The Complete Poetry of Aimé Césaire
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tous
dieu merci mon cœur est plus sec que l’harmattan, toute obscurité m’est proie
toute obscurité m’est due, et toute bombe joie.
You Nubian vultures at your hovering and pecking stations over the forest and as far as the cavern whose door is a triangle
whose guardian is a dog
whose life is a chalice
whose virgin is a spider
whose rare wake is a lake for standing upright on the descant roads of stormy nixies
Vous oricous à vos postes de tournoiement et de bec au-dessus de la forêt et jusqu’à la caverne dont la porte est un triangle
dont le gardien est un chien
dont la vie est un calice
dont la vierge est une araignée
dont le sillage rare est un lac à se mettre debout sur les chemins de déchant des nixes orageuses
Lynch I
Lynch I
Why does spring grab me by the throat? what does it want of me? so what if it does not have enough spears and banners! I jeer at you spring for flaunting your blind eye and your bad breath. Your debauchery your corrupt kisses. Your peacock’s tail makes spirit tables turn with patches of jungle (fanfares of marching sap) but my liver is more acidic and my venefice stronger than your malefice. Lynch it’s 6 PM in the mud of the bayou it’s a black handkerchief fluttering atop a pirate ship mast it’s the strangulation point of a fingernail in the carmine of an interjection it’s the pampa it’s the queen’s ballet it’s the sagacity of science it’s the unforgettable coitus. O lynch salt mercury and antimony! Lynch is the blue smile of a dragon enemy of angels lynch is an orchid too lovely to bear fruit lynch is an entry into matter lynch is the hand of the wind bloodying a forest whose trees are Galli* brandishing in their hands the living flame of their castrated phalli, lynch is a hand sprinkled with the dust of precious stones, lynch is a release of hummingbirds, lynch is a lapse, lynch is a trumpet blast a broken gramophone record a cyclone’s tail dragged by the pink beaks of raptors. Lynch is a gorgeous chevelure that dread flings into my face lynch is a temple destroyed by roots and gripped by a virgin forest. O lynch loveable companion beautiful squirted eye huge mouth mute unless a jerking there spills the delirium of mucus weave well, lightning bolt, on your loom a continent exploding into islands an oracle contortedly slithering like a scolopendra a moon settling in the breech the sulfur peacock ascending in the succinct murderess-hole of my assassinated hearing.
Pourquoi le printemps me prend-il à la gorge ? que me veut-il ? et quand bien même il n’aurait pas assez de lances et de fanions ! Je te conspue printemps d’afficher ton œil borgne et ton haleine mauvaise. Ton stupre tes baisers infâmes. Ta queue de paon fait les tables tournantes avec des pans de jungle (fanfares de sèves en marche) mais mon foie est plus acide et mes vénéfices plus forts que tes maléfices. Le lynch c’est six heures du soir dans la boue des bayous c’est un mouchoir noir agité au haut du mât d’un bateau pirate c’est le point de strangulation de l’ongle au carmin d’une interjection c’est la pampa c’est le ballet de la reine c’est la sagacité de la science c’est le coït inoubliable. Ô lynch sel mercure et antimoine ! Le lynch est le sourire bleu d’un dragon ennemi des anges le lynch est une orchidée trop belle pour porter de fruits le lynch est une entrée en matière le lynch c’est la main du vent ensanglantant une forêt dont les arbres sont des galles qui brandissent dans leur main le flambeau vif de leur phallus châtré, le lynch est une main saupoudrée de poussière de pierres précieuses, le lynch est un lâcher de colibris, le lynch est un lapsus, le lynch est un coup de trompette un disque fêlé de gramophone une queue de cyclone à la traîne portée par des becs roses d’oiseaux rapaces. Le lynch est une belle chevelure que l’effroi rejette sur mon visage le lynch est un temple ruiné par les racines et sanglé de forêt vierge. Ô lynch aimable compagnon bel œil giclé large bouche muette hormis qu’un branle y répand le délire d’une morve tisse bien, éclair, sur ton métier un continent qui éclate en îles un oracle qui glisse en contorsion en scolopendre une lune qui installe sur la brèche le paon de soufre qui se lève dans la meurtrière sommaire de mon ouïe assassinée.
