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CHASSES À L'HOMME

Page 19

by Christophe Guillaumot


  – Tu ne vas pas me dire que tu as couché avec un client ? hurla-t-elle dans le bureau d'accueil.

  Rebecca ne put dissimuler un sourire fautif qui éclaira la situation. Enfreindre la règle, c'était risquer de tout gâcher. Les deux sœurs s'étaient toujours battues pour qu'on ne les confonde pas avec des péripatéticiennes. Faire une telle erreur, c'était risquer de voir débarquer la police des mœurs d'un instant à l'autre. De plus, Monica savait très bien que Rebecca serait incapable de jouer la comédie devant leurs clients, si son cœur battait pour un autre homme. Les vociférations de sa sœur ne semblaient pas atteindre la charmante jeune femme blonde. Une fois sa salive épuisée, elle dut se résoudre à l'évidence :

  – Mon Dieu ! Elle est amoureuse !

  Rebecca tenta d'expliquer à sa jumelle qu'elle ne devait pas voir le mal partout et qu'elle n'avait eu aucune relation sexuelle au cours de la nuit dernière, mais qu'elle était impatiente de lui parler du commissaire Saint Hilaire. Monica Fortia consentit à maîtriser ses émotions et à concentrer son attention sur les péripéties de la veille. Rebecca raconta comment, au restaurant, elle avait été démasquée par son beau policier. Puis elle fit le récit de leur quête de renseignements auprès du détective, omettant tout de même de parler des menaces avec arme, de la séquestration et du vol de la voiture du dit détective. Enfin, elle aborda la nuit qu'elle avait passée avec Saint Hilaire, oubliant juste de signaler à Monica qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrêt pour meurtre.

  – Voilà ! Tu sais tout ! termina-t-elle sans aucune honte.

  C'est à ce moment-là que deux voitures de police, toutes sirènes hurlantes, vinrent déraper aux abords de la vitrine de l'agence. Un homme grand et sec portant des lunettes en descendit, hystérique. Il poussa la porte en exhibant sa carte de police.

  – Mesdames ! dit-il en saluant de la tête. Commissaire Wuenheim...

  ***

  La vaisselle volait en éclats dans la cuisine intégrée dernier cri, en ardoise marron. Henri Pupillin s'était transformé en fauve lorsque sa femme était rentrée de ses prétendues courses. Outre les mensonges d'Irène, il avait dû subir une humiliation en règle de la part de ce jeune loup de Wuenheim. Il était vexé. Tous ses confrères seraient bientôt au courant du camoufflet qu'il venait de lui infliger. Il avait décelé dans l'intonation de sa voix un plaisir sadique à lui apprendre la trahison de sa femme. Pupillin, qui ne lui avait jamais facilité les choses lorsqu'il enquêtait sur l'un de ses services, ne pourrait plus jamais lui tenir tête. Il ne pourrait plus éviter à ses hommes de passer à la moulinette des bœuf-carottes. Cela le rendait fou. Il ne décolérait pas malgré les pleurs d'Irène. Comment allait-il s'expliquer devant le préfet de police ? On lui imposerait sûrement un départ à la retraite anticipée. Il en était convaincu. La fin de sa carrière avait sonné. Et le glas avait été actionné par sa propre femme ! Exigeant des explications, et n'attendant pas qu'elle sèche ses larmes, il lui ordonna de lui raconter tout ce qu'elle savait. Irène, maîtrisant son émotivité, énonça pour la seconde fois de la journée la mise en scène choisie par Marthe pour disparaître. Elle parla de la liaison orageuse qu'elle entretenait et le chantage dont elle avait été victime. Elle expliqua son silence par la promesse qu'elle avait faite à son amie maintenant disparue, de ne jamais révéler où elle se cachait. Enfin, elle oublia de confier à son mari la rencontre inopinée avec Pierre Saint Hilaire et Rebecca Fortia. Elle se refusa également à évoquer avec lui toutes les hypothèses étudiées au petit déjeuner. Même si elle s'était rebiffée lorsque le mannequin avait envisagé l'idée que son mari puisse être le maître chanteur, elle ne raya pas complètement cette possibilité de son esprit. En tant qu'ami proche de Saint Hilaire, il aurait très bien pu insister auprès de Marthe pour qu'elle cesse de le tromper. Ayant confiance en Pierre, Irène décida de lui offrir la chance de trouver le véritable assassin. Son silence lui offrait quelques heures d'avance sur ses poursuivants.

