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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 33

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  Face of man you shall not budge

  you are caught in the ferocious coordinates of my wrinkles.

  Je suis une pierre couverte de ruines. Je suis une île chaperonnée de guano. Je suis une pyramide plantée par une dynastie disparue de toute mémoire un troupeau d’éléphants une piqûre de moustiques une petite ville agrandie par le crime à moins que ce ne soit la guerre du Pacifique ou la charte de l’Atlantique. Il y a des gens qui prétendent qu’ils pourraient reconstituer un homme à partir de son sourire. C’est pourquoi je me garde de laisser mes empreintes dentales se mouler dans le mastic de l’air.

  Visage de l’homme tu ne bougeras point

  tu es pris dans les coordonnées féroces de mes rides.

  The Woman and the Flame

  La femme et la flamme

  A bit of light that descends the springhead of a gaze

  twin shadow of the eyelash and the rainbow on a face

  and round about

  who goes there angelically

  ambling

  Un morceau de lumière qui descend la source d’un regard

  l’ombre jumelle du cil et de l’arc en ciel sur le visage

  et alentour

  qui va là angélique

  et amble

  Woman the current weather

  the current weather matters little to me

  my life is always ahead of a hurricane

  you are the morning that swoops down on the lamp a night stone between its teeth

  you are the passage of seabirds as well

  Femme le temps qu’il fait

  le temps qu’il fait peu m’importe

  ma vie est toujours en avance d’un ouragan

  tu es le matin qui fond sur le fanal une pierre de nuit entre les dents

  tu es le passage aussi d’oiseaux marins

  you who are the wind through the salty ipomeas of consciousness

  insinuating yourself from another world

  Woman

  you are a dragon whose lovely color is dispersed and darkens so as to constitute the inevitable tenor of things

  toi qui es le vent à travers les ipoméas salés de la connaissance d’un autre monde s’insinuant

  Femme

  tu es un dragon dont la belle couleur s’éparpille et s’assombrit jusqu’à former l’inévitable teneur des choses

  I am used to brush fires

  I am used to ashen bush rats and the bronze ibis of the flame

  Woman binder of the foresail gorgeous ghost

  helmet of algae of eucalyptus

  j’ai coutume des feux de brousse

  j’ai coutume des rats de brousse de la cendre et des ibis mordorés de la flamme

  Femme liant de misaine beau revenant

  casque d’algues d’eucalyptus

  dawn isn’t it

  and in the abandon of the ribbands

  very savory swimmer

  l’aube n’est-ce pas

  et au facile des lisses

  nageur très savoureux

  Millibars of the Storm

  Galanterie de l’histoire

  Let’s not placate the day but go out face exposed

  facing those unknown countries that cut off the birds’ whistles

  the ambush opens along a din of outer planetary borders.

  pay no attention to the caterpillars supply weaving

  a flesh capable of shoulders and breasts

  but only to the millibars that position themselves in the bull’s-eye of a storm

  to liberate the space where bristles the heart of things and the advent of man

  N’apaisons pas le jour et sortons la face nue

  face aux pays inconnus qui coupent aux oiseaux leur sifflet

  le guet-apens s’ouvre le long d’un bruit de confins de planètes.

  ne fais pas attention aux chenilles qui tissent souple

  une chair capable d’épaules et de seins

  mais seulement aux millibars qui se plantent dans le mille d’un orage

  à délivrer l’espace où se hérissent le cœur des choses et la venue de l’homme

  Dream let’s not placate

  amidst the nails of crazed horses

  a noise of tears groping toward the eyelids’ vast wing

  Rêve n’apaisons pas

  parmi les clous de chevaux fous

  un bruit de larmes qui tâtonne vers l’aile immense des paupières

  Gallantry of History

  Galanterie de l’histoire

  Virgins of Ogou* gratify me

  with a star called new

  with a priest lying on the sea taking aim with a blunderbuss

  with a torture chamber of twenty pesetas with ten ave Marias

  so that I can root out all your nasty thoughts

  so that I can incise your nasty wounds my little friend

  Give me a break earthquakes

  give me a light volcanoes

  Vierges d’Ogoué gratifiez-moi

  d’une étoile dite nouvelle

  d’un prêtre couché sur la mer en joue comme un tromblon

  d’une chambre de torture de vingt pesetas avec dix ave Maria

  pour que j’arrache toutes tes mauvaises pensées

  pour que je débride tes plaies mauvaises mon petit ami

  Séismes passez-moi la main

  volcans donnez-moi du feu

  flash me your claws glowworms

  to undress the demons that breathe in your breath my great friend so that I project in bombs already smithereens

  the perverse waters that flow down the cheek my cheek

  that of yours to mine astraddle the dirty roof of the world where from their steps surges a fire engine immediately transformed by blood into the gold from which helmets are made

  bêtes du feu lancez-moi vos griffes

  pour dévêtir les démons qui soufflent dans votre souffle mon grand ami pour que je projette en miettes déjà de bombes