Devourer
Dévoreur
The buckler of mollusks
the mandibles of ants
the great games of mimicry for unmasking phasmids and pharaoh ants
the dialectic of copper
matutinal aldebaran*
Le bouclier des mollusques
les mandibules des fourmis
les grands jeux du mimétisme à jeter bas le masque des phasmes et des pharaons
la dialectique du cuivre
l’aldébaran matutinal
can it be that
life and death face off
a leaf badly played disseminated by the wind
se peut-il que fasse
face de vie ou de mort
une feuille mal jouée publiée par le vent
goes hawksbill overturned by the sand’s perfidious hand
clast iconoclast thunder of nameless no
battering ram and belfry
the date chosen for all great spring offensives
cursor
va caret couché sur le dos par la main perfide du sable
claste iconoclaste tonnerre de non sans noms
bélier et beffroi
date choisie pour toutes les grandes offensives de printemps
coureur
precursor
I’ve eaten my prey
and my eyes have grown like yams in an original field
my eyes are harder than stone
avant-coureur
j’ai mangé ma proie
et mes yeux ont poussé comme des ignames d’un champ inédit
mes yeux sont plus durs que la pierre
my eyes have crucified have lapidated have flagellated my brain
my brain comes and goes
in the white blouse of logarithms
mes yeux ont mis en croix ont lapidé ont flagellé ma cervelle
ma cervelle va et vient
en blouse blanche de logarithmes
and since we are talking about the economy of thought
hold on devourer*
space and time loveable serpents pincer to pincer create a fornication too beautiful for the exhaustion of their venom vesicle giving birth in the voluble face of silence and of echo to a munificent spawn of umbilici and mushrooms
the distribution of heat intensifies in collective proportions along the bar that I heat and fecundate with the haggard sap of my breath
et puisque nous parlons d’économie de pensée
tiens dévoreur
l’espace et le temps aimables serpents pince contre pince font une fornication trop belle pour l’épuisement de leur vésicule à venin enfantant à la face volubile de silence et d’écho un frai munificent d’ombilics et de champignons
la distribution de la chaleur s’intensifie à des proportions collectives le long de la barre que je chauffe et féconde du suc hagard de mon haleine
The Law Is Naked
La loi est nue
Bays winged I walked on the rumbling heart of the excellent spring
from whom have I ever conned a woman
other than a long cry and under my tug of milk
other than an earth fleeing wounded and reptile between the forest’s teeth
Baies ailées j’ai marché sur le cœur grondant de l’excellent printemps
de qui ai-je jamais soutiré autre femme
qu’un long cri et sous ma traction de lait
qu’une terre s’enfuyant blessée et reptile entre les dents de la forêt
clear overflowing from the gush
here I am
in the backwaters
and cooing your scrupulous doves
seated a real dish for the birds
net trop plein du jet
me voici
dans les arrières des eaux
et roucoulant vos sc
rupuleuses colombes
assis mets vrai pour les oiseaux
let all the woofs in vain be knotted
let all the prayer wheels turn to the left
let all the rivers hurl into the cities’ faces the hot and supple glove of a bundle of black mules and tresses
que toutes les trames en vain se nouent
que tous les moulins à prière à gauche tournent
que tous les fleuves lancent à la face des villes le gant souple et chaud d’un paquet de mules noires et de tresses
But hush female cries. So soft one might think it a roughcast invented for my fingers’ damaging excavation. Hush. All of you close the door against the dromedaries. There are no more milking machines for the morning that has yet to rise. I have blue hands that stop everything. My tongue is blue. Blue my gold and the arrogance of the blood of the damned who turn their heads toward me. If you knew. I have overturned all the stones all the pains all the prayers. Quickly! meteor in the comet’s wings. Meteor in the amethyst’s heart give me the password
Mais paix cris de femelle. Si douce on la croirait un crépi inventé pour la fouille attentatoire de mes doigts. Paix. Vous tous fermez la porte aux dromadaires. Il n’y a plus de machine à traire le matin qui n’est pas encore monté. J’ai des mains bleues qui tout arrêtent. Ma langue est bleue. Bleus mon or et l’orgueil du sang des maudits qui tournent vers moi la tête. Si vous saviez. J’ai renversé toutes les pierres toutes les peines toutes les prières. Vite ! météore aux ailes de comète. Météore au cœur d’améthyste donne-moi le mot de passe
meteor in the heart of the friable pelican
meteor returning every ten years to the scene of the crime
meteor Siberian pilgrim
all my pebbles are made of offense
No oil at all.
The law is naked.
météore au cœur de pélican friable
météore qui revient tous les dix ans sur les lieux du crime
météore pèlerin de Sibérie
tous mes cailloux sont d’offense
Point d’huile.
La loi est nue.
