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Surrealist, Lover, Resistant

Page 4

by Robert Desnos


  (O Mediterranean fairies!)

  I drank to the sound of a tango.

  NEUVE JEUNESSE

  Nous irons au cinéma

  Rendre nos devoirs à Charlot

  Mais n’irons-nous pas sur l’eau

  Visiter YOKOHAMA?

  Le nègre des Batignolles

  où est-il? et son banjo?

  La putain qui m’appelait coco

  et qui posait les vierges folles?

  Les cerises en sac de papier

  que je croquais dans mon dodo

  Polichinelle et le Pompier

  qui chantaient ho ho ho ho?

  Toutes les fleurs de Colombo,

  tous les whyskies de Singapour

  et les remparts de Saint-Malo

  et les débris de mes amours

  La mer a noyé tout cela

  Je ne suis plus qu’un petit garçon

  qui mange du chocolat

  et qui joue au ballon

  EARLIEST YOUTH

  Off to see the flicks to-day:

  Charlie’s there to be adored.

  We can simply step aboard,

  Dock at Yokohama Bay.

  Minstrel of the music-halls,

  Where’s he now with his banjo?

  With her crazy virginals,

  Tart who called me Romeo?

  Cherries in the Land of Nod

  From a paper bag, tra-la?

  Mr Punch and PC Plod

  Gaily singing ha-ha-ha?

  All Colombo’s pretty flowers,

  Chota pegs in Singapore

  And St Malo’s walls and towers

  And my loves intact no more.

  Now the deep has drowned all that

  I’m a little lad, that’s all,

  Eating up my chocolate,

  Playing with my great big ball.

  PROSPECTUS

  Tous les vieillards dans la maison

  Ont détraqué leurs pendules,

  Il fait nuit en toute saison

  Dans la maison des trop crédules.

  Ils ont renversé les potiches

  La concierge a rompu le cordon,

  Tous les vieillards de la maison

  Ont des chevelures postiches.

  Montent les cris de la rue;

  Voici frissonner leurs bedaines,

  Voici sonner sonner le glas

  Et passer le cri de leur haine

  Raccommodeur

  FAÏENCE ET PORCELAINE

  PROSPECTUS

  All the old men living here

  Broke their clocks, can’t make them go,

  It is night all round the year

  At the Credulous Château.

  They’ve upset the chinaware,

  La concierge has bust the bell,

  All old men that here do dwell

  Fix false pieces in their hair.

  Street-cries coming up the stairs;

  See their paunches palpitate,

  Hear the death-knell toll again

  Hear them cry their cry of hate

  Repairs

  FAIENCE AND PORCELAIN

  L’ODE À COCO

  Coco! perroquet vert de concierge podagre,

  Sur un ventre juché, ses fielleux monologues

  Excitant aux abois la colère du dogue,

  Fait surgir un galop de zèbres et d’onagres.

  Cauchemar, son bec noir plongera dans un crâne

  Et deux grains de soleil sous l’écorce paupière

  Saigneront dans la nuit sur un édredon blanc.

  L’amour d’une bigote a perverti ton cœur;

  Jadis gonflant ton col ainsi qu’un tourtereau,

  Coco! tu modulais au ciel de l’équateur

  De sonores clameurs qui charmaient les perruches.

  Vint le marin sifflant la polka périmée,

  Vint la bigote obscène et son bonnet à ruches,

  Puis le perchoir de bois dans la cage dorée:

  Les refrains tropicaux désertèrent ta gorge.

  Rastaquouère paré de criardes couleurs

  Ô général d’empire, ô métèque épatant

  Tu simules pour moi grotesque voyageur,

  Un aigle de lutrin perché sur un sextant.

  Mais le cacatoès observait le persil

  Le bifteck trop saignant, la pot-bouille et la nuit,

  Tandis qu’un chien troublait mon sommeil et la messe

  Qui, par rauques abois, prétendait le funeste

  Effrayer le soleil, la lune et les étoiles.

  Coco! cri avorté d’un coq paralytique,

  Les poules en ont ri, volatiles tribades,

  Des canards ont chanté qui se sont cru des cygnes,

  Qui donc n’a pas voulu les noyer dans la rade?

  Qu’importe qu’un drapeau figé dans son sommeil

  Serve de parapluie aux camelots braillards

  Dont les cors font souffrir les horribles orteils:

  Au vent du cauchemar claquent mes étendards.

  Coco! femme de Loth pétrifiée par Sodome,

  De louches cuisiniers sont venus, se cachant,

  Effriter ta statue pour épicer l’arôme

  Des ragoûts et du vin des vieillards impuissants.

