The Complete Poetry of Aimé Césaire
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with your red hair with your red feet
light the reddened bank fire with your reddened sex
bombaya*
bombaya
(He faints).
mettez mettez le feu
mettez le feu de vos membres rouges
de vos cheveux rouges de vos pieds rouges
mettez le feu à la berge rouge de vos sexes rouges
bombaïa
bombaïa
(Il tombe évanoui).
SEMI-CHORUS
his back is up against the days
LE DEMI-CHŒUR
son dos appuie contre les jours
SEMI-CHORUS
his back is up against the nights
LE DEMI-CHŒUR
son dos appuie contre les nuits
SEMI-CHORUS
I recall the evenings, dusk was a blue-green hummingbird taking pleasure in the red hibiscus.
LE DEMI-CHŒUR
Je me souviens des soirs, le crépuscule était un colibri bleu-vert jouissant dans l’hibiscus rouge.
SEMI-CHORUS
Dusk hesitated shivering and frail among the scrap-iron-mending locusts.
LE DEMI-CHŒUR
Le crépuscule hésitait frissonnant et fragile parmi les criquets rapiéceurs de ferraille.
NARRATRESS
May he sleep.
LA RÉCITANTE
Qu’il dorme.
NARRATOR
Let him sleep.
LE RÉCITANT
Laissez-le dormir.
CHORUS
Mornes*, tunics with river-girded loins.
LE CHŒUR
Mornes, tuniques aux reins ceints de rivières.
NARRATRESS
May he sleep.
LA RÉCITANTE
Qu’il dorme.
NARRATOR
Let him sleep.
LE RÉCITANT
Laissez-le dormir.
CHORUS
April mango tree, drawn swords, islands.
LE CHŒUR
Manguier d’avril, armes claires, îles.
NARRATOR
let him ripen in the beautiful pod of sleep.
LE RÉCITANT
laissez-le mûrir dans la belle gousse du sommeil.
NARRATRESS
Let him sleep,
in his sleep there are islands, islands like the sun, islands like a long bread loaf on the water, islands like a woman’s breast, islands like a well-made bed, islands as warm as a hand, islands with a champagne and woman lining. . . Ah, let him sleep . . . sleep. . .
LA RÉCITANTE
Laissez-le dormir,
dans son sommeil il y a des îles, des îles comme le soleil, des îles comme un pain long sur l’eau, des îles comme un sein de femme, des îles comme un lit bien fait, des îles tièdes comme la main, des îles à doublure de champagne et de femme… Ah, laissez-le dormir… dormir…
THE REBEL (trying to rise then falling back).
And let me, let me cry out to my heart’s content the good drunken cry of revolt, I want to be alone in my skin,
I recognize nobody’s right to inhabit me,
do I not have the right to be alone between the wall of my bones?
LE REBELLE (tâchant de se relever puis tombant).
Et laissez-moi, laissez-moi crier à ma suffisance le bon cri saoul de la révolte, je veux être seul dans ma peau,
je ne reconnais à personne le droit de m’habiter,
est-ce que je n’ai pas le droit d’être seul entre la paroi de mes os ?
and I protest and I want no guest, it’s terrible,
I cannot take a step without being seized
From the ravine, from the mountain, from the bayahonde*, chewing cane stalks, sucking on ciruelas*. . .
et je proteste et je ne veux pas d’hôte, c’est terrible,
je ne peux faire un pas sans que je sois agrippé
Du ravin, de la montagne, du bayahonde, mâchant de la canne, suçant des cirouelles…
The statue we are trying to erect, comrades, the most beautiful of statues. It is for absolute hearts bearing it its arms our greatest despair from so much trembling, in air heavy and emptied of birds, the most beautiful of statues, the only one on which the nettle does not sprout: solitude
La statue que nous sommes en train d’ériger, camarades, la plus belle des statues. C’est pour les cœurs absolus avec sur les bras notre très grand désespoir à force de frémir, dans l’air lourd et dégagé d’oiseaux, la plus belle des statues, la seule où ne pousse pas l’ortie : la solitude
SECOND MADWOMAN
Quiet, dog; die then. enough, enough.
DEUXIÈME FOLLE
Tou-coi, chien ; meurs donc. assez, assez.
NARRATRESS
May he sleep. Let the sandy porpoises advance among the high shards of the storm toward the young and cavalier foam. . .
LA RÉCITANTE
Qu’il dorme. Laissez les marsouins sablonneux s’avancer entre les hauts tessons de l’orage vers la mousse jeune et cavalière…
NARRATOR
A horse . . . empty stirrups strike its flanks.
LE RÉCITANT
Un cheval… contre ses flancs battent les étriers vides.
NARRATRESS
However much I open my eyes, my path shows no tracks, my eye no rut, the brotherhood is so great: a dusk of arum lilies full of hungers of pollen and of avian delirium.
LA RÉCITANTE
J’ai beau ouvrir les yeux, mon chemin est sans empreinte, mon œil sans ornière, la fraternité est si grande : un crépuscule d’arum plein de faims de pollen et de délires d’oiseaux.