  ***

  Léognan était dans l'un de ses mauvais jours. Lui qui aimait son confort et la routine quotidienne supportait mal les affres de cette journée. Henri Pupillin lui avait donné les commandes du commissariat, à titre provisoire. Mais il était devenu le chef d'un bocal vide. Saint Hilaire était en fuite. Caramany avait été tué. Et Sarras était parti en vadrouille à l'Institut médico-légal soi-disant pour signer un procès-verbal qu'il aurait oublié de griffonner dans la nuit. Ainsi, au lieu de s'asseoir dans le sacro-saint siège en cuir du commissaire et de larver en attendant l'apéritif, il se retrouvait à prendre les plaintes au guichet de l'accueil, faute de combattants. Tout le reste des effectifs avait été réquisitionné par la direction pour tenter de retrouver Saint Hilaire. Seule Claire restait fidèlement à son poste pour seconder le major.

  – S'il y a une attaque de banque, il faudra me donner une arme si vous voulez que j'assure vos arrières ! dit-elle en plaisantant.

  Mais l'homme au poids démesuré n'était pas d'humeur joviale. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et on le sentait prêt à craquer. Lui aussi s'en voulait d'avoir remis le couteau à Saint Hilaire. C'était lui qui avait empêché Sarras d'avertir le commissaire Wuenheim de la découverte de cette arme dans le bureau du lieutenant Caramany. Maintenant le commissaire était recherché pour meurtre et le commissariat était complètement désorganisé.

  Mais la cerise sur le gâteau se matérialisa par l'apparition sur le palier d'une personne chargée de mettre en place une cellule psychologique d'aide aux fonctionnaires du service. Le major Léognan resta sans voix. L'hôtesse d'accueil avait du mal à cacher un fou rire irrépressible. La psychologue à la trentaine flamboyante, semblant tout juste sortir des bancs de la faculté, portait un superbe tailleur gris. Une broche en faux diamants, représentant un scarabée, agrémentait sa veste et attirait l'œil des deux seuls rescapés du commissariat.

  – Quand pourrais-je m'entretenir en particulier avec les membres du service ? demanda-t-elle, pressée de se mettre à l'écoute des âmes sensibles.

  Claire était incapable d'énoncer une seule parole et regarda son nouveau chef, attendant une réaction de sa part. Le major Léognan commença par s'enquérir de l'identité du commanditaire de cette initiative. Lorsque la jeune femme lui apprit que c'était la Préfecture de police qui avait ordonné cette mission de soutien, il dut se résigner à prolonger la conversation. Il expliqua gentiment à la professionnelle qu'il n'y avait plus personne dans le commissariat, à part Claire et lui-même, et lui proposa de prendre rendez-vous pour une date ultérieure. La psychologue lui précisa que son travail devait se dérouler dans la concomitance des événements et qu'elle pouvait tout à fait commencer à s'entretenir avec eux. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Le major monta sur ses grands chevaux. Il retraça tous les faits marquants de sa carrière de militaire puis de policier, détaillant les meurtres les plus sordides auxquels il avait assisté, tortures, viols, dépeçages et autres horreurs que tout policier, digne de ce nom, était malheureusement condamné à rencontrer au cours de sa vie professionnelle. Il termina son exposé macabre en minimisant la portée du meurtre de Caramany par Saint Hilaire.

  – Vous ne pensez quand même pas, que ce sont quelques coups de couteau dans le ventre de mon lieutenant qui vont me perturber ? explosa-t-il à l'intention de la psychologue.

  Celle-ci ne se démonta pas. Elle rétorqua du tac au tac qu'une personne refusant de débattre d'un événement choquant était de ce fait en état de blocage mental. Elle précisa qu'il risquait une secousse psychologique telle qu'elle pouvait dégénérer en dépression dans les mois à venir.

