The Complete Poetry of Aimé Césaire
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aveugle paon magique et frais
aux mains d’arches d’éprouvettes
futile éclipse de l’espace
The Wheel
La roue
The wheel is man’s most beautiful and sole discovery
there is the sun that turns
there is the earth that turns
there is your face turning on the axle of your neck when you weep but you minutes won’t you wind on the spindle for living the lapped up blood
the art of suffering sharpened like tree stumps by the knives of winter
La roue est la plus belle découverte de l’homme et la seule
il y a le soleil qui tourne
il y a la terre qui tourne
il y a ton visage qui tourne sur l’essieu de ton cou quand tu pleures mais vous minutes n’enroulerez-vous pas sur la bobine à vivre le sang lapé
l’art de souffrir aiguisé comme des moignons d’arbre par les couteaux de l’hiver
the doe intoxicated from not drinking
that on the unexpected well curb presents me with your
face of a dismasted schooner
your face
like a village asleep at the bottom of a lake
and which is reborn to daylight from the grass and from the year
germinates
la biche saoule de ne pas boire
qui me pose sur la margelle inattendue ton
visage de goélette démâtée
ton visage
comme un village endormi au fond d’un lac
et qui renaît au jour de l’herbe et de l’année
germe
Calm
Calme
Time shall of course be void of sin
gates shall buckle under the assault of waters
orchids shall push their sweet violent torture-victim heads through the openwork that words form two by two
lianas shall dispatch from the depth of their vigils a luminous battery of leeches whose embrace shall have the irresistible force of perfumes
from each grain of sand a bird shall be born
Le temps bien sûr nul du péché
les portes céderont sous l’assaut des eaux
les orchidées pousseront leur douce tête violente de torturé à travers la claire-voie que deux à deux font les paroles
les lianes dépêcheront du fond de leurs veilles une claire batterie de sangsues dont l’embrassade sera de la force irrésistible des parfums
from each simple flower a scorpion shall emerge (everything being compound)
the droseras’ trumpets shall blast to mark the hour for abdicating my thick needle-implanted lips in favor of the flexible armature of future aloes
the emission of naïve flesh around pain shall be generalized outside of any relationship with the bivalvular incursion of cestodes
de chaque grain de sable naîtra un oiseau
de chaque fleur simple sortira un scorpion (tout étant recomposé) les trompettes les droseras éclateront pour marquer l’heure où abdiquer mes épaisses lèvres plantées d’aiguilles en faveur de l’armature flexible des futurs aloès
l’émission de chair naïve autour de la douleur sera généralisée hors de tout rapport avec l’incursion bivalve des cestodes
while the swallows born of my saliva shall agglutinate with the algae carried by the waves that rise from you
the bloody myth of a never murmured moment
on the platforms of the towers* of silence the vultures shall take flight, in their beaks shreds of old flesh too uncalm for our skeletons
cependant que les hirondelles nées de ma salive agglutineront avec les algues apportées par les vagues qui montent de toi
le mythe sanglant d’une minute jamais murmurée
aux étages des tours du silence les vautours s’envoleront avec au bec des lambeaux de la vieille chair trop peu calme pour nos squelettes
New Year
An neuf
Out of their torments men carved a flower that they perched on the high plateaus of their faces
hunger makes a canopy for them
an image dissolves in their last tear
they drank foam-rhythmed monsters
to the point of ferocious horror
Les hommes ont taillé dans leurs tourments une fleur qu’ils ont juchée sur les hauts plateaux de leur face
la faim leur fait un dais
une image se dissout dans leur dernière larme
ils ont bu jusqu’à l’horreur féroce
les monstres rythmés par les écumes
In those days
there was an
unforgettable
metamorphosis
En ce temps-là
il y eut une
inoubliable
métamorphose
on their hooves horses were kicking a bit of dream
fat fiery clouds filled out like mushrooms
all over the public squares
there was a marvelous pestilence
on the sidewalks the faintest streetlamps were rotating their lighthouse heads
as for the anophelic future in the gardens it was hissing a scorching vapor
les chevaux ruaient un peu de rêve sur leurs sabots
de gros nuages d’incendie s’arrondirent en champignon
sur toutes les places publiques
ce fut une peste merveilleuse
sur le trottoir les moindres réverbères tournaient leur tête de phare
quant à l’avenir anophèle vapeur brûlante il sifflait dans les jardins
In those days
the word shower
and the word friable soil
the word dawn
and the word woodchips
conspired for the first time
En ce temps-là
le mot ondée
et le mot sol meuble
le mot aube
et le mot copeaux
conspirèrent pour la première fois
Forests were born in the Borinage
and barges on the canals of the air
and from the red saltpeter of those wounded on the pavement
were born arums beyond young girls
Des forêts naquirent aux borinages
et des péniches sur les canaux de l’air
et du salpêtre rouge des blessés sur le pavé
il naquit des arums au-delà des fillettes