NARRATOR (confidentially)
did I dream it? it was a clamored city paved with dolphin games and raffia apples whose sensitive breasts registered the least failings of love. . .
LE RÉCITANT (confidentiel)
l’ai-je rêvée ? c’était une ville clamée dont le pavé était des ébats de dauphins et des pommes de raphia dont la poitrine sensible marquait les moindres fléchissements de l’amour…
NARRATRESS
Oh, I never dream . . . and the air is lighter. And rumors will come to me deafened by several centuries. And I shall gather them in my breast of silence until the day when shall thrash at my feet this beautiful breathless fish in its luxuriant agony of a beast more golden and smooth than all other beasts . . . vengeance. . .
LA RÉCITANTE
Oh, je ne rêve jamais… et l’air s’est allégé. Et les bruits m’arriveront assourdis de plusieurs siècles. Et je les recueillerai sur ma poitrine de silence jusqu’à ce que vienne se débattre à mes pieds ce beau poisson essoufflé dans son agonie luxuriante de bête plus dorée et plus lisse que toutes les autres bêtes… la vengeance…
CHORUS
I am the sacred tambourine* player, the one who in the tentative light and musty odors with an assured gesture strikes his ligneous palm and the mallet, he is the king of dawns and gods, he is the red fisherman of things deep and black.
LE CHŒUR
je suis le tambourinaire sacré, il est celui qui dans l’éclairage tâtonnant et les relents lance d’un geste sûr sa paume ligneuse et le maillet, il est le roi des aubes et des dieux, il est le pêcheur roux des choses profondes et noires.
SEMI-CHORUS (distractedly)
. . .a sunspot ripened golden and rosy on the skin of the water.
LE DEMI-CHŒUR (absent)
… une tache de soleil mûrissait d’or et rose sur la peau de l’eau.
SEMI-CHORUS (distractedly)
Ho, ho, there was a salmon-colored bougainvillea and the long clear grey of a liana swollen with blue venom in the constrictor embrace of a palm tree.
LE DEMI-CHŒUR (absent)
Ho, ho, il y avait un bougainvillier saumon et le long gris clair d’un palmier l’embrassement constrictor d’une liane gorgée de venin bleu.
CHORUS
A just dawn was minting a smile
A just dawn was minting hope
A just dawn was minting simple words clearer than the moldboard of a plow
LE CHŒUR
Une aube juste battait sourire
Une aube juste battait espoir
Une aube juste battait de simples paroles plus claires que des socs de charrue…
and it is always for us the season of rains
and of venomous beasts
and of women who collapse pregnant from hoping. . .
et c’est toujours pour nous la saison des pluies
et des bêtes venimeuses
et des femmes qui s’écroulent enceintes d’avoir espéré…
CHORUS
Have you risen?
LE CHŒUR
T’es-tu levé ?
THE REBEL
I have risen.
LE REBELLE
Je me suis levé.
CHORUS
Have you risen according to custom?
LE CHŒUR
T’es-tu levé comme il convient ?
THE REBEL
According to custom
LE REBELLE
Comme il convient
CHORUS
And it is true; a thousand times true hail dead leaf
LE CHŒUR
Et c’est vrai ; c’est mille fois vrai salut feuille morte
THE REBEL
Shadows of the dungeon I hail you
LE REBELLE
Ténèbres du cachot je vous salue.
A JAILOR (to the audience)
Look at him, a perfect cartoon, the crestfallen expression, the mushy face, the timid hands, hypocritical and cunning leader of a people of savages, pathetic guide of a race of demons, cunning calculator lost among the frenzied
UN GEÔLIER (au public)
Regardez-le, caricatural à souhait, la mine déconfite, la face blette, les mains frileuses, chef hypocrite et sournois d’un peuple de sauvages, triste conducteur d’une race de démons, calculateur sournois égaré parmi des frénétiques
THE REBEL
Bound like an ensign at the high end of the country, I do not sob, I appeal.
LE REBELLE
Attaché comme une enseigne au haut bout du pays, je ne sanglote pas, j’appelle.
JAILOR
We have mined the echo, your words shall burn like turds.
LE GEÔLIER
Nous avons miné l’écho, tes paroles brûleront comme des excréments.
THE REBEL
I acclimated a tree of sulphur and lava for a vanquished people
The race of earth the race ground into the earth is known for its feet
Congo and Mississipi2 flow with gold
LE REBELLE
J’ai acclimaté un arbre de soufre et de laves chez un peuple de vaincus
La race de terre la race par terre est connue des pieds
Congo et Mississipi coulez de l’or
flow with blood
the race of earth, the race of ashes is walking
feet on the road explode from saltpeter chiggers
coulez du sang
la race de terre, la race de cendre marche
les pieds de la route explosent de chiques de salpêtre
JAILER
Prisoner you shall expiate for hunger, for solitude, for despair
LE GEÔLIER
Tu expieras prisonnier de la faim, de la solitude, du désespoir
THE REBEL
No. The landscape poisons me with the aconites of its alphabet. Blind, I divine my eyes and the cloud at the head of the old black man I saw broken on the wheel in a public square, the lowering sky is an oven, the wind rolls burdens and sobs of sweaty skin, the wind is contaminated by whips and barrels and hanged men populate the sky with aceras* and there are bulldogs with bloody coats and ears . . . ears . . . boats made of severed ears gliding on the setting sun.