  Coco! fruit défendu des arbres de l’Afrique,

  Les chimpanzés moqueurs en ont brisé des crânes

  Et ces crânes polis d’anciens explorateurs

  Illusionnent encor les insanes guenons.

  Coco! Petit garçon savoure ce breuvage,

  La mer a des parfums de cocktails et d’absinthe,

  Et les citrons pressés ont roulé sur les vagues;

  Avant peu les alcools délayant les mirages

  Te feront piétiner par les pieds durs des bœufs.

  La roulette est la lune et l’enjeu ton espoir,

  Mais des grecs ont triché au poker des planètes,

  Les sages du passé, terrés comme des loirs,

  Ont vomi leur mépris aux pieds des proxénètes.

  Les maelstroms gueulards charrieront des baleines

  Et de blancs goélands noyés par les moussons.

  La montagne fondra sous le vent des saisons,

  Les ossements des morts exhausseront la plaine.

  Le feu des Armadas incendiera la mer,

  Les lourds canons de bronze entr’ouvriront les flots

  Quand, seuls sur l’océan, quatre bouchons de liège

  Défieront le tonnerre effroi des matelots.

  Coco! la putain pâle aux fards décomposés

  A reniflé ce soir tes étranges parfums.

  Elle verra la vie brutale sans nausée

  À travers la couleur orangée du matin.

  Elle marchera sur d’humides macadams

  Où des phallophories de lumières s’agitent;

  Sur les cours d’eau berceurs du nord de l’Amérique

  Voguera sa pirogue agile, mais sans rame.

  Les minarets blanchis d’un Alger idéal

  Vers elle inclineront leur col de carafon

  Pour verser dans son cœur mordu par les démons

  L’ivresse des pensées captée dans les bocaux.

  Sur ses talons Louis Quinze elle ira, décrochant

  Les yeux révulsés des orbites des passants!

  Ô le beau collier, ma mie

  Que ces yeux en ribambelle,

  Ô le beau collier ma mie

  Que ces têtes sans cervelle.

  Nous jouerons au bilboquet

  Sur des phallus de carton-pâte,

  Danse Judas avec Pilate

  Et Cendrillon avec Riquet.

&
nbsp; Elle vivra, vivra marchant

  En guignant de l’œil les boutiques

  Où sur des tas d’or, souriant aux pratiques,

  D’un peu plus chaque jour engraissent les marchands.

  Elle vivra marchant,

  Jusqu’à l’hospice ouvrant sa porte funéraire

  Jusqu’au berceau dernier, pirogue trop légère,

  Sur l’ultime Achéron de ses regrets naissants.

  Ou bien, dans un couvent de nonnes prostituées,

  Abbesse au noir pouvoir vendra-t-elle la chair

  Meurtri par les baisers de ses sœurs impubères?

  Lanterne en fer forgé au seuil des lupanars,

  Courtisanes coiffées du seigneurial hennin,

  Tout le passé s’endort au grabat des putains

  Comme un banquier paillard rongé par la vérole.

  Saint Louis, jadis, sérieux comme un chien dans les quilles

  Régissait la rue chaude aimée des Toulousains,

  Le clapier Saint-Merry, proche la même église,

  Mêlait ses chants d’amour aux nocturnes tocsins.

  La reine Marie Stuart obtint par grand’prière

  Que d’un vocable orgiaque on fit Tire-Boudin,

  J’aime beaucoup ces rues Tiron, Troussenonnains,

  Où trafiquait à l’enseigne des jarretières

  Les filles aux doigts blancs, aux langues meurtrières.

  Holà! l’estaminet s’ouvre sur l’horizon,

  Les buveurs ont vomi du vin rouge hier soir

  Et ce matin, livide et crachant ses poumons,

  Syphilitique est morte la putain sans gloire.

  Que le vent gonfle donc la voile des galères

  Car les flots ont échoué sur les grèves antiques

  Des cadavres meurtris dédaignés des requins,

  Les crabes ont mangé tous les cerveaux lyriques,

  Une pieuvre s’acharne après un luth d’argent

  Et crève un sac soyeux où sonnaient les sequins!

  Tabac pour la concierge et coco pour la grue!

  Je ne priserai pas la poudre consolante

  Puisqu’un puissant opium s’exhale de mes nuits,

  Que mes mains abusées ont déchiré parfois

  La chair sanglante et chaude et vierge mais dolente!

  Quels bouquets, chers pavots, dans les flacons limpides,

  Quels décombres thébains et, Byzance orgueilleuse,

  Les rêves accroupis sur le bord d’un Bosphore

  Où nagent les amours cadencées et nombreuses

  J’ai des champs de pavots sournois et pernicieux

  Qui, plus que toi Coco! me bleuiront les yeux.

