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The Complete Poetry of Aimé Césaire

Page 37

by Césaire, Aimé; Eshleman, Clayton; Arnold, A. James


  But the beast was already upon me.

  Je frappai ses jambes et ses bras. Ils devinrent des pattes de fer terminées par des serres très puissantes recouvertes de petites plumes souples et vertes qui leur faisaient une gaine discernable mais très bien étudiée. D’une idée-à-peur de mon cerveau lui naquit son bec, d’un poisson férocement armé. Et l’animal fut devant moi oiseau. Son pas régulier comme une horloge arpentait despotiquement le sable rouge comme mesureur d’un champ sacré né de la larme perfide d’un fleuve. Sa tête ? je la vis très vite de verre translucide à travers lequel l’œil tournait un agencement de rouages très fins de poulies de bielles qui de temps en temps avec le jeu très impressionnant des pistons injectaient le temps de chrome et de mercure

  Mais déjà la bête était sur moi.

  Alas it was invulnerable.

  Beneath its breasts and all over its belly beneath its neck and all over its back what one at first took for feathers were painted iron plates which as the animal opened and closed its wings to shake off the rain and blood formed an uncompromising perspective made up of smelly residues and the noises of spoons banged together by the white hands of an earthquake in the sordid baskets of a too unhealthy summer.

  Hélas elle était invulnérable.

  Au dessous des seins et sur tout le ventre au dessous du cou et sur tout le dos ce que l’on prenait à première vue pour des plumes étaient des lamelles de fer peint qui lorsque l’animal ouvrait et refermait les ailes pour se secouer de la pluie et du sang faisaient une perspective que rien ne pouvait compromettre de relents et de bruits de cuillers heurtées par les mains blanches d’un séisme dans les corbeilles sordides d’un été trop malsain.

  Marsh

  Marais

  The marsh unrolling its lasso until then coiled around its navel the swamp spouting odors that until then had woven a shoulder with armpits

  The marsh unmaking the evil eye that up to the present had lit up more or less well the miserable den in the depths of which it preserved its faulty reasoning in a jar of luxurious leeches reserved for the blood of the most illustrious crowned heads

  Le marais déroulant son lasso jusque là lové autour de son nombril le marais dégoisant les odeurs qui jusque là avaient tissé une épaule avec des aisselles

  Le marais défaisant le mauvais œil qui jusqu’à présent lui avait éclairé tant bien que mal le mauvais bouge au fond duquel il entretenait ses mauvaises raisons dans un bocal de sangsues luxueuses réservées aux sangs des plus illustres têtes couronnées

  and here I am settled via the most obliging quicksand at the bottom of the marsh and smoking the rarest tobacco that any lark ever smoked.

  et me voilà installé par les soins obligeants de l’enlisement au fond du marais et fumant le tabac le plus rare qu’aucune alouette ait jamais fumé.

  Miasma they told me this could only be the reign of twilight. I hereby notify you that I had been misled. From the other side of life, of death, bubbles are rising. They burst on the surface with the sound of shattered light bulbs. They are the divers of the victims of reclusion resurfacing to put away their heads of lead and of glass their tenderness.

  Miasme on m’avait dit que ce ne pouvait être que le règne du crépuscule. Je te donne acte que l’on m’avait trompé. De l’autre côté de la vie, de la mort, montent des bulles. Elles éclatent à la surface avec un bruit d’ampoules électriques brisées. Ce sont les scaphandriers des victimes de la réclusion qui reviennent à la surface remiser leur tête de plomb et de verre leur tendresse.

  For me every animal is a trumpeter-watchdog.

  Every plant a silphium blind word of the North and South.

  But stay alert.

  They are serpents.

  Tout animal m’est agami-chien de garde.

  Toute plante silphium-lascinatum parole aveugle du Nord et du Sud.

  Pourtant alerte.

  Ce sont les serpents.

  One of them hisses along my spinal column then coiling at the base of my thoracic cage it darts its head up to my spasmodic throat.

