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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 22

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  THE REBEL

  Plow me, plow me, armed scream of my people. Plow me warthog and stomp stomp me to the very breaking of my heart to the very bursting of my veins to the very chirping of my bones in the midnight of my flesh. . .

  LE REBELLE

  Laboure-moi, laboure-moi, cri armé de mon peuple. Laboure-moi phacochère et piétine piétine-moi jusqu’à la brisure de mon cœur jusqu’à l’éclatement de mes veines jusqu’au pépiement de mes os dans le minuit de ma chair…

  THE MOTHER

  My son!

  LA MÈRE

  Mon fils !

  THE REBEL

  A minute too heavy or too beautiful has weighed on me for a long time

  LE REBELLE

  Une minute trop lourde ou trop belle pèse sur moi depuis longtemps

  FIRST TEMPTER’S VOICE

  I am the red hour, the red unknotted hour.

  PREMIÈRE VOIX TENTATRICE

  je suis l’heure rouge, l’heure dénouée rouge.

  SECOND TEMPTER’S VOICE

  I am the hour of nostalgias, the hour of miracles.

  DEUXIÈME VOIX TENTATRICE

  je suis l’heure des nostalgies, l’heure des miracles.

  THE REBEL

  For a long time I have spoken of women only to the most drunken to the most beautiful.

  LE REBELLE

  Des femmes depuis longtemps je ne parle qu’à la plus ivre qu’à la plus belle.

  THE MOTHER (removing her veil)

  and the most unfortunate is at your feet

  LA MÈRE (se dévoilant)

  et la plus malheureuse est à tes pieds

  THE REBEL

  At my feet? For a long time I have spoken only to her who makes the night come alive and the day leafy.

  LE REBELLE

  À mes pieds ? Je ne parle depuis longtemps qu’à celle qui fait que la nuit est vivante et le jour feuillu.

  SEMI-CHORUS

  She who makes of the morning a stream of blue junks?

  LE DEMI-CHŒUR

  Celle qui fait du matin un ruisseau de jonques bleues ?

  SEMI-CHORUS

  She who makes. . .

  LE DEMI-CHŒUR

  Celle qui fait…

  THE REBEL

  flint unpardonable. Woman of the setting sun woman without encounter what have we to say to one another? At the red hour of sharks, at the red hour of nostalgias, at the red hour of miracles, I encountered Freedom.

  LE REBELLE

  que le silex est impardonnable. Femme du couchant femme sans rencontre qu’avons-nous à nous dire ? À l’heure rouge des requins, à l’heure rouge des nostalgies, à l’heure rouge des miracles, j’ai rencontré la Liberté.

  And death was not caustic but sweet

  with palisander and nubile girl hands

  with hands of shredded linen and fonio

  sweet

  we were there

  and a hymen bled that night

  helmsman of the night strewn with suns and rainbows

  Et la mort n’était pas hargneuse mais douce

  aux mains de palissandre et de jeune fille nubile

  aux mains de charpie et de fonio

  douce

  nous étions là

  et une virginité saignait cette nuit-là

  timonier de la nuit peuplée de soleils et d’arcs-en-ciel

  helmsman of the sea and of death

  freedom o my gawky girl legs sticky with new blood

  your cry of a surprised bird and of a fascine

  and of a shabeen* in the depths of the waters

  and of an alburnum and a trial and a triumphant litchi

  and of a sacrilege

  crawl crawl

  timonier de la mer et de la mort

  liberté ô ma grande bringue les jambes poisseuses du sang neuf

  ton cri d’oiseau surpris et de fascine

  et de chabine au fond des eaux

  et d’aubier et d’épreuve et de letchi triomphant

  et de sacrilège

  rampe rampe

  my tall girl inhabited by horses and foliage

  and by happenstance and understanding

  and by heritage and wellsprings

  on the point of your loves on the point of your tardiness

  on the point of your canticles

  ma grande fille peuplée de chevaux et de feuillages

  et de hasards et de connaissances

  et d’héritage et de sources

  sur la pointe de tes amours sur la pointe de tes retards

  sur la pointe de tes cantiques

  of your lanterns

  on your points of insects and roots

  crawl great spawn drunk with bulldogs with mastiffs and young wild boars

  with bothrops* lanceolatus and with fires

  toward the rout of the scrofulous example of poultices.

  de tes lampes

  sur tes pointes d’insectes et de racines

  rampe grand frai ivre de dogues de mâtins et de marcassins

  de bothrops lancéolés et d’incendies

  à la déroute de l’exemple scrofuleux des cataplasmes.