  les eaux perverses qui me coulent sur la joue ma joue

  celle de toi à moi à califourchon sur le sale toit du monde où de leurs pas jaillit une voiture de pompiers très vite transformée par le sang en l’or dont on fait les casques

  and so defying the steps there are in Hyde Park and in the annex of the Place de la République two hollow cavities that are eyes for rehardening those clouds gazing very attentively like the spectacle of a child tenderizing the lewd beginning of a boorish year

  et voilà défiant les pas qu’il y a dans Hyde Park et dans la succursale de la Place de la République deux creuses cavités qui sont des yeux à redurcir les nuages qui très attentivement regardent tel le spectacle d’un enfant attendrissant l’impudique commencement de l’année goujate

  and the blood that at all events ebbs very quickly

  with a kick from a customs officer with a lead cope with a chaplet of piasters with a hulled rice paddy

  bearing on the salver of justice

  spittle cheese the carat of an insult

  and three wise men

  et le sang qui de toute façon reflue très vite

  d’un coup de pied d’un gabelou d’une chape de plomb d’un chapelet de piastres d’une rizière décortiquée

  apportant sur le plateau de la justice

  des fromages de crachat le carat de l’insulte

  et trois rois mages

  Several Miles from the Surface

  À quelques milles de la surface

  The tip of the cone of shadow on our Brazilian cheeks

  in the eclipses of the sun

  laughing so with happiness like the long coitus

  of a tree with a sailboat

  in the hall of a cyclone of the first order

  Woman

  La pointe du cône d’ombre sur nos joues de Brésil

  aux éclipses du soleil

  si rieuse d’un bonheur come le coït long

  d’un arbre et d’un bateau à voiles

  dans le hall d’un cyclone de première grandeur

&
nbsp; Femme

  give me your eagle eyes

  your glorious bird eyes

  your incendiary bird and soul conductor eyes

  and how I do love the circulation of the blood of disaster

  in the veins of a ten-storied house at the sublime moment

  preceding its collapse at the stroke of 3 PM

  donne-moi tes yeux d’aigle

  tes yeux d’oiseau glorieux

  tes yeux d’oiseau incendiaire et conducteur des âmes

  et comme j’aime la circulation du sang du désastre

  dans les veines d’une maison de dix étages à la minute sublime

  qui précède son écroulement sur le coup de trois heures après midi

  Chevelure

  Chevelure

  Wouldn’t you have thought it bombarded by laterite blood

  a beautiful stripped tree

  the invincible and spacious cockcrow in the already invincible departure toward an imagined witches’ Sabbath of splendor and of cities

  Dirait-on pas bombardé d’un sang de latérites

  bel arbre nu

  en déjà l’invincible départ vers on imagine un sabbat de splendeur et de villes l’invincible et spacieux cri du coq

  O vat in which to surprise the colloquium of the gallop and of the wind

  O matter dog suns gyrating in the clicking hooks of their unnamable gel

  O in the savannahs of silence the faceless glories flowing into the pistils’ hollow gloom

  Ô cuve où surprendre le colloque du galop et du vent

  Ô matière soleils de chiens girant dans le déclic de crochets de leur gel innommable

  Ô dans les savanes du silence les gloires sans visages se coulant dans la creuse ténèbre des pistils

  Undulating innocent

  all the juices rising in the lust of the earth

  all the poisons that nocturnal alembics distill in the involucres of the malvaceae

  all the saponarias’ thunder

  are like these discordant words written by the flaming of the pyres over the sublime oriflammes of your revolt

  Innocente qui ondoies

  tous les sucs qui montent dans la luxure de la terre

  tous les poisons que distillent les alambics nocturnes dans l’involucre des malvacées

  tous les tonnerres des saponaires

  sont pareils à ces mots discordants écrits par l’incendie des bûchers sur les oriflammes sublimes de la révolte

  Chevelure

  artless flames licking a rare heart

  plague you shall fix our landscapes in the broken vapors of a meadow of lighthouses and you shall signal the anguish playing with shoulders attached to splashings but never around the head

  the least halo of a future read in the oubliette of expectation

  where the ocean designates a perfidious elaboration of diamonds to the scorn of matutinal phrases