  At the end the occlusion is sweet and beneath the sand I intone

  the HYMN TO THE LUMBAR SERPENT

  L’un d’eux siffle le long de ma colonne vertébrale puis s’enroulant au plus bas de ma cage thoracique lance sa tête jusqu’à ma gorge spasmodique.

  À la fin l’occlusion en est douce et j’entonne sous le sable

  l’HYMNE AU SERPENT LOMBAIRE

  Noon Knives

  Couteaux Midi

  When the Blacks make Revolution they begin by uprooting from the Champ de Mars giant trees that they hurl like bayings into the face of the sky and that in the hottest of the air take aim at the pure streams of fresh birds at which they fire blanks. They fire blanks? Yes indeed because blankness is the disputed just force of the blackness that they bear in their hearts and that never ceases to conspire in the little too-well-made hexagons of their pores. The blank shots then plant in the sky ladies of the night that are not unrelated to the coifs of Saint Joseph de Cluny nuns which they launder under the bread and wine of noon amidst the solar jubilation of tropical soap.

  Quand les Nègres font la Révolution ils commencent par arracher du Champ de Mars des arbres géants qu’ils lancent à la face du ciel comme des aboiements et qui couchent dans le plus chaud de l’air de purs courants d’oiseaux frais où ils tirent à blanc. Ils tirent à blanc ? Oui ma foi parce que le blanc est la juste force controversée du noir qu’ils portent dans le cœur et qui ne cesse de conspirer dans les petits hexagones trop bien faits de leurs pores. Les coups de feu blancs plantent alors dans le ciel des belles de nuit qui ne sont pas sans rapport avec les cornettes des sœurs de Saint Joseph de Cluny qu’elles lessivent sous les espèces de midi dans la jubilation solaire du savon tropical.

  Noon? Yes, Noon dispersing in the sky the too complacent cotton wool that muffles my words and traps my screams. Noon? Yes Noon almond of the night and tongue between my pepper fangs. Noon? Yes Noon that bears on its scabby glazier’s back all the sensitivity toward hatred and ruins that counts. Noon? by god Noon which after pausing on my lips just long enough for a curse and at the cathedral limits of idleness sets on all the lines of every hand the trains that repentance kept in reserve in the strong-boxes of severe time. Noon? Yes sumptuous Noon that absents me from this world.

  Midi ? Oui, Midi qui disperse dans le ciel la ouate trop complaisante qui capitonne mes paroles et où mes cris se prennent. Midi ? Oui Midi amande de la nuit et langue entre mes crocs de poivre. Midi ? Oui Midi qui porte sur son dos de galeux et de vitrier toute la sensibilité qui compte de la haine et des ruines. Midi ? pardieu Midi qui après s’être recueilli sur mes lèvres le temps d’un blasphème et aux limites cathédrales de l’oisiveté met sur toutes les lignes de toutes les mains les trains que la repentance gardait en réserve dans les coffres-forts du temps sévère. Midi ? Oui Midi somptueux qui de ce monde m’absente.

  Oh! tyrannical and radiant at the feet of stormy spume and wind and your tattered flag flapping for the wasted hours for the abandoned games for the present crows for the future serpents

  filao filao

  of course I have a mandrake mug

  its name answers to mine

  its scream is mine when I was ripped from my mother’s phosphorescent womb

  Oh tyrannique et épanoui aux pieds d’écume orageuse et de vent et ton drapeau de guenilles claquant pour les heures gaspillées pour les jeux abandonnés pour les corbeaux présents pour les serpents futurs

  filao filao

  bien sûr que j’ai une gueule de mandragore

  que son nom répond au mien

  que son cri est le mien quand on m’a tiré du ventre phosphorescent de ma mère

  of course my spittle is deadly to some

  more and better than white hellebore

  of course I have more disdain than a dandelion seed

  and greater modesty than wood thistle which realizes the fruit of its copulation only between sky
and earth

  bien sûr que mon crachat est mortel à certains

  plus et mieux que l’ellébore varaire

  bien sûr que j’ai plus de mépris qu’une graine de pissenlit

  et plus de pudeur que le cirse des bois qui n’accomplit le fruit de sa copulation qu’entre ciel et terre

