The Complete Poetry of Aimé Césaire
Page 28
and I drank urine, trampled, betrayed, sold
and I ate excrement
and I acquired the strength to speak
louder than rivers
louder than disasters
et j’ai attendu en san-benito l’heure de l’auto-da-fé
et j’ai bu de l’urine, piétiné, trahi, vendu
et j’ai mangé des excréments
et j’ai acquis la force de parler
plus haut que les fleuves
plus fort que les désastres
JAILER
How about that the coon is mocking us . . . sure he’s pretending to be mad.
harder, harder still. . .
(He strikes).
LE GEÔLIER
Dis donc il se fout de nous le moricaud… bien sûr qu’il fait le fou.
plus fort, encore plus fort…
(Il frappe).
THE REBEL
Strike . . . strike overseer . . . strike till the blood runs . . . an unmoaning race was born in the furrows . . . strike ‘til you wear yourself out.
LE REBELLE
Frappe… frappe commandeur… frappe jusqu’au sang… il est né du sillon une race sans gémissements… frappe et lasse-toi.
JAILER’S WIFE
blockhead; what a blockhead. I tell you he’s a blockhead . . . a funny race these niggers . . . do you think our blows cause him pain? In any case it doesn’t show (she strikes). Oh, oh. his blood is flowing.
LA GEÔLIÈRE
bûche ; quelle bûche. c’est une bûche te dis-je… une drôle de race ces nègres… crois-tu que nos coups lui fassent mal ? en tout cas ça ne marque pas (elle frappe). Oh, oh, son sang coule.
JAILER
he’s trying to frighten us, let’s leave. . .
LE GEÔLIER
il essaie de nous faire peur, allons-nous en…
JAILER’S WIFE
Ah, he’s really out of his mind . . . I could die laughing . . . Say isn’t red blood on black skin funny.
LA GEÔLIÈRE
Ah, il déraille sérieusement… c’est à mourir de rire… Dis c’est marrant le sang rouge sur la peau noire.
THE REBEL (with a start).
severed hands . . . spurting brain . . . soft carrion
why remain beneath the rain of venomous scorpions?
anteaters lost in epochs lick on the urban pavement aquamarine ants. Opossums look between the joints of equinoxes for
a russet tree a silver tree
a volition is convulsed in the muddy putty of fatalities and in the hide-and-seek of glowworms
(He collapses moaning).
LE REBELLE (sursautant).
des mains coupées… de la cervelle giclante… de la charogne molle
pourquoi rester sous la pluie de scorpions venimeux ?
les tamanoirs égarés dans les époques lapent au pavé des villes des fourmis d’aigue-marine. Les sarigues cherchent entre le joint des équinoxes
un arbre roux un arbre d’argent
une volonté se convulse dans le mastic bourbeux des fatalités et le cache-cache des vers luisants
(Il s’écroule en gémissant).
NARRATRESS
what a night; what a wind: it’s as though the wind and the night were struggling furiously: great shadowy masses collapse with the entire sky panel and the cavalry of wind rushing into flight whipped by a hundred thousand burnouses.
(Snatches of spirituals are heard on the wind).
LA RÉCITANTE
quelle nuit ; quel vent : c’est comme si le vent et la nuit s’étaient furieusement battus : de grosses masses d’ombre s’écroulent avec tout le panneau du ciel et la cavalerie du vent se précipite au vol fouetté de ses cent mille burnous
(Le vent apporte des bribes de spirituals).
THE REBEL
Everything is fading, everything is crumbling
all that I care for now are my recollected skies
all that I have left is a stairway to descend step by step
all that I have left is a little stolen ember rose
a scent of naked women
a country of fabulous explosions
an icecap’s peal of laughter
a necklace of desperate pearls
Tout s’efface, tout s’écroule
il ne m’importe plus que mes ciels mémorés
il ne me reste plus qu’un escalier à descendre marche par marche
il ne me reste plus qu’une petite rose de tison volé
qu’un fumet de femmes nues
qu’un pays d’explosions fabuleuses
qu’un éclat de rire de banquise
qu’un collier de perles désespérées
an obsolete calendar
the taste, the vertigo the luxury of exhilarating sacrilege
Kings magi
eyes protected by three rows of honeycombed eyelids
salt of grey noons
distilling thorn by thorn a meager road
a wild path
a stratum of regrets and expectations
qu’un calendrier désuet
que le goût, le vertige le luxe du sacrilège capiteux
Rois mages
yeux protégés par trois rangs de paupières gaufrées
sel des midis gris
distillant ronce par ronce un maigre chemin
une piste sauvage
gisement des regrets et des attentes
phantoms caught in the crazed circles of black-blooded rocks
I am thirsty
oh, I am thirsty
questing for peace and verdant light
I have plunged throughout the pearly season
into the sewers
without seeing anything
burning
fantômes pris dans les cercles fous des rochers de sang noir
j’ai soif
oh, comme j’ai soif
en quête de paix et de lumière verdie
j’ai plongé toute la saison des perles
aux égouts
sans rien voir
brûlant
NARRATRESS
curses crushed by stones throb across the path with heavy toad eyes; a great demented noise shakes the island by its sky, tragic bones unroll against nature, a poorly drained and unhealthy night circumnavigates the world.