That was the year when the seeds of humankind chose within man the tender approach of a new heart
Ce fut l’année où les germes de l’homme se choisirent dans l’homme le tendre pas d’un cœur nouveau
Ex-Voto for a Shipwreck
Ex-voto pour un naufrage
Hélé helélé the King is a great king
let his majesty deign to look up my anus to see if it contains diamonds
let his majesty deign to explore my mouth to see how many carats it contains
laugh tom-tom
laugh tom-tom
I carry the king’s litter
I roll out the king’s carpet
Hélé helélé le Roi est un grand roi
que sa majesté daigne regarder dans mon anus pour voir s’il contient des diamants
que sa majesté daigne explorer ma bouche pour voir combien elle contient de carats
tam-tam ris
tam-tam ris
je porte la litière du roi
j’étends le tapis du roi
I am the king’s carpet
I carry the king’s scrofula
I am the king’s parasol
laugh laugh tom-toms of the kraals
tom-toms of the mines laughing beneath their cape
sacred tom-toms laughing about your rat and hyena teeth under the very nose of the missionaries
tom-toms of salvation who don’t give a damn about all the salvation armies
je suis le tapis du roi
je porte les écrouelles du roi
je suis le parasol du roi
riez riez tam-tams des kraals
tam-tams des mines qui riez sous cape
tam-tams sacrés qui riez à la barbe des missionnaires de vos dents de rat et d’hyène
tam-tams de salut qui vous foutez de toutes les armées du salut
tom-toms of the forest
tom-toms of the desert
black still virginal muttered by each stone
unbeknownst to the disaster—my fever
weep tom-tom
weep tom-tom
soft tom-tom
soft tom-tom
tam-tams de la forêt
tam-tams du désert
noire encore vierge que chaque pierre murmure
à l’insu du désastre – ma fièvre
tam-tam pleure
tam-tam pleure
tam-tam bas
tam-tam bas
burned down to the impetuous silence of our shoreless tears
soft tom-tom
softer still substantial ear
(red ears—ears—distantly the rapid fatigue)
soft tom-tom
roll soft no faster than a log for distant ears
without utterance without purpose without star
brûlé jusqu’au fougueux silence de nos pleurs sans rivage
tam-tam bas
plus bas oreille considérable
(les oreilles rouges – les oreilles – loin ont la fatigue vite)
tam-tam bas
roulez bas rien qu’un temps de bille pour les oreilles loin
sans parole sans fin sans astre
the pure carbon duration of our endless major pangs
roll roll deep roll soft tom-toms speechless deliriums russet lions without manes processions of thirst stench of the backwaters at night
tom-toms that protect my three souls my brain my heart my liver
le pur temps de charbon de nos longues affres majeures
roulez roulez lourds roulez bas tam-tams délires sans vocable lions roux sans crinière défilés de la soif puanteurs des marigots le soir
tam-tams qui protégez mes trois âmes mon cerveau mon cœur mon foie
harsh tom-toms that maintain on high my dwelling
of water of wind of iodine of stars
over the blasted rock of my black head
and you brother tom-tom for whom sometimes all day long I keep a word now hot now cool in my mouth like the little-known taste of vengeance
tam-tams durs qui très haut maintenez ma demeure
d’eau de vent d’iode d’étoiles
sur le roc foudroyé de ma tête noire
et toi tam-tam frère pour qui il m’arrive de garder tout le long du jour un mot tour à tour chaud et frais dans ma bouche comme le goût peu connu de la vengeance
tom-toms of kalahari
tom-toms of Good Hope capping the cape with your threats
O tom-tom of Zululand
Tom-tom of Shaka*
tom tom tom
tom tom tom
tam-tams de kalaari
tam-tams de Bonne-Espérance qui coiffez le cap de vos menaces
Ô tam-tam du Zululand
Tam-tam de Chaka
tam tam tam
tam tam tam
King our mountains are mares in heat caught in the full convulsion of bad blood
King our plains are rivers vexed by the rotting provisions drifting in from the sea and from your caravels
King our stones are lamps burning with a dragon widow hope
Roi nos montagnes sont des cavales en rut saisies en pleine convulsion de mauvais sang
Roi nos plaines sont des rivières qu’impatientent les fournitures de pourritures montées de la mer et de vos caravelles
Roi nos pierres sont des lampes ardentes d’une espérance veuve de dragon
King our trees are the unfurled shape taken by a flame too big for our hearts too weak for a dungeon
Laugh laugh then tom-toms of Kaffirland
like the scorpion’s beautiful question mark
Roi nos arbres sont la forme déployée que prend une flamme trop grosse pour notre cœur trop faible pour un donjon
Riez riez donc tam-tams de Cafrerie
comme le beau point d’interrogation du scorpion
drawn in pollen on the canvas of the sky and of our brains at midnight
like the shiver of a sea reptile charmed by the anticipation of bad weather
of the little upside-down laugh of the sea in the sunken ship’s gorgeous portholes
dessiné au pollen sur le tableau du ciel et de nos cervelles à minuit
comme un frisson de reptile marin charmé par la pensée du mauvais temps
du petit rire renversé de la mer dans les hublots très beaux du naufrage
All The Way from Akkad from Elam from Sumer
Depuis Akkad depuis Elam depuis Sumer
Master of the three paths, you have before you a man who has walked a lot.