  Elevé à l'ancienne, le major Léognan ne pouvait se résoudre à de telles fadaises. Voyant qu'il n'arriverait pas à se dépêtrer de cette situation, il prit sa première décision de chef du commissariat. Il ordonna à Claire de passer l'entretien psychologique en premier. L'hôtesse cessa de rire aussitôt et afficha une moue rageuse à l'encontre du policier. Léognan, désireux de mettre un terme à cette discussion, prétexta une somme imp
ortante de travail pour s'engouffrer dans la cage d'escalier et rejoindre son bureau.

  Encore énervé par tout ce qui lui arrivait, le major sortit de son placard une petite bouteille de whisky et en ingurgita deux rasades pour se calmer. Un bruit provenant du bureau de Caramany lui fit interrompre sa dégustation. Trouvant cela bizarre, il pensa un instant que Sarras était probablement rentré. Léognan resta interloqué lorsqu'il franchit la porte du bureau du lieutenant. Saint Hilaire, à genou, fouillait dans les documents du défunt policier qui jonchaient encore le sol, depuis la perquisition de l'I.G.S.. Le subalterne lâcha un « patron ! » qui fit sursauter le visiteur. Le major ne sut s'il devait rectifier sa position en signe de respect ou sortir son arme pour le mettre en joue. Hésitant, il resta immobile, pantois, devant l'incroyable apparition.

  – Je ne l'ai pas tué ! dit Saint Hilaire énergiquement. Sinon je ne serais pas là à chercher des indices, ajouta-t-il pour convaincre son assistant.

  Le bon major écouta attentivement la version de son patron. Atterré par ce qu'il apprenait, sa première réaction fut d'aborder ce qui le touchait de plus près.

  – Mais qui a bien pu pénétrer de nuit dans le commissariat pour dérober le couteau puis le remettre à sa place ? interrogea-t-il.

  Saint Hilaire n'avait pas de réponse. Son silence affola son adjoint.

  – Vous ne croyez tout de même pas que j'aie pu être capable de cela ? fit-il, offusqué.

  – Bien sûr que non ! rassura le commissaire. Mais j'ai besoin que vous répondiez franchement à une question...

  Sans s'encombrer de préambule, Saint Hilaire lui demanda s'il était au courant d'une liaison extraconjugale qu'aurait pu entretenir sa femme avec quelqu'un de son entourage. La surprise s'imprima sur le visage du major. Le commissaire comprit rapidement que Léognan n'avait rien à voir avec toute cette histoire.

  – Et Sarras ! Aurait-il pu venir chercher le couteau au commissariat ? demanda Saint Hilaire.

  – Sarras ! Mais c'est impossible !

  Le policier était stupéfait des soupçons émis par son patron.

  – C'est moi, commissaire, qui ai découvert le couteau accroché à la fenêtre ! Et lorsque nous avons réfléchi à ce que nous devions en faire, Sarras voulait à tout prix que nous le remettions au commissaire Wuenheim. Et c'est encore moi qui ai insisté pour qu'on le replace là où il se trouvait. Il n'aurait donc pas pu imaginer un tel plan !

  Saint Hilaire pestait. Il ne savait plus où chercher. Ses pistes se terminaient en queue de poisson. Les dossiers de Caramany avaient été pillés par les enquêteurs de l'I.G.S.. Il ne restait plus rien d'intéressant. Comment allait-il procéder pour identifier le tueur machiavélique de sa femme et de son adjoint ? Comment allait-il dénouer les nœuds de cette histoire ? Ses espoirs s'amenuisaient peu à peu sans qu'il ait les moyens de réagir.

  Voyant le triste état dans lequel se trouvait son chef, le major lui proposa de déjeuner. Un bon repas le requinquerait sûrement. Pour une fois, Pierre Saint Hilaire accepta l'invitation.