LA RÉCITANTE
des malédictions écrasées sous des pierres palpitent en travers du chemin avec de lourds yeux de crapauds ; un grand bruit dément secoue l’île par le ciel, les os tragiques se déroulent contre nature, une nuit mal drainée et malsaine fait le tour du monde.
CHORUS
I recall the morning of the isles
morning was kneading almond and glass
thrushes were laughing in the pod tree
and the cane juice did not smell bad
no
in the fruity morning
LE CHŒUR
je me souviens du matin des îles
le matin pétrissait de l’amande et du verre
les grives riaient dans l’arbre à graines
et le vesou ne sentait pas mauvais
non
dans le matin fruité
THE REBEL
I search for the traces of my power like one who in the bush searches for the lost tracks of a great herd and I sink to my knees in the tall grasses of blood.
pitiable gods debonaire faces, long dangling arms expelled from a paradise of rum, ashy palms visited by bats and sleep-walking packs
Rise, fumes, illuminate the disaster. . .
LE REBELLE
je cherche les traces de ma puissance comme un dans la brousse les traces perdues d’un grand troupeau et j’enfonce à mi-jambes dans les hautes herbes du sang.
pauvres dieux faces débonnaires, bras trop longs chassés d’un paradis de rhum, paumes cendreuses visitées de chauves-souris et de meutes somnambules
Montez, fumées, éclairez le désastre…
I have bled in secret corridors, onto the churned
-open battlegrounds
And
I advance, ungilded fly great voracious malicorne* insect
attracted by the succulence of my own saw-toothed skeleton,
legacy of my assassinated body violent across the bars of the sun
j’ai saigné dans les couloirs secrets, sur le sol grand ouvert des batailles
Et
je m’avance, mouche dédorée grand insecte malicorne et vorace
attiré par les succulences de mon propre squelette en dents de scie,
legs de mon corps assassiné violent à travers les barreaux du soleil
NARRATOR
dismembered, scattered about
in the soil in the coverts
gutted poem
emigration of doves, sprinkled with brandy burned. . .
LE RÉCITANT
dépecé, éparpillé
dans les terrains dans les halliers
poème éventré
émigration de colombes, brûlées arrosées d’eau-de-vie…
NARRATRESS
The island bleeds
LA RÉCITANTE
L’île saigne
NARRATOR
The island bleeds
LE RÉCITANT
L’île saigne
NARRATRESS
cul-de-sac of poverty of solitude of stinking weeds
LA RÉCITANTE
cul de sac de misère de solitude d’herbe puante
THE REBEL
the caiman the torches the flags
and the Amazon erect with heveas
and the moons fallen like winged seeds into the warm compost of the sky
my soul swims at the very heart of the maelstrom
where strange monograms sprout
a drowned man’s phallus a tibia a sternum
(Now the prison is filled with Martenot* waves, massive hallucinatory shadows and nightmarish somber visions).
LE REBELLE
le caïman les torches les drapeaux
et l’Amazone debout d’hévéas
et les lunes tombées comme des graines ailées dans l’humus tiède du ciel
mon âme nage en plein cœur de mælström
là où germent d’étranges monogrammes
un phallus de noyé un tibia un sternum
(Ici la prison est envahie d’ondes Martenot*1 et des grandes ombres de l’hallucination et des réalités sombres du cauchemar).
FIRST SUBTERRANEAN VOICE
O king
PREMIÈRE VOIX SOUTERRAINE
Ô roi
SECOND SUBTERRANEAN VOICE
Arise o king
DEUXIÈME VOIX SOUTERRAINE
Ô roi debout
FIRST WHISPERING
horses of the night
PREMIER CHUCHOTEMENT
chevaux de la nuit
SECOND WHISPERING
Take him away, take him away
DEUXIÈME CHUCHOTEMENT
Entraînez-le, entraînez-le
THE REBEL
do they expect to have me like the wild sow and her young?
to extirpate me like a root without descendants?
defeated,
Africa, America Europe, I hide a frenzy beneath the leaves
of my self-satisfaction;
I hold the key to perturbations
sheltered from fury-flanked hearts
LE REBELLE
est-ce qu’ils croient m’avoir comme la laie et le marcassin ?
m’extirper comme une racine sans suite ?
vaincu,
Afrique, Amérique Europe, j’ai de la frénésie cachée sous les feuilles
à ma suffisance ;
je tiens à l’abri des cœurs à flanc de furie
la clé des perturbations
and all to destroy
sulphur my brother, sulphur my blood
will spill out in the proudest city centers
its perfumed effluvia
the charisma of its grace
useless to contradict me
I hear nothing
nothing other than the catastrophes that rise to the relief of cities
et tout à détruire
le soufre mon frère, le soufre mon sang
répandra dans les cités les plus orgueilleuses
ses effluves parfumées
les charismes de sa grâce
inutile de me contredire
je n’entends rien
rien que les catastrophes qui montent à la relève des villes
FIRST CELESTIAL VOICE
Sunflowers of the shadow, incline your compass faces toward the blackest of midnights. . .