  But filao filao why filao

  in any case in your name filao I spit in your face santa maria

  filao

  filao

  in any case I spit in the face of the starvers in the face of the revilers in the face of the paraschists* and the eviscerators

  Mais filao filao pourquoi filao

  en tout cas en ton nom filao je crache à ton visage santa maria

  filao

  filao

  en tout cas je crache au visage des affameurs au visage des insulteurs au visage des paraschites et des éventreurs

  filao

  filao

  My world is sweet

  sweet as the dwarf elder

  sweet as the glass of catastrophe

  sweet as the perfume of red fabric on the heavy breathing of a black skin

  filao

  filao

  Mon monde est doux

  doux comme l’hièble

  doux comme le verre de catastrophe

  doux comme le parfum d’une étoffe rouge sur la respiration bruyante d’une peau noire

  sweet as the greatcoat made of bird feathers that vengeance dons after the crime

  sweet as the sure and maligned gait of the blind man

  sweet as the greeting of wavelets surprised in their petticoats in the chambers of the manchineel

  sweet as a river of mandibles and the eyelid of the parrot

  sweet as a rain of ash empearled with tiny fires

  doux comme la houppelande faite de plumes d’oiseau que la vengeance vêt après le crime

  doux comme la démarche sûre et calomniée de l’aveugle

  doux comme le salut des petites vagues surprises en jupes dans les chambres du mancenillier

  doux comme un fleuve de mandibules et la paupière du perroquet

  doux comme une pluie de cendre emperlée de petits feux

  filao

  oh

  filao

  upright in my wounds where my blood beats against the shafts of shipwreck of the cadavers of croaked dogs out of which hummingbirds are rocketing

  I stick to my pact

  filao

  oh

  filao

  debout dans mes blessures où mon sang bat contre les fûts du naufrage des cadavres de chiens crevés d’où fusent des colibris

  je tiens mon pacte

  a day for our fraternal feet

  a day for our hands without rancor

  a day for our breath without distrust

  a day for our faces without shame

  un jour pour nos pieds fraternels

  un jour pour nos mains sans rancunes

  un jour pour nos souffles sans méfiance

  un jour pour nos faces sans vergogne

  and the Blacks go searching in the dust—gems singing in their ears at the top of their voices—for the splinters from which mica is made from which moons are made and the fissile slate out of which sorcerers make the intimate ferocity of the stars.

  et les Nègres vont cherchant dans la poussière – à leur oreille à pleins poumons les pierres précieuses chantant – les échardes dont on fait le mica dont on fait les lunes et l’ardoise lamelleuse dont les sorciers font l’intime férocité des étoiles.

  Idyll

  Idylle

  When the night of the world comes and the streetlamps become motionless tall girls yellow bows in their hair and a finger to their lips

  when the light in the pane cuts its pigtail and fries its eggs in a drop of blood taken from the snow of the wounded

  and the heavy wine of noon casts its seed to the midnight stars

  Quand viendra le soir du monde que les réverbères seront de grandes filles immobiles un nœud jaune aux cheveux et le doigt sur la bouche

  quand la lumière dans la vitre coupera sa natte et fera frire ses œufs dans une goutte de sang prise à la neige des blessés

  que le vin lourd de midi lancera du grain aux étoiles de minuit

  there shall be airy baskets of fog in my soul summoned to pour out buckets of light

  solitude shall open miniscule windows

  onto the beautiful radiophonic friendship of numbers

  and in the reconversion of the calendar in the bonfire of the day planks

  the day shall be so pure that days shall be visible in it

  il y aura dans mon âme les légères corbeilles du brouillard qui seront sommées de verser des bennes de lumière

  la solitude ouvrira de minuscules fenêtres

  sur la belle amitié radiophonique des nombres

  et dans la reconversion du calendrier dans le feu de joie de la planche à journées

