The Complete Poetry of Aimé Césaire
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For rainy days I have my curious eared seal hands that I shall not describe for that would be a sacrilege
On feast days I have these sumptuous hands that the old emperor donned in Cuzco to greet the sun I have my hands that are mirrors for setting fire to my hands to serve as a scarecrow for the birds of the solstice
Pour les jours de pluie j’ai mes curieuses mains d’otaries que je ne décrirai pas car ce serait un sacrilège
Les jours de fête j’ai ces mains somptueuses que l’empereur ancien revêtait à Cuzco pour accueillir le soleil j’ai mes mains qui sont des miroirs à mettre le feu à mes mains à servir d’épouvantail aux oiseaux du solstice
Dwelling I
Demeure I
Screw you jailer
fever with its razzia dagger in its teeth fever with its torrential word in its teeth
fever thoroughbred horse sweet falcon
with its palanquin preceding me
Dwelling made of defeats
dwelling made of living keels
Je t’emmerde geôlier
la fièvre avec aux dents le poignard des razzias la fièvre avec aux dents la parole des torrents
la fièvre cheval de race doux faucon
de son palanquin me précède
Demeure faite de défaites
demeure faite de carènes vives
dwelling made of passionflower
dwelling made and remade a hundred times
dwelling made of sharks’ teeth
ah hallowed dwelling made of flashing hell and damnation
of somber saps dozing in my massive ceibas
the screaming curse upon me no longer exists
demeure faite de passiflore
demeure cent fois faite et défaite
demeure faite de dents de requins
ah sacrée demeure faite de tonnerres de dieu et de l’éclair
des sombres sucs qui sommeillent dans mes grands ceibas
le cri qui maudit n’existe plus sur moi
the chain evil that checks our ankles
the carcan evil that presses heavily on our shoulders
all that has been dissipated stripped away like this kernel
dissipated like the bay catching the light of fine weather in the noise bowl of the sea
stripped bare like you Volcano who at the peak of your crime hurl yourself into suicide to rejoin in the sea’s depths your accomplices the pensive porpoises yet to be born and who wait
le mal de chaîne qui arrête les chevilles
le mal de carcan qui pèse sur nos épaules
tout cela est dissipé dépouillé comme cet épi
dissipé comme l’anse accroche la lumière du beau temps au bol de bruit de la mer
dépouillé comme toi Volcan qui du sommet de ton crime te précipites dans le suicide pour rejoindre au fond de la mer tes complices à naître méditatifs marsouins et qui attendent
The Sun’s Knife-Stab in the Back of the Surprised Cities
Le coup de couteau du soleil dans le dos des villes surprises
And I saw a first animal
it had a crocodile body equine feet a dog’s head but when I looked more closely in place of buboes were scars left at different times by storms on a body long subjected to obscure ordeals
Et je vis un premier animal
il avait un corps de crocodile des pattes d’équidé une tête de chien mais lorsque je regardai de plus près à la place des bubons c’étaient des cicatrices laissées en des temps différents par les orages sur un corps longtemps soumis à d’obscures épreuves
its head I told you was that of the hairless dogs one sees prowling around the volcanoes in cities that men have not dared to rebuild and that the souls of the departed haunt for all eternity
sa tête je l’ai dit était des chiens pelés que l’on voit rôder autour des volcans dans les villes que les hommes n’ont pas osé rebâtir et que hantent éternellement les âmes des trépassés
and I saw a second animal
it was lying beneath a dragon tree from both sides of its musk-deer muzzle two pulp-enflamed rostra stood out like mustaches
et je vis un second animal
il était couché sous un bois de dragonnier des deux côtés de son museau de chevrotain comme des moustaches se détachaient deux rostres enflammés aux pulpes
I saw a third animal that was an earthworm but a strange will animated the beast with a long narrowness and it stretched out on the ground ceaselessly losing and growing new rings that one would never have thought it strong enough to bear and that pushed life back and forth among them very fast like an obscene password