PREMIÈRE VOIX CÉLESTE
Tournesols de l’ombre, inclinez vos faces de boussoles vers le plus noir des minuits…
SECOND CELESTIAL VOICE
let tortures be invented for me, let the oliphant sound, strand of rope
strand of rope
DEUXIÈME VOIX CÉLESTE
que l’on m’invente des tortures, que l’on sonne l’olifant, fil de toron
fil de toron
CHORUS (subterraneously)
here is my hand. here is my hand
my cool hand, my hand a fountain of blood
my hand of kelp and iodine
my hand of light and vengeance. . .
LE CHŒUR (souterrain)
voici ma main. voici ma main
ma main fraîche, ma main de jet d’eau de sang
ma main de varech et d’iode
ma main de lumière et de vengeance…
THE REBEL
Gods of the nether world, benevolent gods
I bring only my devastated mug
the buzzing of living flesh
here I am. . .
(Pause).
LE REBELLE
Dieux d’en bas, dieux bons
j’emporte dans ma gueule délabrée
le bourdonnement d’une chair vivante
me voici…..
(Pause).
a rumble of chains of carcans rises from the sea. . .
a gurgling of the drowned from the green belly of the sea . . . a crackling
of fire a whip cracking, screams of the murdered. . .
. . .the sea is burning
or it is the tow of my blood that is burning
Oh the scream . . . always this scream bursting from the mornes . . . and the drums rutting and the wind swells vainly with the tender odor of the musty ravine
with breadfruit trees with sugar mills with bagasse harassed by fruit flies. . .
une rumeur de chaînes de carcans monte de la mer…
un gargouillement de noyés de la panse verte de la mer… un claquement
de feu un claquement de fouet, des cris d’assassinés…
… la mer brûle
ou c’est l’étoupe de mon sang qui brûle
Oh le cri… toujours ce cri fusant des mornes… et le rut des tambours et vainement se gonfle le vent de l’odeur tendre du ravin moisi
d’arbres à pain de sucreries de bagasse harcelée de moucherons…
Earth my mother I have understood your cloak and dagger language
my brothers the maroons* with the bit in their teeth
my brothers their feet out of the enclosure and in the torrent
my sister the shooting star, my brother the ground glass
my brother the bloody kiss to the severed head on the silver platter
and my epizootic sister and my epileptic sister
my friend the kite
my friend the conflagration
Terre ma mère j’ai compris votre langage de cape et d’épée
mes frères les marrons le mors au dent
mes frères les pieds hors clôture et dans le torrent
ma sœur l’étoile filante, mon frère le verre pilé
mon frère le baiser de sang de la tête coupée au plat d’argent
et ma sœur l’épizootie et ma sœur l’épilepsie
mon ami le milan
mon ami l’incendie
each drop of my blood explodes in the tubulure of my veins
and my brother the pistol-paunched volcano
and my brother the precipice without a balisier ramp
and my mother the madness of smoke and heresy herbs
of crusade and baton feet
of dry season and never hands
and of jujube and of perturbation and of bayoneted sun
(The Rebel starts to walk, to crawl, to run among imaginary thickets, naked warriors leap out, a tom-tom is heard in the distance).
chaque goutte de mon sang explose dans la tubulure de mes veines
et mon frère le volcan aux panses de pistolet
et mon frère le précipice sans rampe de balisiers
et ma mère la folie aux herbes de fumée et d’hérésie
aux pieds de croisade et de bâton
aux mains d’hivernage et de jamais
et de jujubier et de perturbation et de soleil bayonnetté
(Le Rebelle se met à marcher, à ramper, à courir dans d’imaginaires broussailles, des guerriers nus bondissent, un tam-tam bat lointainement).
NARRATRESS
O the dance of nameless stars . . . the savannas come alive . . . the rains steam . . . unknown trees fall flattened by lightning
LA RÉCITANTE
Ô la danse des étoiles sans nom… les savanes s’animent… les pluies fument… des arbres inconnus tombent palmés de foudre
NARRATOR
What is she saying? what is she saying?
(At this point the Rebel straightens up).
LE RÉCITANT
Qu’est-ce qu’elle dit ? qu’est-ce qu’elle dit ?
(À ce moment le Rebelle se redresse).
THE REBEL
Caterpillars crawl toward the cotton bonnet inn. . . The earth’s vat is extinguished . . . that’s all right . . . but the sky is eating betel nuts . . . ha, ha the sky is sucking on daggers. . . King of Malaysia and of insect-infested fever, chew well your kriss and your betel. . . My son, my son a bullet is rotting amid your white smiles . . . ouch, I’m walking on starry thorns. I walk. . . I accept responsibility. . . I embrace. . .