  THE MOTHER

  O my imperfectly hatched son.

  LA MÈRE

  Ô mon fils mal éclos.

  THE REBEL

  Who is the woman who disturbs me on the threshold of repose? Ah, you needed a son to be betrayed and sold . . . and you chose me. . . Thank you.

  LE REBELLE

  Quelle est celle qui me trouble sur le seuil du repos ? Ah, il te fallait un fils trahi et vendu… et tu m’as choisi… Merci.

  THE MOTHER

  My son.

  LA MÈRE

  Mon fils.

  THE REBEL

  And those who sent you also needed, still more than my defeat, still more than my bursting chest, they needed my yes. . . And they sent you. Thank you.

  LE REBELLE

  Et il fallait aussi n’est-ce pas à ceux qui t’ont envoyée, il leur fallait mieux que ma défaite, mieux que ma poitrine qui se rompt, il leur fallait mon oui… Et ils t’ont envoyée. Merci.

  THE MOTHER

  turn your head and look at me

  LA MÈRE

  tourne la tête et me regarde

  THE REBEL

  my dear one, my dear one

  is it my fault if in puffs from the depths of the ages, redder than my fusc is black, rise and color me and cover me with the shame of years, the red of years and the inclemency of days

  the rain of days of trinkets

  the insolence of days of locusts

  the barking of days of bulldogs whose muzzles are more glazed than salt

  I am ready

  resounding with all the noise and full of confluences

  I have stretched my black skin like the skin of a donkey.

  LE REBELLE

  mon amie, mon amie

  est-ce ma faute si par bouffée du fond des âges, plus rouge que n’est noir mon fusc, me montent et me colorent et me couvrent la honte des années, le rouge des années et l’intempérie des jours

  la pluie des jours de pacotille

  l’insolence des jours de sauterelle

  l’aboi des jours de dogue au museau plus verni que le sel

  je suis prêt

  sonore à tous les bruits et plein de confluences

  j’ai tendu ma peau noire comme une peau de bourrique.

  THE MOTHER

  heart full of struggle. milkless heart.

  LA MÈRE

  cœur plein de combat. cœur sans lait.

  THE REBEL

  Faithless mother

  LE REBELLE

  Mère sans foi

  THE MOTHER

  my child . . . give me your hand . . . let grow in my hand your hand once again become simple.

  LA MÈRE

  mon enfant… donne-moi la main… laisse pousser dans ma main ta main redevenue simple.

  THE REBEL

  the tom-tom pants. the tom-tom burp
s. the tom-tom spits locusts of fire and blood. my hand too is full of blood.

  LE REBELLE

  le tam-tam halette. le tam-tam éructe. le tam-tam crache des sauterelles de feu et de sang. ma main aussi est pleine de sang.

  THE MOTHER (frightened)

  your eyes are full of blood.

  LA MÈRE (effrayée)

  tes yeux sont pleins de sang.

  THE REBEL

  I am not a dessicated heart. I am not a pitiless heart.

  I am a man of good thirst circling madly around poisoned ponds.

  LE REBELLE

  Je ne suis pas un cœur aride. Je ne suis pas un cœur sans pitié.

  Je suis un homme de soif bonne qui circule fou autour de mares empoisonnées.

  THE MOTHER

  No . . . circling a salt desert and no star other than the gibbet of mutineers and black limbs in the fangs of the wind.

  LA MÈRE

  Non… sur le désert salé et pas une étoile sauf le gibet à mutins et des membres noirs aux crocs du vent.