Je vis un troisième animal qui était un ver de terre mais un vouloir étrange animait la bête d’une longue étroitesse et il s’étirait sur le sol perdant et repoussant sans cesse des anneaux qu’on ne lui aurait jamais cru la force de porter et qui se poussaient entre eux la vie très vite comme un mot de passe très obscène
Then my word unfolded in a glade of pithy, velvet eyelids over which the fastest falling stars suckled their she-asses
the medley of colors exploded surrendered by the veins of a nocturnal giantess
Alors ma parole se déploya dans une clairière de paupières sommaires, velours sur lequel les étoiles les plus filantes allaitent leurs ânesses
le bariolage sauta livré par les veines d’une géante nocturne
oh the house built upon rock the woman a cold fish in bed the catastrophe lost like a needle in a bundle of hay
a rain of onyx and of broken seals fell upon a hillock whose name has never been uttered by any priest of any religion and whose effect can only be compared to a star’s whiplashes on a planet’s rump
ô la maison bâtie sur roc la femme glaçon du lit la catastrophe perdue comme une aiguille dans une botte de foin
une pluie d’onyx tomba et de sceaux brisés sur un monticule dont aucun prêtre d’aucune religion n’a jamais cité le nom et dont l’effet ne peut se comparer qu’aux coups de fouet d’une étoile sur la croupe d’une planète
on the left deserting the stars to arrange the vever* of their numbers the clouds to anchor in no sea their reefs the black heart nestled in the heart of the storm
we built on tomorrow having pocketed the sun's very violent knife-stab in the back of the surprised cities
sur la gauche délaissant les étoiles disposer le vever de leurs nombres les nuages ancrer dans nulle mer leurs récifs le cœur noir blotti dans le cœur de l’orage
nous fondîmes sur demain avec dans nos poches le coup de couteau très violent du soleil dans le dos des villes surprises
When In The Heat of the Day Naked Monks Descend the Himalayas
À l’heure où dans la chaleur les moines nus descendent de l’Himalaya
Very powerful pendant the mosquitoes equipped with maremma grapeshot-loaded volutes smooth talker of brutality with wild boar wallow darky feet
Very powerful pendant the great rivers that verminously disconnect their really filthy thighs blue lips spurting a raw vaginal laugh
Très fort pendant les moustiques montés des volutes chargées à mitraille des maremmes joli cœur de la brutalité à la patte moricaude des bouges de sangliers
Très fort pendant les grands fleuves qui à la vermine débranchent leurs cuisses très immondes lèvres bleues giclant un rire cru de vagin
Very powerful pendant the soft face of pollen getting ground up in the wind’s conspiracy and the smoking chimneys under the tunnel of the shoulders of carbuncular wild beasts with eyes tenderer than their grassy surroundings
Très fort pendant la face molle des pollens s’écrasant dans la conspiration du vent et les cheminées qui fument sous le tunnel des épaules des fauves en escarboucles d’yeux plus tendres que leur alentour de graminées
Very powerful monster against monster
yours whose body is a statue of red wood sap
whose spittle is fofa urine
mine whose sweat is a gush of caiman bile
/> let me dislodge them finally like a night rainy with howler monkey cries from my chest as tender as fly agaric
Très fort monstre contre monstre
le tien dont le corps est une statue de suc de bois rouge
dont le crachat est un pissat de fofa
le mien dont la sueur est un jet de bile de caïman
que je les sorte enfin comme une nuit pluvieuse de cris d’alouates de ma poitrine si tendre de fausse oronge
Indecent Behavior
Attentat aux mœurs
Hard night starless flag staff. I am on very bad terms with space. So what. Dirty rag night crazed tree I am on very bad terms with Time. So what? Farther than the mirror farther than all life revised in the accident where it surges very rapidly farther than forgotten cities farther than rites with forgotten meanings farther even than the ostrich that carries the letters I pretend not to write farther than my little horse that I jealously hide because it fled each and every race farther than the gold pieces that the sun’s brain scatters in the hovel’s thought farther than the tall white gloves that summits put on to greet the wind