  Chevelure

  flammes ingénues qui léchez un cœur insolite

  peste tu planteras nos paysages dans la cassée vapeur d’un pré de phares et tu feras signe à l’angoisse jouant avec des épaules attachées à des clapotis sans jamais autour de la tête

  le moindre halo d’un futur lu dans l’oubliette de l’attente

  là où l’océan désigne au mépris des phrases matinales l’élaboration perfide des diamants

  innocent who ventures there I am under the forests of a flesh that watches me

  that we be attentive and docile

  sleeping faces in the stifling of schisms

  shall emerge to render inoperable the most modern technical inventions

  The forest shall remember the water and the sapwood

  innocente qui vas là je suis sous les futaies d’une chair qui me regarde

  pour nous soyons attentifs et dociles

  les visages endormis dans l’étouffement des schismes

  sortiront à rendre inopérantes les inventions techniques les plus modernes

  La forêt se souviendra de l’eau et de l’aubier

  as I too remember the mollified snouts

  of big rivers that stumble about like blind men

  searching for their slurry eyes

  the forest remembers that the last word can only be

  the blazing cry of the bird of ruins in the bowl of the storm

  comme moi je me souviens du museau attendri

  des grands fleuves qui titubent comme des aveugles

  à la recherche de leurs yeux de purin

  la forêt se souvient que le dernier mot ne peut être

  que le cri flambant de l’oiseau des ruines dans le bol de l’orage

  Innocent who ventures there

  forget to remember

  that the baobab is our tree

  that it badly waves arms so dwarfed

  that one would take it for an imbecilic giant

  and you

  Innocent qui vas là

  oublie de te rappeler

  que le baobab est notre arbre

  qu’il mal agite ses bras si nains

  qu’on le dirait un géant imbécile

  et toi

  sojourn of my insolence of my tombs of my twisters

  mane bundle of lianas stubborn hope of the shipwrecked

  sleep softly in the meticulous trunk of my embrace my woman

  my citadel

  séjour de mon insolence de mes tombes de mes trombes

  crinière paquet de lianes espoir fort des naufragés

  dors doucement au tronc méticuleux de mon étreinte ma femme

  ma citadelle

  Scalp

  Scalp

  It is midnight

  the sorcerers have not yet come

  the mountains have not melted

  have I sufficiently told the earth

  not to set itself up for fear of sunstroke?

  Shall I tighten my throat with a cord made from the ivy of my mutterings?

  fish gatherers of water and its receptacle

  it is above your heads that I speak

  like the stars in the honey drool from my bad dreams and the earth it has birthed beneath us

  Il est minuit

  les sorciers ne sont pas encore venus

  les montagnes n’ont pas fondu

  ai-je assez dit à la terre

  de ne pas s’installer par crainte de l’insolation ?

  Me serrerai-je la gorge avec une corde faite du lierre de mes murmures ?

  poissons cueilleuses de l’eau et son réceptable

  c’est par-dessus vos têtes que je parle

  comme les étoiles dans la bave du miel de ses mauvais rêves et la terre elle a enfanté sous nous

  It is true that I left my fingernails full in the flesh of the cyclone amongst the brawl of huge cockchafers

  and even to making spurt a new yellow semen

  throwing myself under its belly to measure

  my rutting

  C’est vrai que j’ai laissé mes ongles en pleine chair de cyclone parmi le fracas des hannetons gros

  et jusqu’à faire jaillir le jaune neuf d’un sperme

  me jetant sous son ventre pour mesurer

  mon rut

  Now

  by the hard blood of rape

  between two criminals

  I know the hour

  he who dies

  he who leaves

  But one but I

  enclosed in the tuft that benumbs me

  and by the mercy of the dogs

  beneath the innocent and liana-unpleating wind

  a hero of the hunt helmeted with a golden bird

  Maintenant

  par le sang dur du viol

  entre deux criminels

  je sais l’heure

  celui qui meurt

  celui qui s’en va

  Mais un mais moi

  enserré dans la touffe qui m’endort

  et par la grâce des chiens

  sous le vent innocent et déplisseur des lianes


  héros de chasse casqué d’un oiseau d’or

  The Tornado

  La tornade

  By the time that

  the senator noticed that the tornado was sitting in his plate

  on fat beet buttocks

  with the sliced sausage of its thighs

  lecherously crossed

  the tornado was in the air foraging through Kansas City

  By the time that

  the minister spotted the tornado in the blue eye of the sheriff’s wife

  Le temps que

  le sénateur s’aperçut que la tornade était assise dans son assiette

  sur ses grosses fesses de betterave

  et les rondelles de saucisson de ses cuisses

  vicieusement croisées

  et la tornade était dans l’air fourrageant dans Kansas-City

  Le temps que

  le pasteur aperçut la tornade dans l’œil bleu de la femme du shériff

  it was outside displaying to everybody its huge face stinking like ten thousand niggers crammed into a train

  in the time it took for the tornado to guffaw into a whore’s vagina

  it performed over everything a nice laying-on-of-hands those beautiful white clerical hands

  et la tornade fut dehors faisant apparaître à tous sa large face puant comme dix mille nègres entassés dans un train

  le temps pour la tornade de s’esclaffer de rire dans le sexe d’une putain

  et la tornade fit sur tout une jolie imposition de mains de ses belles mains blanches d’ecclésiastique

  In the time it took God to notice

  that he had drunk one hundred glasses of executioner blood too many

  the city was a brotherhood of white and black spots scattered in cadavers on the hide of a horse felled at full gallop

 

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