The Complete Poetry of Aimé Césaire
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Face of man you shall not budge
you are caught in the ferocious coordinates of my wrinkles.
Je suis une pierre couverte de ruines. Je suis une île chaperonnée de guano. Je suis une pyramide plantée par une dynastie disparue de toute mémoire un troupeau d’éléphants une piqûre de moustiques une petite ville agrandie par le crime à moins que ce ne soit la guerre du Pacifique ou la charte de l’Atlantique. Il y a des gens qui prétendent qu’ils pourraient reconstituer un homme à partir de son sourire. C’est pourquoi je me garde de laisser mes empreintes dentales se mouler dans le mastic de l’air.
Visage de l’homme tu ne bougeras point
tu es pris dans les coordonnées féroces de mes rides.
The Woman and the Flame
La femme et la flamme
A bit of light that descends the springhead of a gaze
twin shadow of the eyelash and the rainbow on a face
and round about
who goes there angelically
ambling
Un morceau de lumière qui descend la source d’un regard
l’ombre jumelle du cil et de l’arc en ciel sur le visage
et alentour
qui va là angélique
et amble
Woman the current weather
the current weather matters little to me
my life is always ahead of a hurricane
you are the morning that swoops down on the lamp a night stone between its teeth
you are the passage of seabirds as well
Femme le temps qu’il fait
le temps qu’il fait peu m’importe
ma vie est toujours en avance d’un ouragan
tu es le matin qui fond sur le fanal une pierre de nuit entre les dents
tu es le passage aussi d’oiseaux marins
you who are the wind through the salty ipomeas of consciousness
insinuating yourself from another world
Woman
you are a dragon whose lovely color is dispersed and darkens so as to constitute the inevitable tenor of things
toi qui es le vent à travers les ipoméas salés de la connaissance d’un autre monde s’insinuant
Femme
tu es un dragon dont la belle couleur s’éparpille et s’assombrit jusqu’à former l’inévitable teneur des choses
I am used to brush fires
I am used to ashen bush rats and the bronze ibis of the flame
Woman binder of the foresail gorgeous ghost
helmet of algae of eucalyptus
j’ai coutume des feux de brousse
j’ai coutume des rats de brousse de la cendre et des ibis mordorés de la flamme
Femme liant de misaine beau revenant
casque d’algues d’eucalyptus
dawn isn’t it
and in the abandon of the ribbands
very savory swimmer
l’aube n’est-ce pas
et au facile des lisses
nageur très savoureux
Millibars of the Storm
Galanterie de l’histoire
Let’s not placate the day but go out face exposed
facing those unknown countries that cut off the birds’ whistles
the ambush opens along a din of outer planetary borders.
pay no attention to the caterpillars supply weaving
a flesh capable of shoulders and breasts
but only to the millibars that position themselves in the bull’s-eye of a storm
to liberate the space where bristles the heart of things and the advent of man
N’apaisons pas le jour et sortons la face nue
face aux pays inconnus qui coupent aux oiseaux leur sifflet
le guet-apens s’ouvre le long d’un bruit de confins de planètes.
ne fais pas attention aux chenilles qui tissent souple
une chair capable d’épaules et de seins
mais seulement aux millibars qui se plantent dans le mille d’un orage
à délivrer l’espace où se hérissent le cœur des choses et la venue de l’homme
Dream let’s not placate
amidst the nails of crazed horses
a noise of tears groping toward the eyelids’ vast wing
Rêve n’apaisons pas
parmi les clous de chevaux fous
un bruit de larmes qui tâtonne vers l’aile immense des paupières
Gallantry of History
Galanterie de l’histoire
Virgins of Ogou* gratify me
with a star called new
with a priest lying on the sea taking aim with a blunderbuss
with a torture chamber of twenty pesetas with ten ave Marias
so that I can root out all your nasty thoughts
so that I can incise your nasty wounds my little friend
Give me a break earthquakes
give me a light volcanoes
Vierges d’Ogoué gratifiez-moi
d’une étoile dite nouvelle
d’un prêtre couché sur la mer en joue comme un tromblon
d’une chambre de torture de vingt pesetas avec dix ave Maria
pour que j’arrache toutes tes mauvaises pensées
pour que je débride tes plaies mauvaises mon petit ami
Séismes passez-moi la main
volcans donnez-moi du feu
flash me your claws glowworms
to undress the demons that breathe in your breath my great friend so that I project in bombs already smithereens
the perverse waters that flow down the cheek my cheek
that of yours to mine astraddle the dirty roof of the world where from their steps surges a fire engine immediately transformed by blood into the gold from which helmets are made
bêtes du feu lancez-moi vos griffes
