The Complete Poetry of Aimé Césaire
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THE REBEL
Plow me, plow me, armed scream of my people. Plow me warthog and stomp stomp me to the very breaking of my heart to the very bursting of my veins to the very chirping of my bones in the midnight of my flesh. . .
LE REBELLE
Laboure-moi, laboure-moi, cri armé de mon peuple. Laboure-moi phacochère et piétine piétine-moi jusqu’à la brisure de mon cœur jusqu’à l’éclatement de mes veines jusqu’au pépiement de mes os dans le minuit de ma chair…
THE MOTHER
My son!
LA MÈRE
Mon fils !
THE REBEL
A minute too heavy or too beautiful has weighed on me for a long time
LE REBELLE
Une minute trop lourde ou trop belle pèse sur moi depuis longtemps
FIRST TEMPTER’S VOICE
I am the red hour, the red unknotted hour.
PREMIÈRE VOIX TENTATRICE
je suis l’heure rouge, l’heure dénouée rouge.
SECOND TEMPTER’S VOICE
I am the hour of nostalgias, the hour of miracles.
DEUXIÈME VOIX TENTATRICE
je suis l’heure des nostalgies, l’heure des miracles.
THE REBEL
For a long time I have spoken of women only to the most drunken to the most beautiful.
LE REBELLE
Des femmes depuis longtemps je ne parle qu’à la plus ivre qu’à la plus belle.
THE MOTHER (removing her veil)
and the most unfortunate is at your feet
LA MÈRE (se dévoilant)
et la plus malheureuse est à tes pieds
THE REBEL
At my feet? For a long time I have spoken only to her who makes the night come alive and the day leafy.
LE REBELLE
À mes pieds ? Je ne parle depuis longtemps qu’à celle qui fait que la nuit est vivante et le jour feuillu.
SEMI-CHORUS
She who makes of the morning a stream of blue junks?
LE DEMI-CHŒUR
Celle qui fait du matin un ruisseau de jonques bleues ?
SEMI-CHORUS
She who makes. . .
LE DEMI-CHŒUR
Celle qui fait…
THE REBEL
flint unpardonable. Woman of the setting sun woman without encounter what have we to say to one another? At the red hour of sharks, at the red hour of nostalgias, at the red hour of miracles, I encountered Freedom.
LE REBELLE
que le silex est impardonnable. Femme du couchant femme sans rencontre qu’avons-nous à nous dire ? À l’heure rouge des requins, à l’heure rouge des nostalgies, à l’heure rouge des miracles, j’ai rencontré la Liberté.
And death was not caustic but sweet
with palisander and nubile girl hands
with hands of shredded linen and fonio
sweet
we were there
and a hymen bled that night
helmsman of the night strewn with suns and rainbows
Et la mort n’était pas hargneuse mais douce
aux mains de palissandre et de jeune fille nubile
aux mains de charpie et de fonio
douce
nous étions là
et une virginité saignait cette nuit-là
timonier de la nuit peuplée de soleils et d’arcs-en-ciel
helmsman of the sea and of death
freedom o my gawky girl legs sticky with new blood
your cry of a surprised bird and of a fascine
and of a shabeen* in the depths of the waters
and of an alburnum and a trial and a triumphant litchi
and of a sacrilege
crawl crawl
timonier de la mer et de la mort
liberté ô ma grande bringue les jambes poisseuses du sang neuf
ton cri d’oiseau surpris et de fascine
et de chabine au fond des eaux
et d’aubier et d’épreuve et de letchi triomphant
et de sacrilège
rampe rampe
my tall girl inhabited by horses and foliage
and by happenstance and understanding
and by heritage and wellsprings
on the point of your loves on the point of your tardiness
on the point of your canticles
ma grande fille peuplée de chevaux et de feuillages
et de hasards et de connaissances
et d’héritage et de sources
sur la pointe de tes amours sur la pointe de tes retards
sur la pointe de tes cantiques
of your lanterns
on your points of insects and roots
crawl great spawn drunk with bulldogs with mastiffs and young wild boars
with bothrops* lanceolatus and with fires
toward the rout of the scrofulous example of poultices.
de tes lampes
sur tes pointes d’insectes et de racines
rampe grand frai ivre de dogues de mâtins et de marcassins
de bothrops lancéolés et d’incendies
à la déroute de l’exemple scrofuleux des cataplasmes.
THE MOTHER
O my imperfectly hatched son.
LA MÈRE
Ô mon fils mal éclos.
THE REBEL
Who is the woman who disturbs me on the threshold of repose? Ah, you needed a son to be betrayed and sold . . . and you chose me. . . Thank you.
LE REBELLE
Quelle est celle qui me trouble sur le seuil du repos ? Ah, il te fallait un fils trahi et vendu… et tu m’as choisi… Merci.
THE MOTHER
My son.
LA MÈRE
Mon fils.
THE REBEL
And those who sent you also needed, still more than my defeat, still more than my bursting chest, they needed my yes. . . And they sent you. Thank you.
LE REBELLE
Et il fallait aussi n’est-ce pas à ceux qui t’ont envoyée, il leur fallait mieux que ma défaite, mieux que ma poitrine qui se rompt, il leur fallait mon oui… Et ils t’ont envoyée. Merci.