  ***

  Le commissaire stagiaire Le Taillan râlait tout seul dans sa voiture. Il aurait aimé partir avec son chef dans l'agence de location de mannequins. Ce n'était pas tous les jours que les suspects étaient de superbes femmes. Mais, comme d'habitude, les tâches ingrates lui revenaient, le commissaire Wuenheim se gardant le meilleur pour lui-même. Un appel du commissariat des Grandes Carrières, dans le 18e arrondissement de Paris, avait demandé l'intervention de l'Inspection générale des services sur une affaire suspecte. Son supérieur, de mauvais poil, l'avait assigné à cette tâche, d'un regard glacial. La décision était sans appel. Le haut fonctionnaire se fit donc une raison et partit en direction de la butte Montmartre.

  Deux véhicules de police attendaient au milieu de la rue, l'arrivée de Le Taillan. Un policier en tenue l'accueillit par un salut militaire et le conduisit dans une impasse pour retrouver l'officier de police judiciaire. L'enquêteur le salua respectueusement et lui fit découvrir un corps sans vie dans une benne à ordures. Le commissaire stagiaire crut reconnaître une femme. Des immondices recouvraient en partie le cadavre. L'odeur était insoutenable. Le Taillan, déjà sur les nerfs, ne comprenait pas pourquoi on l'avait fait se déplacer. C'était encore une fois une erreur d'attribution. Lui s'occupait de flics corrompus et n'avait rien à voir avec un vulgaire assassinat. Il demanda à ce qu'on appelle la Brigade criminelle qui était compétente pour ce genre d'affaire. L'enquêteur ayant procédé aux premières constatations, garda un calme impérial en voyant le commissaire stagiaire faire demi-tour en direction de sa voiture. Il se permit alors de répondre aux reproches de Le Taillan :

  – Ce n'est pas une erreur, monsieur le commissaire, dit-il en insistant sur sa fonction. Je vous ai fait venir jusqu'ici parce qu'il s'agit du cadavre de la dénommée Mélanie Bouzy !

  Chapitre Vingt

  Les toilettes spartiates de l'Inspection générale des services étaient le théâtre d'une drôle de cohue. Une dizaine de fonctionnaires se nettoyaient les bras et les visages. Des résidus de sang coloraient l'émail des lavabos. Chaque policier auscultait ses blessures et prélevait dans la boîte à pharmacie les pansements pour couvrir ses plaies. Wuenheim faisait partie des blessés. Devant une glace, il examinait les griffures qui défiguraient son visage. Une trace profonde de quatre centimètres de long, placée sous son œil droit, le faisait extrêmement souffrir. L'entaille, causée par un ongle manucuré à la perfection, ne cessait de saigner. Tout en retenant un coton pour absorber le sang, il contemplait sur son avant-bras droit l'empreinte laissée par une mâchoire volontaire. Folles, furieuses, sauvages, enragées, étaient les termes employés par les policiers pour qualifier les deux mannequins rebelles. Lorsque Wuenheim leur avait énoncé le motif de sa visite, et surtout détaillé les charges qui pouvaient être retenues à l'encontre de Rebecca Fortia, sa sœur Monica s'était mise dans une colère folle. Elle avait sauté sur sa jumelle et s'était mise à lui crêper le chignon. Les policiers, voulant séparer les deux beautés, se retrouvèrent devant deux furies. Face à cette intrusion dans leur dispute familiale, Rebecca et Monica Fortia retournèrent leur hargne contre les fonctionnaires de police venus les arrêter. Claques, coups de pied, griffures et morsures furent assénés aux assaillants. L'esclandre dura de longues minutes avant que les policiers ne puissent maîtriser la situation. Menottées aux poignets et aux mollets, elles continuèrent d'agresser les agents de police par un flot d'insultes imagées.