  THE REBEL (sneering)

  Ha, Ha, what a revenge for the whites. The restless sea . . . the grimoire of signs . . . famine, despair. . . But no, they must have lied to you, and the sea is leafy, and from the heights of its crest I read a magnificent country, full of sun . . . of parrots . . . of fruit . . . of fresh water . . . of breadfruit trees.

  LE REBELLE (ricanant)

  Ha, Ha, quelle revanche pour les blancs. La mer indocile… le grimoire des signes… la famine, le désespoir… Mais non, on t’aura menti, et la mer est feuillue, et je lis du haut de son faîte un pays magnifique, plein de soleil… de perroquets… de fruits… d’eau douce… d’arbres à pain.

  THE MOTHER

  . . .a desert of concrete, of camphor, of steel, of rags, of disinfected swamps,

  a heavy place mined by eyes by flames and by mushrooms. . .

  LA MÈRE

  … un désert de béton, de camphre, d’acier, de charpie, de marais désinfectés,

  un lieu lourd miné d’yeux de flammes et de champignons…

  THE REBEL

  A country of coves, of palm and pandanus trees. . . an open-handed country. . .

  LE REBELLE

  Un pays d’anses de palmes de pandanus… un pays de main ouverte…

  THE MOTHER

  see, he does not obey . . . he does not renounce his evil vengeance . . . he does not lay down his arms.

  LA MÈRE

  voyez, il n’obéit pas… il ne renonce pas à sa vengeance mauvaise… il ne désarme pas.

  THE REBEL (in a hard voice)

  My name: offended; my given name: humiliated; my profession: rebel; my age: the stone age.

  LE REBELLE (dur)

  Mon nom : offensé ; mon prénom : humilié ; mon état : révolté ; mon âge : l’âge de la pierre.

  THE MOTHER

  My race: the human race. My religion: brotherhood. . .

  LA MÈRE

  Ma race : la race humaine. Ma religion : la fraternité…

  THE REBEL

  My race: the fallen race. My religion. . .

  but it is not you who will prepare it with your disarmament. . .

  it is I with my revolt and my poor clenched fists and my hirsute head

  (Very calmly).

  LE REBELLE

  Ma race : la race tombée. Ma religion…

  mais ce n’est pas vous qui la préparerez avec votre désarmement…

  c’est moi avec ma révolte et mes pauvres poings serrés et ma tête hirsute

  (Très calme).

  I recall a November day; he was not six months old and the master came into the shack murky as an April moon, and he felt his small muscled limbs, he was a very good master, his fat-fingered caress ran over the little dimpled face. His blue eyes were laughing and his mouth teased him with sugary things: this one will be a good piece, he said while looking at me, and he was saying other amiable things the master was, that you had to start very early, that twenty years was not too long to train a good Christian and a good slave, a good and well-devoted subject, a good slave-driver with a sharp eye and a strong arm. And that man was speculating over my son’s cradle a slave-driver’s cradle.

  Je me souviens d’un jour de novembre ; il n’avait pas six mois et le maître est entré dans la case fuligineuse comme une lune rousse, et il tâtait ses petits membres musclés, c’était un très bon maître, il promenait d’une caresse ses doigts gros sur son petit visage plein de fossettes. Ses yeux bleus riaient et sa bouche le taquinait de choses sucrées : ce sera une bonne pièce, dit-il en me regardant, et il disait d’autres choses aimables le maître, qu’il fallait s’y prendre très tôt, que ce n’était pas trop de vingt ans pour faire un bon chrétien et un bon esclave, bon sujet et bien dévoué, un bon garde-chiourme de commandeur, œil vif et le bras ferme. Et cet homme spéculait sur le berceau de mon fils un berceau de garde-chiourme.

  THE MOTHER

  Alas you shall die.

  LA MÈRE

  Hélas tu mourras.

  THE REBEL

  Killed. . . I killed him with my own hands. . .

  Yes: a fecund and copious death. . .

  it was night. We crawled through the cane field.

  The cutlasses laughed at the stars, but we didn’t give a damn about the stars.

  The cane leaves slashed our faces with streams of green blades

  We crawled cutlasses in our fists. . .