Go away man, I am alone and the sea is a shackle on my galley slave foot.
LE REBELLE
Non. Le paysage m’empoisonne des aconits de son alphabet. Aveugle, je devine mes yeux et le nuage a la tête du vieux nègre que j’ai vu rouer vif sur une place, le ciel bas est un étouffoir, le vent roule des fardeaux et des sanglots de peau suante, le vent se contamine de fouets et de futailles et les pendus peuplent le ciel d’acéras et il y a des dogues le poil sanglant et des oreilles… des oreilles… des barques faites d’oreilles coupées qui glissent sur le couchant.
Va-t’en homme, je suis seul et la mer est une manille à mon pied de forçat.
CHORUS
Pity, I ask for pity
LE CHŒUR
Pitié, je demande pitié
THE REBEL
Who said pity?
who is trying with this incongruous word to wipe the black-and-fire board? who asks for pardon?
Do I ask my blind eyes for pardon?
do I not endure my irreparable visions?
and I have no need of a harpoon. And I have no need of a poleaxe.
No pardon.
with my heart I brought up to the surface the ancient flint, the old amadou deposited by Africa in the depths of my being.
LE REBELLE
Qui a dit pitié ?
qui essaie par ce mot incongru d’effacer le tableau noir et feu ? qui demande grâce ?
Est-ce que je demande grâce à mes yeux aveuglés ?
est-ce que je ne subis pas mes visions irréparables ?
et je n’ai pas besoin de harpon. Et je n’ai pas besoin de merlin.
Pas de pardon.
j’ai remonté avec mon cœur l’antique silex, le vieil amadou déposé par l’Afrique au fond de moi-même.
I hate you. I hate you all.
And my hatred shall not die.
As long as the obese sun shall mount the old nag of the Earth.
And now the living past exfoliates itself
the past shreds like a banana leaf.
the cataclysm with its scalped head, its brain of cogwheels of larvae and of watches
je te hais. Je vous hais.
Et ma haine ne mourra pas.
Aussi longtemps que le soleil obèse chevauchera la vieille rosse de la Terre.
Et maintenant le passé se feuille vivant
le passé se haillonne comme une feuille de bananier.
le cataclysme à la tête de scalp, à la cervelle de rouages de larves et de montres
according to the luck of fables,
according to the luck of expiatory victims
awaits
its eyes capsized by magnetic palavers.
Freedom, freedom,
I shall dare to bear alone the light of this wounded head.
(The messenger enters).
au hasard des fables,
au hasard des victimes expiatrices
attend
les yeux chavirés de palabres magnétiques.
Liberté, liberté,
j’oserai soutenir seul la lumière de cette tête blessée.
(Entre le messager).
CHORUS
Ah, here is the worthy messenger of that greedy race.
their pallid complexion has been woven from gold and silver.
their bestial noses have been hooked by waiting for their prey
their cold eyes harbor a steely gleam
Ah, it is a velvetless race.
Ah, voici le digne messager de cette race cupide.
l’or et l’argent ont tissé leur teint pâle.
l’attente de la proie a busqué leur nez fauve
l’éclat de l’acier niche en leurs yeux froids
Ah, c’est une race sans velours.
MESSENGER
Hail.
LE MESSAGER
Salut.
THE REBEL
O my limbs of botched walls
you will not extinguish with fatigue and cold
my smoking scream my intact scream of a trapped animal.
LE REBELLE
Ô mes membres de mur bousillé
vous n’éteindrez pas de fatigue et de froid
> mon cri fumant mon cri intact d’animal pris au piège.
MESSENGER
I said hail.
LE MESSAGER
J’ai dit salut.
THE REBEL
who calls me? I listen I listen not.
in my head there is a river of mud of bleaks of disturbed green things, of dead birds, of yellow bellies,
of crisscrossed meowings spurted right out of the gag
LE REBELLE
qui m’appelle ? j’écoute je n’écoute pas.
il y a dans ma tête une rivière de boue d’ablettes de choses troubles et vertes, d’oiseaux morts, de ventres jaunes,
des miaulements entre-croisés giclés très près du bâillon
my convulsed years painted in fire
turntables of swamps of craters of raped girls
in my ears there is
the firing squad in the caponiers of morning.
mes années convulsées peintes en feu
des plaques tournantes de marécages de cratères de fillettes violées
il y a dans mes oreilles
le peloton d’exécution dans les caponnières du matin.
NARRATOR
a warlike trumpet has rung through the air: it spat out dust and smoke.
LE RÉCITANT
une trompette guerrière a passé dans les airs : elle crachait de la poussière et de la fumée.
NARRATOR
monkeys were cavorting around the human-faced* lion.
LE RÉCITANT
des singes gambadaient autour du lion à face d’homme.
THE REBEL
I fear nothing my friends
today is a day of complicity.
LE REBELLE
je ne crains rien mes amis
aujourd’hui est un jour de connivence.