Nuit dure nuit gaule sans étoile. Je suis très mal avec l’espace. Qu’importe. Nuit sale haillon arbre fou je suis très mal avec le Temps. Qu’importe ? Plus loin que le miroir plus loin que toute la vie revue dans l’accident où elle afflue très vite plus loin que les cités oubliées plus loin que les rites au sens désappris plus loin même que l’autruche qui emporte les lettres que je feins de ne pas écrire plus loin que mon petit cheval que je cache jalousement parce qu’il s’est enfui de toutes les races plus loin que les pièces d’or que répand la cervelle du soleil dans la pensée du taudis plus loin que les hauts gants blancs que les sommets revêtent pour accueillir le vent
your gaze plunge it, Monster, into the cogency of an abyss fed by a breeding ground for monsters
I am on very bad terms with space very bad terms with time. So what. Across the journey frequented by a lofty fumigation of whiplashes on a pavement made of little shipwrecks thwarting towns where allerions vegetate enshrined like saints in the noble postures of paludism
ton regard plonge-le, Monstre, dans le bien-fondé d’un abîme alimenté à un vivier de monstres
Je suis très mal avec l’espace très mal avec le temps. Qu’importe. À travers le voyage que fréquente une haute fumigation de coups de fouet sur un pavé fait de petits naufrages à la traverse des bourgs où les alérions végètent enchâssés comme des saints dans les belles postures du paludisme
stumbling—at his belt a clinking of keys that by way of doors open only that of the python corridor the same after all that opens to the bad weather inevitably in from the Atlantic—a beggar tolls in the street which as if indifferently encircles with rock salt the massive energy of darkness
while compact masses of pirate icebergs tack toward Ostende
trébuchant – à la ceinture un cliquetis de clés qui de portes n’ouvrent que celle du couloir aux pythons la même au demeurant qui donne sur le mauvais temps qui de l’Atlantique toujours vient – un mendiant sonne dans la rue qui comme avec indifférence encercle de sel gemme l’énergie massive des ténèbres
cependant que les masses compactes des icebergs pirates tendent vers Ostende
Son of Thunder
Fils de la foudre
And without her deigning to seduce the jailers
at her bosom a bouquet of hummingbirds has exfoliated
at her ears buds of atolls have sprouted
Et sans qu’elle ait daigné séduire les geôliers
à son corsage s’est délité un bouquet d’oiseaux-mouches
à ses oreilles ont germé des bourgeons d’attolls
she speaks a language to me so sweet that at first I do not understand but eventually I surmise she is assuring me that spring has come counter-current
that all thirst is quenched that autumn is kindly disposed to us
that the stars in the street have blossomed at high noon and dangle their fruits very low
elle me parle une langue si douce que tout d’abord je ne comprends pas mais à la longue je devine qu’elle m’affirme que le printemps est arrivé à contre-courant
que toute soif est étanchée que l’automne nous est concilié
que les étoiles dans la rue ont fleuri en plein midi et très bas suspendent leurs fruits
Permit
Laissez passer
Easy prolongation of deglutition by the obscene trismegistic mouth of a brown-bellied marsh
sticky sundews of a happy muck listening in their lips what fraternal news their days are de rigueur in this world knotted by too much smoky breath masking the peppery verve of the storm
Facile prolongement de la déglutition par la trismégiste bouche obscène d’un marais au ventre brun
gluants droseras d’une gadoue heureuse écoutant dans leurs lèvres quelle nouvelle fraternelle leurs jours sont de rigueur sur ce monde noué de trop de fumées d’haleines masquant la verve de poivre de l’orage
Lean lean on the abyss on vertigo
lean lean on nothingness
lean lean on the conflagration
but even in midair I rediscover a thousand sharpened knives
a thousand keys to lassos a thousand priestly crows
Penche penche sur l’abîme sur le vertige