  LE REBELLE

  Tué… Je l’ai tué de mes propres mains…

  Oui : de mort féconde et plantureuse…

  c’était la nuit. Nous rampâmes parmi les cannes à sucre.

  Les coutelas riaient aux étoiles, mais on se moquait des étoiles.

  Les cannes à sucre nous balafraient le visage de ruisseaux de lames vertes

  Nous rampâmes coutelas au poing…

  THE MOTHER

  I had dreamed of a son who would close his mother’s eyes.

  LA MÈRE

  J’avais rêvé d’un fils pour fermer les yeux de sa mère.

  THE REBEL

  I chose to open onto another sun the eyes of my son.

  LE REBELLE

  J’ai choisi d’ouvrir sur un autre soleil les yeux de mon fils.

  THE MOTHER

  . . .O my son . . . an evil and pernicious death

  LA MÈRE

  … Ô mon fils… de mort mauvaise et pernicieuse

  THE REBEL

  Mother, a verdant and sumptuous death.

  LE REBELLE

  Mère, de mort vivace et somptueuse.

  THE MOTHER

  for having hated too much

  LA MÈRE

  pour avoir trop haï

  THE REBEL

  for having loved too much.

  LE REBELLE

  pour avoir trop aimé.

  THE MOTHER

  Spare me I am choking from your bonds. I am bleeding from your wounds.

  LA MÈRE

  Épargne-moi j’étouffe de tes liens. Je saigne de tes blessures.

  THE REBEL

  And the world does not spare me. . . There is in the world no poor bastard lynched, no poor bastard tortured, in whom I am not assassinated and humiliated

  LE REBELLE

  Et le monde ne m’épargne pas… Il n’y a pas dans le monde un pauvre type lynché, un pauvre homme torturé, en qui je ne sois assassiné et humilié

  THE MOTHER

  God in heaven, deliver him

  LA MÈRE

  Dieu du ciel, délivre-le

  THE REBEL

  My heart will not deliver me from my memories. . .

  It was a November night. . .

  And suddenly clamors lit up the silence,

  We had leapt, we the slaves, we the dung, we the patient hooved beasts.

  LE REBELLE

  Mon cœur tu ne me délivreras pas de mes souvenirs…

  C’était un soir de novembre…

  Et subitement des clameurs éclairèrent le
silence,

  Nous avions bondi nous les esclaves, nous le fumier, nous les bêtes au sabot de patience.

  We ran like madmen; shots were fired. . . We were striking. Sweat and blood were refreshing to us. We were striking out amongst the screams and the screams became more strident and a great clamor rose to the East, it was the outbuildings burning and the flames sweetly splashed on our cheeks.

  Nous courions comme des forcenés ; les coups de feu éclatèrent… Nous frappions. La sueur et le sang nous faisaient une fraîcheur. Nous frappions parmi les cris et les cris devinrent plus stridents et une grande clameur s’éleva vers l’est, c’étaient les communs qui brûlaient et la flamme flaqua douce sur nos joues.

  Then came the attack on the master’s house.

  They were shooting from the windows

  We forced the doors.

  Alors ce fut l’assaut donné à la maison du maître.

  On tirait des fenêtres

  Nous forçâmes les portes.

  The master’s room was wide open. The master’s room was brightly lit, and the master was there very calm . . . and our men stopped . . . he was the master. . . I went in. It’s you, he said to me very calmly. . . It was I, it was indeed me, I said to him, the good slave, the faithful slave, the slavish slave, and suddenly his eyes were two cockroaches frightened on a rainy day . . . I struck, the blood spurted: that’s the only baptism I remember today.

  La chambre du maître était grande ouverte. La chambre du maître était brillamment éclairée, et le maître était là très calme… et les nôtres s’arrêtèrent… c’était le maître… J’entrai. C’est toi me dit-il, très calme… C’était moi, c’était bien moi, lui disais-je, le bon esclave, le fidèle esclave, l’esclave esclave, et soudain ses yeux furent deux ravets apeurés les jours de pluie… je frappai, le sang gicla : c’est le seul baptême dont je me souvienne aujourd’hui.

 

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