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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 23

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  THE MOTHER

  I fear the bullet of your words, I fear your words of pitch and ambush. I fear your words because I cannot take them in my hand and weigh them. . . They are not human words.

  They are not words one can take in the palms of one’s hands and weigh in the balance striped by trembling roads. . .

  (The mother collapses).

  LA MÈRE

  J’ai peur de la balle de tes mots, j’ai peur de tes mots de poix et d’embuscade. J’ai peur de tes mots parce que je ne peux les prendre dans ma main et les peser… Ce ne sont pas des mots humains.

  Ce ne sont point des mots que l’on puisse prendre dans la paume de ses mains et peser dans la balance rayée de routes et qui tremble…

  (La mère s’écroule).

  THE REBEL (leaning over the dead or faint woman)

  Woman, your face is more worn than the pumice stone tumbled along by the river

  utterly, utterly,

  your fingers are more fatigued than cane crushed by the millwheel,

  utterly, utterly,

  Oh, your hands are crumpled bagasse, utterly, utterly,

  Oh, your eyes are straying stars utterly, utterly,

  Mother utterly worn down, leafless mother you are a flamboyant that now bears only pods. You are a calabash, and you are no more than a crop of gourds. . .

  (Pause).

  LE REBELLE (penché sur la morte ou l’évanouie)

  Femme, ton visage est plus usé que la pierre ponce roulée par la rivière

  beaucoup, beaucoup,

  tes doigts sont plus fatigués que la canne broyée par le moulin,

  beaucoup, beaucoup,

  Oh, tes mains sont de bagasse fripée, beaucoup, beaucoup,

  Oh, tes yeux sont des étoiles égarées beaucoup, beaucoup,

  Mère très usée, mère sans feuille tu es un flamboyant et il ne porte plus que les gousses. Tu es un calebassier, et tu n’es qu’un peuplement de couis…

  (Pause).

  A VOICE

  Assassin, he killed his master

  UNE VOIX

  Assassin, il a tué son maître

  A VOICE

  Cursed assassin, he is going to kill his mother

  UNE VOIX

  Assassin, maudit, il va tuer sa mère

  A VOICE

  Death to the assassin cut off his hands

  UNE VOIX

  Assassin à mort coupez-lui les mains

  A VOICE

  Kill him, kill him, gouge out his eyes.

  UNE VOIX

  À mort, à mort, crevez-lui les yeux

  A VOICE

  That’s it, let’s gouge out his eyes.

  UNE VOIX

  C’est ça, qu’on lui crève les yeux.

  THE REBEL (blinded)

  Chargers of the night, bear me away.

  LE REBELLE (aveuglé)

  Coursiers de la nuit, entraînez-moi.

  CHORUS

  The day is a closed-up house in a contagious rain

  The day is a shutting-down city in a poisonous night

  O galley-slave, o pilgrim, in the rain and in the doorless night

  your stooped steps, my stooped steps in the clearing without hands and without ears without water and without knocker tortured by sentinels

  LE CHŒUR

  Le jour est sous la pluie contagieuse une maison fermée

  Le jour est dans la nuit empoisonnée une ville qui se ferme.

  Ô galérien, ô pèlerin, sous la pluie et dans la nuit sans huis

  tes pas voûtés, mes pas voûtés dans la percée sans mains et sans oreilles sans eau et sans heurtoir torturée de sentinelles

  THE REBEL

  Chargers of the night bear me away. . .

  (Stepping toward the chorus).

  My children I am a king who possesses nothing

  LE REBELLE

  Coursiers de la nuit entraînez-moi…

  (S’avançant vers le chœur).

  Mes enfants je suis un roi qui ne possède rien

  CHORUS

  Arise O king

  LE CHŒUR

  Ô roi debout

  THE REBEL

  . . .Who possesses nothing

  LE REBELLE

  … Qui ne possède rien

  CHORUS

  Arise O king

  LE CHŒUR

  Ô roi debout

  THE REBEL

  Desert menders, baptize me.

  (With outstretched arms he lowers his face to the ground. One of the men pours dirt on his head and neck).

  LE REBELLE

  Ravaudeurs du désert, baptisez-moi.

  (Il s’incline face contre terre les bras écartés. Un des hommes lui verse de la terre sur la tête et la nuque).

  Mealy earth, my mother’s milk, hot on my neck, rich rivulet, semi-shadows, demand, direct. . .

  (He places his ear to the ground).

  Terre farineuse, lait de ma mère, chaud sur ma nuque, ruisseau riche, demi-ténèbres, exige, dirige…

  (Il approche l’oreille du sol).

  Oh footsteps; horseshoes, crawling larvae fattened in the valley of my ears. . . I am wounded. Oh oh I am wounded.

  (He stands up).

  Chargers of the night bear me away.

  Oh des pas ; des sabots de chevaux, de rampements de larves grossies dans la vallée de mes oreilles… je suis atteint. Oh oh je suis atteint.

  (Il se redresse).

  Coursiers de la nuit entraînez-moi.