Rain
La pluie
After I had by iron by fire by ash visited the most celebrated places in history after I had by ash fire earth and stars courted with my wild dog and leech-like claws the authoritarian field of protoplasms
Après que j’eus par le fer par le feu par la cendre visité les lieux les plus célèbres de l’histoire après que j’eus par la cendre le feu la terre et les astres courtisé de mes ongles de chien sauvage et de ventouse le champ autoritaire des protoplasmes
I found myself as usual in the old days in the middle of a factory of vipers’ knots in a ganges of cacti in an elaboration of thorny pilgrimages—and as usual I was salivated by limbs and tongues born a thousand years before the earth—and as usual I made my morning prayer the one that protects me from the evil eye and that I address to the rain under the aztec color of its name
Je me trouvai comme à l’accoutumée du temps jadis au milieu d’une usine de nœuds de vipère dans un gange de cactus dans une élaboration de pèlerinages d’épines – et comme à l’accoutumée j’étais salivé de membres et de langues nés mille ans avant la terre – et comme à l’accoutumée je fis ma prière matinale celle qui me préserve du mauvais œil et que j’adresse à la pluie sous la couleur aztèque de son nom
Rain who so gently washes a perverse injection from the earth’s academic vagina
All-powerful rain who on the chopping block makes the fingers of the rocks leap
Rain who force-feeds an army of worms no mulberry forest could nourish
Pluie qui si gentiment laves l’académique vagin de la terre d’une injection perverse
Pluie toute puissante qui fais sauter le doigt des roches sur le billot
Pluie qui gaves une armée de vers comme n’en saurait nourrir une forêt de mûriers
Rain inspired strategist who pushes across the mirror of the air your zigzag army of numberless riverbanks that cannot not surprise the best-kept boredom
Rain wasp nest beautiful milk whose piglets we are
Rain I see your hair which is a perpetual explosion of sandbox tree fireworks
Pluie stratège génial qui pousses sur la glace de l’air ton armée de zigzags de berges innombrables qui ne peut pas ne pas surprendre l’ennui le mieux gardé
Pluie ruche de guêpes beau lait dont nous sommes les porcelets
Pluie je vois tes cheveux qui sont une explosion continue d’un feu d’artifice de hura-crépitans
your hair of misinformation promptly denied
Rain who in your most reprehensible excesses takes care not to forget that Chiriqui maidens pull suddenly from their night corsage a lamp of thrilling fireflies
tes cheveux de fausses nouvelles aussitôt démenties
Pluie qui dans tes plus répréhensibles débordements n’as garde d’oublier que les jeunes filles du Chiriqui tirent soudain de leur corsage de nuit une lampe faite de lucioles émouvantes
Inflexible rain who lays eggs whose larvae are so proud that nothing can make them mount the stern of the sun and salute it like an admiral
Rain who is the array of fresh fish behind which urbane races hide to watch victory with its dirty feet pass by
Pluie inflexible qui ponds des œufs dont les larves sont si fières que rien ne peut les obliger à passer à la poupe du soleil et de le saluer comme un amiral
Pluie qui es l’éventail de poisson frais derrière lequel se cachent les races courtoises pour voir passer la victoire aux pieds sales
Greetings to you queen rain in the depths of the eternal goddess whose hands are multiple and whose destiny is unique thou sperm thou brain thou fluid
Rain capable of everything except washing away the blood that flows on the fingers of the murderers of entire peoples surprised beneath the soaring forests of innocence
Salut à toi pluie reine au fond de l’éternel déesse dont les mains sont multiples et dont le destin est unique toi sperme toi cervelle toi fluide
Pluie capable de tout sauf de laver le sang qui coule sur les doigts des assassins des peuples surpris sous les hautes futaies de l’innocence
Velocity
Allure
O mountain oh dolomites bird heart under my childlike hands
oh icebergs oh ghosts old gods sealed in full glory
and even if around a three-stone fire crowned with a quivering circle of tipulas
a pond for the drowned renews itself
province of the dead in vain you strike the rotation of roads where the spectacle passes from the level of green flames to the edge of malefice
Ô montagne ô dolomies cœur d’oiseau sous mes mains d’enfant
ô icebergs ô revenants vieux dieux scellés en pleine gloire
et quand même autour du feu à trois pierres couronné d’un cercle vibrant de tipules
un étang pour les noyés se renouvelle
province des morts vous heurtez en vain la rotation des routes où le spectacle passe du palier de flammes vertes à la tranche de maléfices
velocity fight with me I wear the solar tiara
mud old witch draw circles
gong multiply the prison whose animal fights experience the voices of men preserved in the petrifaction of millennial forests
my dear let’s lean on geological veins
allure combats avec moi je porte la tiare solaire
boue vieille sorcière fais des ronds
gong décuple la prison dont les combats d’animaux expérimentent la voix des hommes conservés1 dans la pétrification des forêts de mille ans
ma chère penchons sur les filons géologiques
* * *
1. The original edition in 1948 and the Kraus Reprint edition in 1970 included the typographical error “couservés” for “conservés.” We follow the correction introduced in the 1961 edition of Cadastre and accepted by PTED, 383.
Disaster
&n
bsp; Désastre
Every insect counted (the metal of the grass has seized their throats)
ashy menses (mandragora remorse)
slow leap of a rag handing out its surprise of loaves whose crew entrapped dries out all litigation
disaster
blocks
at the eye’s limit its mug gagged by clouds
Tout insecte compté (le métal de l’herbe a cravaté leur gorge)
menstrue de cendre (remords de mandragore)
bond lent d’un chiffon tendant sa surprise de pains dont l’équipage pris au piège dessèche tout litige
désastre
blocs
au bout de l’œil la gueule sous le bâillon de nuages
quartered volcano mystagogical giant the Bedouin of this desert
display of an oh so docile Carib rolling over bones and years his caravan heard by ensurfed
feet or eruption what quadroon of niggers or redskins massacred at the end of the night resheathes the dagger of your neverborn swagger
restituting your feet borne along by the waters
to the screamless apron of a presumptuous strom
volcan écartelé géant de mystagogue le Bédouin de ce désert
devanture d’un tout doux de caraïbe roulant sur des os et des ans sa caravane écoutée d’engloutis
pieds ou éclat quel quarteron de nègres ou de peaux rouges massacrés à la fin de la nuit rengaine ta dégaine jamais née