectez les étrangers qui passent sur les riches ornières du crépuscule.

  (Les folles s’écartent).

  THE BELOVED

  Embrace me: life is here, out of its tatters the banana tree polishes its violet sex; a speck of dust sparks, it’s the fur of the sun, a lapping of red leaves, it’s the forest’s mane . . . my life surrounded by threats of life, by promises of life.

  L’AMANTE

  Embrasse-moi : la vie est là, le bananier hors des haillons lustre son sexe violet ; une poussière étincelle, c’est la fourrure du soleil, un clapotis de feuilles rouges, c’est la crinière de la forêt… ma vie est entourée de menaces de vie, de promesses de vie.

  THE REBEL

  O death in which hunger ceases to gnaw, o soft bite, two black children on your door sill are without parents, fat death two skinny children holding hands on your door sill are crepuscular and barely alive.

  LE REBELLE

  Ô mort où la faim n’avarie, ô dent douce, deux enfants noirs sur ton seuil ils sont sans parentage, mort grasse deux enfants maigres se tenant par la main sur ton seuil, ils sont crépusculaires et faillis.

  THE BELOVED

  O sea, o undertow, o herd of flames full of fury, spread your seed before my untouched feet.

  L’AMANTE

  Ô mer, ô ressac, ô troupeau de flammes furibondes, moutonnez vos semences à mes pieds intouchés.

  THE REBEL

  O death two black children in your sun, be peaceful and warm to them, o death devourer of pigment, great equalizer, great just one without sheriff or policeman, great encircler, great luller of brothers.

  LE REBELLE

  Ô mort deux enfants noirs dans ton soleil, sois-leur tranquille et tiède, ô mort dévoreuse de pigments, grande égale grande juste sans sherif ni gendarme, grande enrouleuse, grande endormeuse de frères.

  THE BELOVED

  Embrace me, this hour is beautiful; what is beauty if not this full measure of threats that the innocent batting of an eyelash mesmerizes and lures into impotence? . . .

  L’AMANTE

  Embrasse-moi, l’heure est belle ; qu’est-ce que la beauté sinon ce poids complet de menaces que fascine et séduit à l’impuissance le battement désarmé d’une paupière ?…

  THE REBEL

  what is beauty if not the lacerated poster of a smile on the thunderstruck door of a face? What is dying if not the stony face of discovery, the voyage beyond the calendar and beyond the color on the other side of the sun?

  LE REBELLE

  qu’est-ce la beauté sinon l’affiche lacérée d’un sourire sur la porte foudroyée d’un visage ? Qu’est-ce mourir sinon la face pierreuse de la découverte, le voyage hors de la semaine et de la couleur à l’envers du soleil ?

  THE BELOVED

  Slander not the sun. And I, do I curse the shadows?

  I cherish you shadow, fisher of the beautiful maned screams of the sun, in your uncertain rivulets o the wind and its belated gold-washer fingers.

  L’AMANTE

  Ne calomnie pas le soleil. Est-ce que je maudis l’ombre, moi ?

  je te chéris ombre, pêcheur des beaux cris chevelus du soleil, dans tes ruisseaux incertains ô le vent et ses doigts d’orpailleur attardé.

  THE REBEL

  O death, o queen, o fair-armed weaver, o carder, o cold unnumbed fingers, we are here before you both of us moaning and knees knocking across the warp, toward simple silence hurl your shuttle of sumptuous verse.

  LE REBELLE

  Ô mort, ô reine, ô tisseuse aux bons bras, ô cardeuse, ô doigts froids sans onglée, nous sommes là devant toi deux râleux et cagneux au travers de la chaîne, et vers le simple silence lancez votre navette faite de vers somptueux.

  THE BELOVED

  Fair dear love, without us will the ungrateful sky swarm with open-eyed falcons,

  without us will the pearl oysters appease with long sleepy gestures beneath the lid of time the sinuosity of the obscure wound?

  fair dear love, without us will the wind go on deflowering, moaning toward the arched awaiting?

  L’AMANTE

  Beau doux ami, le ciel ingrat sans nous se peuplera-t-il de faucons désillés,

  les huîtres perlières sans nous sous le couvercle du temps apaiseront-elles de longs gestes dormants le serpentement de la blessure obscure ?

  beau doux ami, sans nous le vent s’en ira-t-il déflorant, gémissant vers l’attente cambrée ?

  THE REBEL

  The scent of mandrake has evaporated; the hill is dragging its hawsers; the great eddies of the valleys are making waves; forests are losing their masts, birds are making signs of distress in which our lost bodies are rocking their whitened wreckage.

  LE REBELLE

  Le parfum de la mandragore s’est séché ; la colline chasse sur ses aussières ; les grands remous des vallées font des vagues ; les forêts démâtent, les oiseaux font des signaux de détresse où nos corps perdus bercent leurs épaves blanchies.

  THE CHORUS

  Who is it who tarries, who is it who fades into oblivescence?

  LE CHŒUR

  Quel est celui qui tarde, quel est celui qui se fane en oubliance ?

  SEMICHORUS

  brimstone fallen from the clouds.

  LE DEMI-CHŒUR

  pierre de soufre tombé des nues

  SEMICHORUS

  beautiful arch

  LE DEMI-CHŒUR

  bel arc

  CHORUS

  beautiful blood

  LE CHŒUR

  beau sang

  SEMICHORUS

  beautiful rain

  LE DEMI-CHŒUR

  belle pluie

  SEMICHORUS

  Inciter oh,

  LE DEMI-CHŒUR

  Susciteuse oh,

  CHORUS

  Inciter oh, I cannot chase that image from my eyes: women eating dirt in a field of clay.

  LE CHŒUR

  Susciteuse oh, je ne puis chasser de mes yeux cette image : des mangeuses de terre dans un champ d’argile.


  SEMICHORUS

  all the bronzings and all the hope on the backs of our hands, in the palms of the hands of star apple leaves will not console me

  LE DEMI-CHŒUR

  toutes les mordorures et tout l’espoir au dos des mains, au creux des mains des feuilles de caïmitier ne me consoleront pas.

  REBEL

  I captured extraordinary messages from space. . . full of knives of night of groans; I hear louder than praises a vast improvisation of tornadoes, of sunstrokes, of evil spells

  of stones brewing strange dawns, torpor imbibed sip by sip.

  LE REBELLE

  J’ai capté dans l’espace d’extraordinaires messages… pleins de poignards de nuit de gémissements ; j’entends plus haut que les louanges une vaste improvisation de tornades, de coups de soleil, de maléfices

  de pierres qui cuisent de petits jours étranges, l’engourdissement bu à petites gorgées.

  THE BELOVED

  a fearless bird casts its young flame cry into the hot belly of night.

  L’AMANTE

  un oiseau sans peur jette son cri de flamme jeune dans le ventre chaud de la nuit.

  THE REBEL

  . . .a great blaze of red sloes and of crabs.

  a sowing just to see them of flies of palavers of bad memories, of termite trails, of fevers to cure, of wrongs to right an alligator’s yawn an immense injustice.

  LE REBELLE

  …un grand brasier de prunelles rouges et de crabes.

  un ensemencement pour voir de mouches de palabres de mauvais souvenirs, de piste de termites, de fièvres à guérir, de torts à redresser un bâillement d’alligator une immense injustice.

 

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