  NARRATRESS

  countrysides of Babylon fire smoke plain standard a thousand diamonds Lucifer fair cavalier I have chosen a thousand diamonds Jerusalem stumbles a stone at its neck bloody postilion of frauds a thousand diamonds the day will sustain itself most pure with artifices I am going Ah I am going Ha Ha Ha jumping for joy exhausted cloven-hoofed. . . empty-handed. I am regret. . . black ship in the sun in the muddy but sure-footed boots of my fantastic connections.

  LA RÉCITANTE

  campagnes de Babylone feu fumée plaine étendard mille diamants Lucifer beau cavalier j’ai choisi mille diamants Jérusalem trébuche une pierre au cou postillon sanglant des fraudes mille diamants le jour se soutiendra très pur d’artifices je vais Ah je vais Ha Ha Ha tripudiant fourbue fourchue… les mains nues. Je suis le regret… bateau noir dans le soleil dans les bottes boueuses mais sûres de mes parentés fantastiques.

  NARRATOR

  And now behold the black boatman of the black storm, the watchman

  of black weather of rainy luck

  he knows only the storm

  walled up in the black passion of the black voyage

  a stubborn old man, frail black interrogation of fate in the lost

  cycle of summary currents

  but his battle is with winds and rocks

  not with his sex and his heart. . .

  Et maintenant le voici le nautonier noir de l’orage noir, le guetteur

  du temps noir et du hasard pluvieux

  il ne sait plus que l’orage

  muré dans la passion noire du voyage noir

  un vieillard têtu, fragile noire interrogation du destin dans le cycle

  perdu des courants sommaires

  mais sa bataille est avec les vents et les rocs

  non avec son sexe et son cœur…

  THE REBEL

  Go away I am only a man conquered

  withdraw

  I am only a man cut down

  given up and rejected

  I dedicate myself to the absolute wind

  I a defeated harvester of warm flesh

  exalted by the salubrious triumph of sea gulls

  (Pause).

  do you know Wagadugu the city of mud bricks

  LE REBELLE

  Va-t’en je ne suis qu’un vaincu

  retire-toi

  je ne suis qu’un coupé

  donné et rejeté

  je me dédie au vent absolu

  moi moissonneur vaincu de la chair tiède

  exalté dans le triomp
he salubre des goélands.

  (Pause).

  connaissez-vous Ouagadougou la cité de boue sèche

  CHORUS

  Do not speak so

  LE CHŒUR

  Ne parlez pas ainsi

  THE REBEL

  Do you know Djenne* the red city?

  LE REBELLE

  connaissez-vous Djénné la cité rouge ?

  CHORUS

  Oh do not speak so

  LE CHŒUR

  Oh ne parlez pas ainsi

  THE REBEL

  Do you know Timbuktu?

  LE REBELLE

  connaissez-vous Tombouctou ?

  CHORUS

  Do not speak, do not speak. . .

  LE CHŒUR

  Ne parlez pas, ne parlez pas…

  THE REBEL

  I have spread my kerchief over the waters, over the waters of death.

  I have spread my kerchief, hey.

  lend me a parasol against the sun of Wagadugu.

  (Pause).

  LE REBELLE

  j’ai étendu mon mouchoir sur les eaux, sur les eaux de la mort.

  j’ai étendu mon mouchoir, hé.

  prêtez-moi un parasol pour le soleil de Ouagadougou.

  (Pause).

  because I have pulled all night on my chain

  because the links from so much yapping had dug into my black and twitching flesh

  the minutes parade around me

  like a pack of emaciated wolves

  like a herd of lashing whips

  like the knots of a ladder of rope and statutes

  recalcitrant subject perfect victim

  parce que j’avais tiré toute la nuit sur ma chaîne

  parce que les mailles à force de japper s’étaient fixées dans ma chair clignotante et noire

  les minutes autour de moi processionnent

  comme une bande de loups efflanqués

  comme un troupeau de coups de fouet

  comme les nœuds d’une échelle de corde et de statuts

  sujet indocile victime parfaite

  challenge riveted to the foreheads of ponds

  I do not converse with the gods

  I do not cure the possessed

  I do not hold the secret of Antiochus* Epiphanes

  nor of Herod the Great

  what are you waiting for to spit upon me

  the thick spit of centuries

  ripened

  défi rivé au front des mares

  je ne converse pas avec les dieux

  je ne guéris pas les possédés

  je ne sais pas le secret qui tua Antiochus Épiphane

  ni Hérode le grand

  qu’attendez-vous pour cracher sur moi

  l’épais crachat des siècles

  mûri

  over 306* years

  too late it is too late

  my friends I am at home for no one

  for no one

  except for the flood too soaked for the stars to burst in it

  except for the mud with burned eyes with burned sex

  in my eyes buffeted by alfalfa girls are running

  while sounding their river clogs

  their dustless arboreal voices

  en 306 ans

  trop tard il est trop tard

  mes amis je n’y suis pour personne

  pour personne

  sauf pour l’inondation trop détrempée pour que les étoiles y éclatent

  sauf pour la boue aux yeux brûlés au sexe brûlé

  des filles courent dans mes yeux cahotés de luzernes

  en faisant sonner leurs sabots de rivières

  leurs voix d’arbres sans poussières

  their slender torsos of bread, of plains

  and behold

  I have ordered for my funeral ceremony

  a herd of wild buffalo

  a hundred eunuchs sacrifices tumults

  a flight of throwing knives of copper assegais

  my body my body

  stretcher I shall not throw the wounded one to the dogs of the hawthorn

  (The moon rises).