THE MOTHER
turn your head and look at me
LA MÈRE
tourne la tête et me regarde
THE REBEL
my dear one, my dear one
is it my fault if in puffs from the depths of the ages, redder than my fusc is black, rise and color me and cover me with the shame of years, the red of years and the inclemency of days
the rain of days of trinkets
the insolence of days of locusts
the barking of days of bulldogs whose muzzles are more glazed than salt
I am ready
resounding with all the noise and full of confluences
I have stretched my black skin like the skin of a donkey.
LE REBELLE
mon amie, mon amie
est-ce ma faute si par bouffée du fond des âges, plus rouge que n’est noir mon fusc, me montent et me colorent et me couvrent la honte des années, le rouge des années et l’intempérie des jours
la pluie des jours de pacotille
l’insolence des jours de sauterelle
l’aboi des jours de dogue au museau plus verni que le sel
je suis prêt
sonore à tous les bruits et plein de confluences
j’ai tendu ma peau noire comme une peau de bourrique.
THE MOTHER
heart full of struggle. milkless heart.
LA MÈRE
cœur plein de combat. cœur sans lait.
THE REBEL
Faithless mother
LE REBELLE
Mère sans foi
THE MOTHER
my child . . . give me your hand . . . let grow in my hand your hand once again become simple.
LA MÈRE
mon enfant… donne-moi la main… laisse pousser dans ma main ta main redevenue simple.
THE REBEL
the tom-tom pants. the tom-tom burp
s. the tom-tom spits locusts of fire and blood. my hand too is full of blood.
LE REBELLE
le tam-tam halette. le tam-tam éructe. le tam-tam crache des sauterelles de feu et de sang. ma main aussi est pleine de sang.
THE MOTHER (frightened)
your eyes are full of blood.
LA MÈRE (effrayée)
tes yeux sont pleins de sang.
THE REBEL
I am not a dessicated heart. I am not a pitiless heart.
I am a man of good thirst circling madly around poisoned ponds.
LE REBELLE
Je ne suis pas un cœur aride. Je ne suis pas un cœur sans pitié.
Je suis un homme de soif bonne qui circule fou autour de mares empoisonnées.
THE MOTHER
No . . . circling a salt desert and no star other than the gibbet of mutineers and black limbs in the fangs of the wind.
LA MÈRE
Non… sur le désert salé et pas une étoile sauf le gibet à mutins et des membres noirs aux crocs du vent.
THE REBEL (sneering)
Ha, Ha, what a revenge for the whites. The restless sea . . . the grimoire of signs . . . famine, despair. . . But no, they must have lied to you, and the sea is leafy, and from the heights of its crest I read a magnificent country, full of sun . . . of parrots . . . of fruit . . . of fresh water . . . of breadfruit trees.
LE REBELLE (ricanant)
Ha, Ha, quelle revanche pour les blancs. La mer indocile… le grimoire des signes… la famine, le désespoir… Mais non, on t’aura menti, et la mer est feuillue, et je lis du haut de son faîte un pays magnifique, plein de soleil… de perroquets… de fruits… d’eau douce… d’arbres à pain.
THE MOTHER
. . .a desert of concrete, of camphor, of steel, of rags, of disinfected swamps,
a heavy place mined by eyes by flames and by mushrooms. . .
LA MÈRE
… un désert de béton, de camphre, d’acier, de charpie, de marais désinfectés,
un lieu lourd miné d’yeux de flammes et de champignons…
THE REBEL
A country of coves, of palm and pandanus trees. . . an open-handed country. . .
LE REBELLE
Un pays d’anses de palmes de pandanus… un pays de main ouverte…
THE MOTHER
see, he does not obey . . . he does not renounce his evil vengeance . . . he does not lay down his arms.
LA MÈRE
voyez, il n’obéit pas… il ne renonce pas à sa vengeance mauvaise… il ne désarme pas.
THE REBEL (in a hard voice)
My name: offended; my given name: humiliated; my profession: rebel; my age: the stone age.
LE REBELLE (dur)
Mon nom : offensé ; mon prénom : humilié ; mon état : révolté ; mon âge : l’âge de la pierre.
THE MOTHER
My race: the human race. My religion: brotherhood. . .
LA MÈRE
Ma race : la race humaine. Ma religion : la fraternité…
THE REBEL
My race: the fallen race. My religion. . .
but it is not you who will prepare it with your disarmament. . .
it is I with my revolt and my poor clenched fists and my hirsute head
(Very calmly).
LE REBELLE
Ma race : la race tombée. Ma religion…
mais ce n’est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement…
c’est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute
(Très calme).
I recall a November day; he was not six months old and the master came into the shack murky as an April moon, and he felt his small muscled limbs, he was a very good master, his fat-fingered caress ran over the little dimpled face. His blue eyes were laughing and his mouth teased him with sugary things: this one will be a good piece, he said while looking at me, and he was saying other amiable things the master was, that you had to start very early, that twenty years was not too long to train a good Christian and a good slave, a good and well-devoted subject, a good slave-driver with a sharp eye and a strong arm. And that man was speculating over my son’s cradle a slave-driver’s cradle.