Master of the three paths, you have before you a man who has walked on his hands on his feet on his belly on his backside.
Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a beaucoup marché.
Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a marché sur les mains marché sur les pieds marché sur le ventre marché sur le cul.
All the way from Elam. From Akkad. From Sumer.
Master of the three paths, you have before you a man who has carried a lot.
And truly my friends I have carried I have carried all the way from Elam, from Akkad, from Sumer.
Depuis Elam. Depuis Akkad. Depuis Sumer.
Maître des trois chemins, tu as en face de toi un homme qui a beaucoup porté.
Et de vrai mes amis j’ai porté j’ai porté depuis Elam, depuis Akkad, depuis Sumer.
I have carried the commandant’s body. I have carried the commandant’s railroad. I have carried the commandant’s locomotive, the commandant’s cotton. I have carried on my nappy head that gets along just fine without a little cushion God, the machine, the road—the commandant’s God.
J’ai porté le corps du commandant. J’ai porté le chemin de fer du commandant. J’ai porté la locomotive du commandant le coton du commandant. J’ai porté sur ma tête laineuse qui se passe si bien de coussinet Dieu, la machine, la route – le Dieu du commandant.
Master of the three paths I have carried under the sun, I have carried in the mist I have carried over the ember shards of legionary ants. I have carried the parasol I have carried the explosives I have carried the carcan and as on the shores of the Nile you see in the soft mud the just foot of the ibis I have left everywhere on the banks on the mountains on the shores the gri-gri of my carcan feet.
Maître des trois chemins j’ai porté sous le soleil, j’ai porté dans le brouillard j’ai porté sur les tessons de braise des fourmis manians. J’ai porte le parasol j’ai porté l’explosif j’ai porté le carcan et comme sur les rives du Nil on voit dans la vase molle le pied juste de l’ibis j’ai laissé partout sur les berges sur les montagnes sur les rivages le grigri de mes pieds à carcans.
All the way from Akkad. From Elam. From Sumer.
Master of the three paths, Master of the three channels, may it please you for once—the first time since Akkad since Elam since Sumer—my muzzle apparently more tanned than the calluses on my feet but in reality softer than the crow’s scrupulous beak and as if draped supernaturally in bitter folds provided by my borrowed gray skin (a livery men force onto me every winter)—that I may advance through the dead leaves with my little sorcerer steps
Depuis Akkad. Depuis Elam. Depuis Sumer.
Maître des trois chemins. Maîtres des trois rigoles plaise que pour une fois – la première depuis Akkad depuis Elam depuis Sumer – le museau plus tanné apparemment que le cal de mes pieds mais en réalité plus doux que le bec minutieux du corbeau et comme drapé surnaturellement des plus amers que me fait ma grise peau d’emprunt (livrée que les hommes m’imposent chaque hiver) j’avance à travers les fe
uilles mortes de mon petit pas sorcier
toward where the inexhaustible injunction of men thrown to the knotted sneers of the hurricane threatens triumphantly. All the way from Elam from Akkad from Sumer.
vers là où menace triomphalement l’inépuisable injonction des hommes jetés aux ricanements noueux de l’ouragan. Depuis Elam depuis Akkad depuis Sumer.
To the Serpent
Au serpent
I have had occasion in the bewilderment of cities to search for the right animal to adore. So I worked my way back to the first times. Undoing cycles untying knots crushing plots removing covers killing my hostages I searched.
Il m’est arrivé dans l’effarement des villes de chercher quel animal adorer. Alors je remontais aux temps premiers. En défaisant les cycles en délaçant les nœuds en brisant les intrigues en enlevant les couvertures en tuant mes otages je cherchais.
Pryer. Tapir. Uprooter.
Where where where the animal who warned me of floods
Where where where the bird who led me to honey
Where where where the bird who revealed to me the fountainheads
Fouineur. Tapir. Déracineur.
Où où où l’animal qui m’avertissait des crues
Où où où l’oiseau qui me guidait au miel
Où où où l’oiseau qui me divulguait les sources
the memory of great alliances betrayed great friendships lost through our fault exalted me
Where where where
Where where where
The word made vulgar to me
le souvenir de grandes alliances trahies de grandes amitiés perdues par notre faute m’exaltait
Où où où
Où où où
La parole me fut vulgaire
O serpent sumptuous back do you enclose in your sinuous lash the powerful soul of my grandfather?