  leur long corsage de pain, de plaine

  et voici

  j’ai commandé pour mes funérailles

  un troupeau de buffles sauvages

  un cent d’eunuques des sacrifices des tumultes

  un vol de couteaux de jet de sagaies de cuivre rouge

  mon corps mon corps

  brancard je ne jetterai pas le blessé aux chiens de l’aubépine

  (La lune monte).

  THE REBEL

  rotten moon

  the lover the beloved

  the fetish tree

  the lover the beloved

  the hill is a great bucket of water that does not cease to spill into the light of volcanic faults

  of eyelashes

  of lands

  LE REBELLE

  lune pourrie

  l’amant l’amante

  l’arbre fétiche

  l’amant l’amante

  la colline est un grand seau d’eau qui ne finit pas de tomber dans la lumière des failles

  des cils

  des terres

  the sky asked the frangipani for its fingerprints

  end of the worlds of numbers

  of course they lied I was not there

  at the adoration of the magi, I have going for me only my word

  by the grace of the young lands and the seismic basin

  and of the marshes flowered on the face of a wound

  le ciel a demandé au frangipanier ses empreintes digitales

  fin des mondes des nombres

  bien entendu on a menti je n’étais pas là

  à l’adoration des mages ; je n’ai pour moi que ma parole

  par la grâce des terres jeunes et du bassin sismique

  et des marais fleuris au front d’une blessure

  phoenix tiger beetle catalpa clear light

  my word power of fire

  my word breaking the cheeks of tombs of ashes of lanterns

  my word that no chemistry could tame nor encompass

  hands of milk without words without loincloth—dragon of the thaw

  my great desire savage naked black sagacious and brown.

  (Pause).

  phénix cicindelle catalpa lumière claire

  ma parole puissance de feu

  ma parole brisant la joue des tombes des cendres des lanternes

  ma parole qu’aucune chimie ne saurait apprivoiser ni ceindre

  mains de lait sans paroles sans pagne – le dragon du dégel

  mon grand désir sauvage nu noir sagace et brun.

  (Pause)

  Ho ho

  Their power is well anchored

  Acquired

  Required

  My hands bathe in heaths of clairin*. In paddies of roucou*.

  And I have my calabash of pregnant stars. But I am weak. Oh I am weak.

  Help me.

  Ho ho

  Leur puissance est bien ancrée

  Acquis

  Requis

  Mes mains baignent dans des bruyères de clairin. Dans des rizières de roucou.

  Et j’ai ma calebasse d’étoiles grosses. Mais je suis faible. Oh je suis faible.

  Aidez-moi.

  And behold I find myself in the stream of metamorphosis

  drowned blinded

  afraid of myself, frightened by myself

  Gods . . . you are not gods. I am free.

  Your voices merely cast back at me the stone of my own voice

  Your eyes merely envelope me with my own flames

  Your throwing knives whistling about my head burst

  Et voici je me retrouve au fil de la métamorphose

  noyé aveuglé

  apeuré de moi-même, effrayé de moi-même

  Des dieux… vous n’êtes pas des dieux. Je suis libre.

  Vos voix ne me jettent que la pierre de ma propre voix

  Vos yeux ne m’enveloppent que
de mes propres flammes

  Vos couteaux de jet qui sifflent autour de ma tête jaillissent

  from the cactus thicket of my poisoned blood

  That’s alright. The willows are forming prairies of rusty crotons

  Poinsettias surround me and disgorge in the bile of their leaves?the red

  dagger of remembrance

  and behold the girls joining in

  and behold the girls of fire

  the chanterelles of hell

  du fourré de cactus de mon sang empoisonné

  C’est égal. Les saules font des prairies de crotons rouillés

  Les poinsettias m’entourent et dégorgent dans la bile de leurs feuilles

  le poignard

  rouge du souvenir

  et voici les filles qui s’en mêlent

  les voici les filles du feu

  les chanterelles de l’enfer

  red satin butterflies with wings more sonorous than speech or night

  their buttocks sweep the night with their floodlights

  the flamethrowers set fire to the brush of their breasts

  of their loins

  of their thighs of brown milk of black honey of red honey

  Hi ho love daddy

  les papillons de satin rouge aux ailes plus sonores que la parole et que la nuit

  leurs fesses balaient la nuit de leurs projecteurs

  les lance-flammes mettent le feu à la brousse de leurs seins

  de leurs reins

  de leurs cuisses de lait brun de miel noir de miel rouge

  He ho papa l’amour

  light light the fire

  light the fire with your red limbs

 

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