pour dévêtir les démons qui soufflent dans votre souffle mon grand ami pour que je projette en miettes déjà de bombes
les eaux perverses qui me coulent sur la joue ma joue
celle de toi à moi à califourchon sur le sale toit du monde où de leurs pas jaillit une voiture de pompiers très vite transformée par le sang en l’or dont on fait les casques
and so defying the steps there are in Hyde Park and in the annex of the Place de la République two hollow cavities that are eyes for rehardening those clouds gazing very attentively like the spectacle of a child tenderizing the lewd beginning of a boorish year
et voilà défiant les pas qu’il y a dans Hyde Park et dans la succursale de la Place de la République deux creuses cavités qui sont des yeux à redurcir les nuages qui très attentivement regardent tel le spectacle d’un enfant attendrissant l’impudique commencement de l’année goujate
and the blood that at all events ebbs very quickly
with a kick from a customs officer with a lead cope with a chaplet of piasters with a hulled rice paddy
bearing on the salver of justice
spittle cheese the carat of an insult
and three wise men
et le sang qui de toute façon reflue très vite
d’un coup de pied d’un gabelou d’une chape de plomb d’un chapelet de piastres d’une rizière décortiquée
apportant sur le plateau de la justice
des fromages de crachat le carat de l’insulte
et trois rois mages
Several Miles from the Surface
À quelques milles de la surface
The tip of the cone of shadow on our Brazilian cheeks
in the eclipses of the sun
laughing so with happiness like the long coitus
of a tree with a sailboat
in the hall of a cyclone of the first order
Woman
La pointe du cône d’ombre sur nos joues de Brésil
aux éclipses du soleil
si rieuse d’un bonheur come le coït long
d’un arbre et d’un bateau à voiles
dans le hall d’un cyclone de première grandeur
&
nbsp; Femme
give me your eagle eyes
your glorious bird eyes
your incendiary bird and soul conductor eyes
and how I do love the circulation of the blood of disaster
in the veins of a ten-storied house at the sublime moment
preceding its collapse at the stroke of 3 PM
donne-moi tes yeux d’aigle
tes yeux d’oiseau glorieux
tes yeux d’oiseau incendiaire et conducteur des âmes
et comme j’aime la circulation du sang du désastre
dans les veines d’une maison de dix étages à la minute sublime
qui précède son écroulement sur le coup de trois heures après midi
Chevelure
Chevelure
Wouldn’t you have thought it bombarded by laterite blood
a beautiful stripped tree
the invincible and spacious cockcrow in the already invincible departure toward an imagined witches’ Sabbath of splendor and of cities
Dirait-on pas bombardé d’un sang de latérites
bel arbre nu
en déjà l’invincible départ vers on imagine un sabbat de splendeur et de villes l’invincible et spacieux cri du coq
O vat in which to surprise the colloquium of the gallop and of the wind
O matter dog suns gyrating in the clicking hooks of their unnamable gel
O in the savannahs of silence the faceless glories flowing into the pistils’ hollow gloom
Ô cuve où surprendre le colloque du galop et du vent
Ô matière soleils de chiens girant dans le déclic de crochets de leur gel innommable
Ô dans les savanes du silence les gloires sans visages se coulant dans la creuse ténèbre des pistils
Undulating innocent
all the juices rising in the lust of the earth
all the poisons that nocturnal alembics distill in the involucres of the malvaceae
all the saponarias’ thunder
are like these discordant words written by the flaming of the pyres over the sublime oriflammes of your revolt
Innocente qui ondoies
tous les sucs qui montent dans la luxure de la terre
tous les poisons que distillent les alambics nocturnes dans l’involucre des malvacées
tous les tonnerres des saponaires
sont pareils à ces mots discordants écrits par l’incendie des bûchers sur les oriflammes sublimes de la révolte
Chevelure
artless flames licking a rare heart
plague you shall fix our landscapes in the broken vapors of a meadow of lighthouses and you shall signal the anguish playing with shoulders attached to splashings but never around the head
the least halo of a future read in the oubliette of expectation
where the ocean designates a perfidious elaboration of diamonds to the scorn of matutinal phrases
Chevelure
flammes ingénues qui léchez un cœur insolite
peste tu planteras nos paysages dans la cassée vapeur d’un pré de phares et tu feras signe à l’angoisse jouant avec des épaules attachées à des clapotis sans jamais autour de la tête
le moindre halo d’un futur lu dans l’oubliette de l’attente
là où l’océan désigne au mépris des phrases matinales l’élaboration perfide des diamants
innocent who ventures there I am under the forests of a flesh that watches me
that we be attentive and docile
sleeping faces in the stifling of schisms