Je me souviens d’un jour de novembre ; il n’avait pas six mois et le maître est entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tâtait ses petits membres musclés, c’était un très bon maître, il promenait d’une caresse ses doigts gros sur son petit visage plein de fossettes. Ses yeux bleus riaient et sa bouche le taquinait de choses sucrées : ce sera une bonne pièce, dit-il en me regardant, et il disait d’autres choses aimables le maître, qu’il fallait s’y prendre très tôt, que ce n’était pas trop de vingt ans pour faire un bon chrétien et un bon esclave, bon sujet et bien dévoué, un bon garde-chiourme de commandeur, œil vif et le bras ferme. Et cet homme spéculait sur le berceau de mon fils un berceau de garde-chiourme.
THE MOTHER
Alas you shall die.
LA MÈRE
Hélas tu mourras.
THE REBEL
Killed. . . I killed him with my own hands. . .
Yes: a fecund and copious death. . .
it was night. We crawled through the cane field.
The cutlasses laughed at the stars, but we didn’t give a damn about the stars.
The cane leaves slashed our faces with streams of green blades
We crawled cutlasses in our fists. . .
LE REBELLE
Tué… Je l’ai tué de mes propres mains…
Oui : de mort féconde et plantureuse…
c’était la nuit. Nous rampâmes parmi les cannes à sucre.
Les coutelas riaient aux étoiles, mais on se moquait des étoiles.
Les cannes à sucre nous balafraient le visage de ruisseaux de lames vertes
Nous rampâmes coutelas au poing…
THE MOTHER
I had dreamed of a son who would close his mother’s eyes.
LA MÈRE
J’avais rêvé d’un fils pour fermer les yeux de sa mère.
THE REBEL
I chose to open onto another sun the eyes of my son.
LE REBELLE
J’ai choisi d’ouvrir sur un autre soleil les yeux de mon fils.
THE MOTHER
. . .O my son . . . an evil and pernicious death
LA MÈRE
… Ô mon fils… de mort mauvaise et pernicieuse
THE REBEL
Mother, a verdant and sumptuous death.
LE REBELLE
Mère, de mort vivace et somptueuse.
THE MOTHER
for having hated too much
LA MÈRE
pour avoir trop haï
THE REBEL
for having loved too much.
LE REBELLE
pour avoir trop aimé.
THE MOTHER
Spare me I am choking from your bonds. I am bleeding from your wounds.
LA MÈRE
Épargne-moi j’étouffe de tes liens. Je saigne de tes blessures.
THE REBEL
And the world does not spare me. . . There is in the world no poor bastard lynched, no poor bastard tortured, in whom I am not assassinated and humiliated
LE REBELLE
Et le monde ne m’épargne pas… Il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé, en qui je ne sois assassiné et humilié
THE MOTHER
God in heaven, deliver him
LA MÈRE
Dieu du ciel, délivre-le
THE REBEL
My heart will not deliver me from my memories. . .
It was a November night. . .
And suddenly clamors lit up the silence,
We had leapt, we the slaves, we the dung, we the patient hooved beasts.
LE REBELLE
Mon cœur tu ne me délivreras pas de mes souvenirs…
C’était un soir de novembre…
Et subitement des clameurs éclairèrent le
silence,
Nous avions bondi nous les esclaves, nous le fumier, nous les bêtes au sabot de patience.
We ran like madmen; shots were fired. . . We were striking. Sweat and blood were refreshing to us. We were striking out amongst the screams and the screams became more strident and a great clamor rose to the East, it was the outbuildings burning and the flames sweetly splashed on our cheeks.
Nous courions comme des forcenés ; les coups de feu éclatèrent… Nous frappions. La sueur et le sang nous faisaient une fraîcheur. Nous frappions parmi les cris et les cris devinrent plus stridents et une grande clameur s’éleva vers l’est, c’étaient les communs qui brûlaient et la flamme flaqua douce sur nos joues.
Then came the attack on the master’s house.
They were shooting from the windows
We forced the doors.
Alors ce fut l’assaut donné à la maison du maître.
On tirait des fenêtres
Nous forçâmes les portes.
The master’s room was wide open. The master’s room was brightly lit, and the master was there very calm . . . and our men stopped . . . he was the master. . . I went in. It’s you, he said to me very calmly. . . It was I, it was indeed me, I said to him, the good slave, the faithful slave, the slavish slave, and suddenly his eyes were two cockroaches frightened on a rainy day . . . I struck, the blood spurted: that’s the only baptism I remember today.
La chambre du maître était grande ouverte. La chambre du maître était brillamment éclairée, et le maître était là très calme… et les nôtres s’arrêtèrent… c’était le maître… J’entrai. C’est toi me dit-il, très calme… C’était moi, c’était bien moi, lui disais-je, le bon esclave, le fidèle esclave, l’esclave esclave, et soudain ses yeux furent deux ravets apeurés les jours de pluie… je frappai, le sang gicla : c’est le seul baptême dont je me souvienne aujourd’hui.