  le jour sera si pur qu’on y verra les jours

  crow sweet servant

  raucous and voluptuous like me

  plunder of thick air and chatty space there shall be

  a decapitated auto pump on the chopping block of time for playing wolf

  the laughter of children at an unnoticed recess causing one to think of chaperones causing one to think of the devoured causing one to think

  of the prophets whom men hunted from their dreams with blows of gray stone

  corbeau doux serviteur

  comme moi rauque et voluptueux

  butin de l’air épais et de l’espace bavard il y aura

  une pompe d’auto décapitée sur le billot du temps à faire les loups

  des ris d’enfants d’une récréation qu’on ne voit pas faisant penser aux chaperons faisant penser aux dévorés faisant penser

  aux prophètes que les hommes chassaient de leurs songes à coups de pierre grise

  crow

  your day is coming without purpose on borrowed feet

  like a house Negro bearing agile milk

  corbeau

  ton jour arrive sans but sur des pattes d’emprunt

  comme un nègre domestique porteur de lait agile

  crow

  the last hanged man turns his legal eye in the chaste zero of repentance and absurdity

  corbeau

  le dernier pendu tourne son œil légal dans le chaste zéro du repentir et de l’absurde

  sweet crow song of the mandrake

  venomous and tranquil like me

  there are still to be loosened the blue stones of the castle

  and the painless geometry of the lie

  corbeau suave chant de mandragore

  comme moi vénéneux et tranquille

  il y a encore à desceller les pierres bleues du château

  et la géométrie sans peine du mensonge

  crow

  with your black signature honor the blank page

  escaped from the dead season of virginal embraces

  corbeau

  de ta noire signature honore la page blanche

  échappée à la morte-saison des étreintes pucelles

  strong-minded crow

  upright behind the trapdoor of your cry

  when the scrupulous inventory of everyday words begins

  for it shall be time to think of witnesses less hairy than the stars

  corbeau tête forte

  debout derrière la trappe de ton cri

  quand l’inventaire scrupuleux des mots de tous les jours commencera

  car il sera temps de penser à des témoins moins velus que les astres

  — in what clogs did your presence flee? my guardian angel

  having arisen from the patience of the sidewalk and from the flame of the gutter

  shall say

  his terrestrial fingers near a leafy basin sowing in vain

  words tasting of bread and of snare

  – sur quels sabots s’est enfuie ta présence ? dira

>   surgi de la patience du trottoir et de la flamme du ruisseau

  mon ange gardien

  ses doigts terrestres près d’un bassin feuillu semant en vain

  des mots à goût de pain et de piège

  I shall answer nothing

  but I shall guide him along the meridian line

  to the chaste epiphany of a blood rose window of a shower of light of the great brown effort of a forge where writhes

  the black thrust of a gesture bathed in white sand

  je ne répondrai rien

  mais je le conduirai selon la méridienne

  à l’épiphanie chaste d’une rosace de sang d’une gerbe de lumière du grand effort brun d’une forge où se tord

  la poussée noire du geste baignée de sable blanc

  then from she who awakens to their boa constrictor vocation

  the strangler routes of the landscape that they were instructed to nurse

  to she who makes the sacred peacocks of my incorruptible life warble with recollection

  alors de celle qui réveille à leur vocation de boa constrictor

  les routes étrangleuses du paysage qu’elles étaient chargées d’allaiter

  à celle qui fait que les paons sacrés de ma vie incorruptible roucoulent de remémoration

  the red oxen shall lead the day back to the tomb where afroth a champagne warmth bubbling with buds and atolls

  shall open tired palms

  in the air there shall be fine weather workmen ocelli and crystal stags great virginal words pious alligators whose teeth our very wise birds shall clean

  les bœuf rouges ramèneront la journée au tombeau où par écume une chaleur de champagne pétillante de bourgeons et d’atolls

  ouvrira des paumes lasses

  dans l’air il y aura ouvriers du beau temps des ocelles et des cerfs de cristal de grandes paroles vierges des alligators pieux dont nos oiseaux très sages cureront les dents

 

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