  Wuenheim ressortit des toilettes avec la ferme intention d'auditionner les deux sœurs et d'obtenir d'elles les informations nécessaires pour pouvoir enfin capturer Saint Hilaire. Dans le couloir, il croisa le commissaire stagiaire Le Taillan, sourire aux lèvres, heureux finalement de n'avoir pas été invité à cette navrante opération. Lorsqu'il fit son compte-rendu à son supérieur, ce dernier se liquéfia de stupeur. Saint Hilaire effaçait les traces qui le reliaient au meurtre de sa femme. Si la poursuite devait se prolonger, Wuenheim n'aurait bientôt plus de preuves à déposer sur le bureau du juge pour faire inculper son confrère. Cette enquête était un véritable calvaire autant sur le plan professionnel que personnel. Il pensait que le fait de remuer ciel et terre, aurait forcé son suspect numéro un à se terrer en attendant des jours meilleurs. Mais au lieu de cela, Saint Hilaire continuait à déjouer les filets tendus par les services de police. Il réussissait à se déplacer dans la ville sans être inquiété le moins du monde. Cela ne pouvait continuer. Et les deux femmes qui patientaient dans la salle d'audition allaient devoir lui fournir des renseignements crédibles pour qu'il réussisse à mettre un terme à cette cavale. Pressé d'en finir, il pénétra dans la pièce en ordonnant au capitaine Poncey de l'assister dans son interrogatoire.

  Après avoir été associées pour défigurer les policiers qui avaient osé pénétrer dans leur agence, les deux sœurs jumelles boudaient maintenant, chacune dans son coin. Un agent de police silencieux les observait, assis sur un tabouret. Monica comptait le nombre d'ongles cassés à chacune de ses mains to
ut en maintenant sa chemise déchirée pour éviter aux yeux baladeurs de lorgner sur ses seins. Rebecca se tenait la tête entre les mains, dissimulant son visage sous sa chevelure ébouriffée. Elle n'avait pas eu le temps de se changer, et portait encore la robe de soirée qu'elle avait déchirée en pénétrant chez le détective privé, laissant apercevoir des jambes auxquelles ne pouvait rester insensible le jeune agent de police chargé de leur surveillance. Lorsque Wuenheim pénétra dans la pièce, suivi de près par le capitaine Poncey, le policier en tenue se mit au garde-à-vous et salua ses supérieurs en tremblant de tout son corps. Cette marque de déférence fit sourire l'insoumise Monica Fortia. Le seul regard peu aimable de Wuenheim suffit à faire déguerpir le jeune fonctionnaire de police. Le commissaire laissa tomber volontairement son dossier sur la table. Les deux femmes se redressèrent. Poncey resta debout au fond de la pièce à les observer. Leur ressemblance était parfaite. Monica était brune et Rebecca blonde, mais leur visage ainsi que le reste du corps étaient quasi identiques. Il n'aurait pu dire laquelle des deux était la plus fine ou la plus grande. Même leurs poitrines semblaient avoir été façonnées dans le même moule. Leurs regards sauvages lui firent penser que Wuenheim n'était pas encore au bout de ses peines. Ce dernier s'installa face à elles afin de commencer l'interrogatoire.

  – C'est dur de garder son calme lorsque sa propre sœur jumelle vous ment ! adressa-t-il à l'attention de Monica.

  Cette dernière garda le silence même si elle n'en pensait pas moins. Poncey admira la manière avec laquelle son chef amorçait l'audition. Il utilisait une vieille technique policière qui consistait à déstabiliser leur solidarité pour obtenir la vérité. Wuenheim ouvrit son dossier et récapitula l'ensemble des faits depuis la rencontre de Saint Hilaire avec Rebecca dans le train Florence-Paris, jusqu'à leur cache dans l'appartement d'Irène Pupillin. Il précisa que ce logis avait hébergé en son temps la défunte Marthe Saint Hilaire. A l'énoncé détaillé des charges qui pesaient sur le commissaire Saint Hilaire, les yeux bleus de Monica Fortia s'assombrirent. Comment sa sœur avait-elle pu se laisser entraîner dans une telle cavale ? Comment avait-elle pu se laisser convaincre aussi facilement de l'innocence de ce policier ? Monica était déroutée. D'ordinaire, elles s'entendaient parfaitement, partageant les mêmes intuitions. Elle essaya de comprendre pourquoi, pour la première fois, leurs routes s'étaient écartées. Son esprit était partagé entre un sentiment de tristesse et celui d'une profonde colère. Les deux policiers le remarquèrent sur son visage crispé.

 

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