  Sur Gomorrhe et Sodome aux ornières profondes,

  J’ai répandu le sel fertilisant des ondes.

  J’ai voulu ravager mes campagnes intimes,

  Des forêts ont jailli pour recouvrir mes ruines.

  Trois vies superposées ne pourraient pas suffire

  À labeur journalier en saccager l’empire.

  Le poison de mon rêve est voluptueux et sûr

  Et les fantasmes lourds de la drogue perfide

  Ne produiront jamais dans un esprit lucide

  L’horreur de trop d’amour et de trop d’horizon

  Que pour moi voyageur font naître les chansons.

  Écrit en 1919, publié en 1930.

  THE ODE TO COCO

  Coco! Green parrot of concierge with gout,

  Perched on a paunch, its bilious monologues

  Arouse the barks of large and angry dogs,

  Make zebras and wild asses dash about.

  Nightmare, its black beak plunging in a skull:

  Two grains of sunshine under eyeball’s peel

  Will bleed at night on a red eiderdown.

  A bigot-woman’s love has turned your soul.

  Once like a turtle-dove you puffed your neck,

  Coco! and noised to equatorial sky

  Your tuneful cries that charmed the parrot-hens.

  Came sailorman whistling a clapped-out polka,

  Came nasty bigot-woman’s frilly bonnet,

  The wooden perch inside the gilded cage:

  The tropic songs fell silent in your throat.

  Exotic nabob of the gaudy hues,

  General of empire, showy immigrant,

  Weird traveller, to me you represent

  A lectern-eagle on a sextant roost.

  The cockatoo surveyed the half-done steak,

  The parsley and the hotpot and the dark:

  A dog disturbed my slumber and the mass

  With false alarms of doom, a raucous bark

  To terrify the sun and moon and stars.

  Coco! a spastic rooster’s strangled cry,

  The chickens laughed at it, the flighty dykes:

  Ducks, thinking they were swans, emitted quacks.

  We longed to drown them in the estuary.

  What if he dreams a flag he often sees

  Is used to keep the rain off bully-boys,

  Whose bunions agonise their beastly toes?

  My flags flap loudly on the nightmare breeze.

  Coco! Lot’s wife that Sodom turned to stone,

  Louche cooks come creeping up, to whittle down

  Your effigy for impotent old men,

  To spice the odours of their stews and wine.

  Coco! Forbidden fruit of Afric trees,

  Death’s-heads stove in by jeering chimpanzees,

  And still some bygone expedition gulls

  Demented monkeys with its polished skulls.

  Coco! Small boy, sample this heady brew,

  Cocktails and absinthe give the sea their smells,

  And lemonades go rolling on the waves:

  Mirages are delayed by alcohols:

  You will be trampled by hard hooves of bulls.

  The moon’s roulette-wheel puts your hopes at stake.

  Greeks fixed the planets’ poker-game, it’s fake:

  Ancient great minds, like dormice in their burrows,

  Spewed hatred at the feet of flesh-procurers.

  Maelstroms with jaws shall sweep away the whales

  And the white seagulls that monsoons have drowned.

  Mountains shall founder in the winter gales,

  And dead men’s bones heap up the rolling ground.

  The sea shall catch alight, Armadas burn,

  Heavy bronze cannon prise apart the flood;

  Tossed on the ocean wave, four corks alone

  Defy the thunder that the sailors dread.

  Coco! The pallid tart whose rouges fade

  Sniffed, just this evening, your exotic balm.

  She’ll peer through daybreak’s over-oranged shade,

  And watch life’s brutishness without a qualm.

  She’ll walk wet roads macadamised with tar

  Where phallophorias of torches waggle;

  Currents caressing North America

  Shall waft her neat pirogue without a paddle.

  White towers of an ideal Algiers

  Shall bend to her their necks like jars,

  Pour in her heart that demons nipped

  Wild thoughts inside a phial trapped.

  On claw-like heels of Louis Quinze she’ll go, raised high:

  She’ll disconnect, rip out the eyes of passers-by.

  O beautiful necklace my darling

  These eyes with their fairy train

  O beautiful necklace my darling

  These heads without any brain

  Our game of cup-and-ball had

  Two papier-mâché phalli

  Let Judas dance with Pilate />
  Riquet with Cinderella.

  She shall live, shall walk and live,

  Eyeing up the golden pile,

  Smart boutiques where traders thrive,

  Please their clients, daily smile.

  She shall live, shall live and walk,

  Walk till hospice lych-gates yawn,

  Closing cradle, frail pirogue,

  Nascent regrets’ last Acheron.

  Or in a convent where the nuns are hookers,

 

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