shall emerge to render inoperable the most modern technical inventions
The forest shall remember the water and the sapwood
innocente qui vas là je suis sous les futaies d’une chair qui me regarde
pour nous soyons attentifs et dociles
les visages endormis dans l’étouffement des schismes
sortiront à rendre inopérantes les inventions techniques les plus modernes
La forêt se souviendra de l’eau et de l’aubier
as I too remember the mollified snouts
of big rivers that stumble about like blind men
searching for their slurry eyes
the forest remembers that the last word can only be
the blazing cry of the bird of ruins in the bowl of the storm
comme moi je me souviens du museau attendri
des grands fleuves qui titubent comme des aveugles
à la recherche de leurs yeux de purin
la forêt se souvient que le dernier mot ne peut être
que le cri flambant de l’oiseau des ruines dans le bol de l’orage
Innocent who ventures there
forget to remember
that the baobab is our tree
that it badly waves arms so dwarfed
that one would take it for an imbecilic giant
and you
Innocent qui vas là
oublie de te rappeler
que le baobab est notre arbre
qu’il mal agite ses bras si nains
qu’on le dirait un géant imbécile
et toi
sojourn of my insolence of my tombs of my twisters
mane bundle of lianas stubborn hope of the shipwrecked
sleep softly in the meticulous trunk of my embrace my woman
my citadel
séjour de mon insolence de mes tombes de mes trombes
crinière paquet de lianes espoir fort des naufragés
dors doucement au tronc méticuleux de mon étreinte ma femme
ma citadelle
Scalp
Scalp
It is midnight
the sorcerers have not yet come
the mountains have not melted
have I sufficiently told the earth
not to set itself up for fear of sunstroke?
Shall I tighten my throat with a cord made from the ivy of my mutterings?
fish gatherers of water and its receptacle
it is above your heads that I speak
like the stars in the honey drool from my bad dreams and the earth it has birthed beneath us
Il est minuit
les sorciers ne sont pas encore venus
les montagnes n’ont pas fondu
ai-je assez dit à la terre
de ne pas s’installer par crainte de l’insolation ?
Me serrerai-je la gorge avec une corde faite du lierre de mes murmures ?
poissons cueilleuses de l’eau et son réceptable
c’est par-dessus vos têtes que je parle
comme les étoiles dans la bave du miel de ses mauvais rêves et la terre elle a enfanté sous nous
It is true that I left my fingernails full in the flesh of the cyclone amongst the brawl of huge cockchafers
and even to making spurt a new yellow semen
throwing myself under its belly to measure
my rutting
C’est vrai que j’ai laissé mes ongles en pleine chair de cyclone parmi le fracas des hannetons gros
et jusqu’à faire jaillir le jaune neuf d’un sperme
me jetant sous son ventre pour mesurer
mon rut
Now
by the hard blood of rape
between two criminals
I know the hour
he who dies
he who leaves
But one but I
enclosed in the tuft that benumbs me
and by the mercy of the dogs
beneath the innocent and liana-unpleating wind
a hero of the hunt helmeted with a golden bird
Maintenant
par le sang dur du viol
entre deux criminels
je sais l’heure
celui qui meurt
celui qui s’en va
Mais un mais moi
enserré dans la touffe qui m’endort
et par la grâce des chiens
sous le vent innocent et déplisseur des lianes
héros de chasse casqué d’un oiseau d’or
The Tornado
La tornade
By the time that
the senator noticed that the tornado was sitting in his plate
on fat beet buttocks
with the sliced sausage of its thighs
lecherously crossed
the tornado was in the air foraging through Kansas City
By the time that
the minister spotted the tornado in the blue eye of the sheriff’s wife
Le temps que
le sénateur s’aperçut que la tornade était assise dans son assiette
sur ses grosses fesses de betterave
et les rondelles de saucisson de ses cuisses
vicieusement croisées
et la tornade était dans l’air fourrageant dans Kansas-City
Le temps que
le pasteur aperçut la tornade dans l’œil bleu de la femme du shériff
it was outside displaying to everybody its huge face stinking like ten thousand niggers crammed into a train
in the time it took for the tornado to guffaw into a whore’s vagina
it performed over everything a nice laying-on-of-hands those beautiful white clerical hands
et la tornade fut dehors faisant apparaître à tous sa large face puant comme dix mille nègres entassés dans un train
le temps pour la tornade de s’esclaffer de rire dans le sexe d’une putain
et la tornade fit sur tout une jolie imposition de mains de ses belles mains blanches d’ecclésiastique
In the time it took God to notice
that he had drunk one hundred glasses of executioner blood too many
the city was a brotherhood of white and black spots scattered in cadavers on the hide of a horse felled at full gallop