penche penche sur le néant
penche penche sur l’incendie
mais même en plein ciel je retrouve mille couteaux effilés
mille clés de lassos mille curés de corbeaux
howl strike the rock and the earth I people it with fish
let flags loom over the factories
and sound your cohort sound your renewal in flames
sound your silver dais
sound your array and disarray
hurle frappe le rocher et la terre je la peuple de poissons
que surgissent sur les usines des drapeaux
et sonne ta cohorte sonne ton renouveau de flammes
sonne ton dais d’argent
sonne l’arroi et le désarroi
sound your lightning-rod spoons
sound your onyx clogs
sound your arachnoid horizon
sound your cassolettes
sound your little glasses twisted by disaster
sonne tes cuillers de paratonnerre
sonne tes sabots d’onyx
sonne ton horizon d’araignée
sonne tes cassolettes
sonne tes petits verres tordus par le désastre
sound your groanings
sound your grenade shrapnel
I bear along the meridians the deaf procession of opulent pilgrims made up of rabies-bitten forests
perturbation
sonne tes gémissements
sonne tes éclats de grenade
Je supporte le long des méridiens la marche sourde des opulents pèlerins que font les forêts mordues par la rage
ébranlement
Greenland
hyenas disdainfully sniff me I am not in the desert! the air pauses I hear the grating of the poles on their axles the air drones I attend powerlessly the wilding of my mind the air brings me the Zambezi
Bamboo stalks seem to be the multiple bones of an immense fish skeleton planted in some geological age in the guise of a totem by an extinct small tribe.
Groenland
hyènes dédaigneuses qui me flairez je ne suis pas au désert ! l’air s’arrête j’entends le grincement des pôles autour de leurs essieux l’air bruit j’assiste impuissant à l’ensauvagement de mon esprit l’air m’apporte le Zambèze
Les bambous semblent aux multiples arêtes le squelette d’un immense poisson des âges géologiques planté en guise de totem par une peuplade disparue.
Solid
Solide
holy shit they have secured the universe and everything weighs—everything—the plumb line of gravity having been installed at the facile bottom of solidity—the uranium deposits the ga
rden statues the perverse loves the street that merely pretends to be fluid the stream don’t mention it whose pace more sluggish than my feet there is nothing up to and including the sun that has not stopped its clouds forever fixed. Fixed is moreover the command that ceaselessly resounds from one end to the other along the entire front of this strange army of despair. The world is fixed. Stone is fixed. The immense false movement is fixed and tell me about the ways of your little mad girl circumscribed by the world that circumscribes a river where each couple is summoned to bathe twice and from where moreover the true cows of the debacle with its ranch of hooks and roots shall never rush forth.
cré nom de Dieu ils ont assuré l’univers et tout pèse – tout – le fil à plomb de la gravité s’étant installé au fond facile de la solitude – les gisements d’uranium les statues des jardins les amours perverses la rue qui seulement feint d’être fluide la rivière n’en parlons pas dont les trains plus pesants que mes pieds il n’est pas jusqu’au soleil qui n’ait arrêté ses nuages à jamais fixes. Fixe c’est d’ailleurs le commandement qui sans cesse retentit d’un bout à l’autre sur tout le front de cette étrange armée du désespoir. Le monde se fixe. La pierre est fixe. L’immense faux mouvement est fixe et parle-moi de tes allures de petite folle que circonscrit le monde qui circonscrit un fleuve où chaque couple est sommé de se baigner deux fois et d’où d’ailleurs ne surgiront jamais les vraies vaches de la débâcle avec son ranch de crochets et de racines.
I am a stone covered by ruins. I am an island falcon-hooded by guano. I am a pyramid planted by a dynasty vanished from all memory a herd of elephants a mosquito bite a small city aggrandized by crime unless it be the war in the Pacific or the Atlantic Charter. There are those who claim they can reconstruct a man from his smile. That’s why I am careful not to let my dental impression be molded in the putty of the air.