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La Vallée des chevaux

Page 66

by Jean M. Auel


  Elle commença par poser un gros galet lisse sur l’enclume en os de mammouth. Puis elle prit la canine qui lui servait de retouchoir et, l’appuyant sur le galet, elle s’en servit pour faire une entaille en forme de V au milieu du bord le plus long de son troisième éclat. L’entaille était suffisamment large pour que cet outil permette de tailler en pointe l’extrémité d’une lance. Avec un éclat ovale un peu plus long, toujours selon la même technique, elle fabriqua un outil qui permettrait de percer des trous dans le cuir, le bois ou l’os.

  N’ayant pas besoin pour l’instant d’autres outils, elle décida de conserver les deux éclats qui restaient comme ébauches qu’elle ne façonnerait que plus tard. Après avoir repoussé son enclume en os, elle réunit les quatre coins de la peau et alla jeter les déchets de silex dans sa décharge, de l’autre côté de la saillie rocheuse. Les déchets du débitage étaient très coupants et capables d’entailler la plante des pieds, aussi épaisse fût-elle.

  Jondalar n’avait rien dit. Mais quand elle revint, elle vit qu’il examinait ses outils, les prenant l’un après l’autre dans sa main comme s’il les essayait.

  — Je vais t’emprunter la peau avec laquelle tu te protèges les jambes, dit-il.

  Ayla lui tendit la peau. Elle était heureuse d’en avoir fini avec sa propre démonstration et curieuse de voir ce qu’il allait faire. Après avoir placé la peau entre ses jambes, Jondalar réfléchit un court instant, les yeux clos, puis, les rouvrant, il choisit un des rognons et l’examina de près.

  Le minéral siliceux avait été arraché à des dépôts calcaires qui dataient du crétacé. Même s’il avait été transporté par la rivière en crue à travers l’étroit canyon situé en amont, puis abandonné sur la plage rocheuse, son enveloppe crayeuse témoignait encore de son origine. Parmi tous les minéraux qu’on rencontrait dans la nature, le silex était le mieux adapté à la fabrication d’outils. C’était une pierre dure et pouvant néanmoins être travaillée, grâce à sa structure cristalline minuscule. La forme qu’on lui donnait n’était limitée que par l’habileté de celui qui le taillait.

  Jondalar était en train de chercher les caractéristiques distinctives du silex calcédoine, le plus clair et le plus pur. Il écarta tous les silex fissurés, ainsi que ceux qui, frappés à l’aide d’une autre pierre, émettaient un son indiquant des défauts ou des inclusions. Il finit par en sélectionner un.

  Tenant le silex de la main gauche, il le posa sur sa cuisse et, de la main droite, il attrapa le percuteur en pierre et le fit sauter plusieurs fois dans sa main pour s’habituer à son contact. C’était un nouvel outil qu’il ne connaissait pas encore et chaque percuteur avait sa personnalité. Quand il l’eut bien en main, il frappa le silex, détachant un large morceau de l’enveloppe gris blanchâtre. A l’intérieur, le silex était d’un gris plus pâle que celui qu’Ayla avait taillé et il avait des reflets bleuâtres. Un grain serré. Une bonne pierre. Un bon présage. Jondalar continua à frapper.

  C’est vraiment un expert, se dit Ayla qui l’observait. Parmi tous ceux qu’elle avait regardés travailler, seul Droog était capable de façonner une pierre avec une telle assurance. Mais la forme que Jondalar était en train de donner au silex était fondamentalement différente. Ayla se pencha pour observer le rognon de plus près.

  Au lieu d’être ovoïde, le noyau de Jondalar était cylindrique, sans être tout à fait circulaire. En détachant des éclats des deux côtés, il était en train de former une arête qui courait sur toute la hauteur du cylindre. Quand il eut fini de retirer l’enveloppe crayeuse du silex, cette arête était encore inégale et onduleuse. Il posa son percuteur et saisit à la place un merrain de cervidé qui avait été coupé juste au-dessous du premier andouiller afin de supprimer toutes les branches.

  Il utilisa ce percuteur pour débiter des éclats plus petits et rendre l’arête parfaitement rectiligne. Lui aussi, il était en train de préparer son noyau. Mais il ne comptait pas détacher de gros éclats dont la forme serait déterminée d’avance. Quand il fut satisfait de l’arête, il choisit un instrument qui, depuis le début, intriguait Ayla. Il s’agissait là encore d’un morceau de bois de cerf. Plus long que le premier, il portait deux branches qui sortaient de la tige centrale, dont la base était taillée en pointe.

  Jondalar se mit debout et, bloquant le silex avec son pied, il plaça l’extrémité pointue de l’instrument juste au-dessus de l’arête taillée avec soin. Il saisit de la main gauche la branche la plus haute de telle sorte que l’autre, plus basse, se trouve face à lui. Puis, à l’aide d’un os long et massif, il frappa sur cette dernière.

  Une fine lame tomba sur le sol. Sa longueur correspondait à la hauteur du cylindre en silex et sa largeur représentait à peu près le sixième de sa longueur. Jondalar examina la lame au soleil, puis il la montra à Ayla. La lame laissait passer la lumière. L’arête courait au milieu de la face externe sur toute sa longueur et cette lame possédait deux côtés tranchants.

  En plaçant la pointe du perçoir en andouiller directement sur le silex, il n’était pas obligé de calculer avec autant de précision le point d’impact et la force de son coup. La puissance du choc était dirigée exactement où il le désirait et comme elle se propageait à travers deux objets intermédiaires élastiques – le percuteur en os et le perçoir en andouiller – l’éclat n’avait pratiquement pas de bulbe de percussion. C’était une longue lame étroite et uniformément fine.

  La technique de taille de Jondalar représentait un perfectionnement révolutionnaire. L’important n’était pas seulement la lame qu’il venait de débiter mais la cicatrice que celle-ci avait laissée dans le noyau. L’arête avait disparu. A sa place se trouvait un long sillon encadré par deux arêtes. C’était là le but de son travail de préparation. Il déplaça le perçoir pour que la pointe de celui-ci se retrouve au-dessus d’une des deux arêtes, puis il frappa à nouveau avec son percuteur en os. Une autre longue lame se détacha, laissant deux autres arêtes sur le noyau. Jondalar renouvela l’opération.

  Lorsqu’il eut terminé, il avait réussi à débiter dans le noyau d’origine vingt-cinq lames. Soit quatre fois le nombre d’ébauches débitées par Ayla dans le même volume de silex. Ces lames, longues, minces et aux bords tranchants, auraient pu être utilisées telles quelles comme instruments à découper, mais il ne s’agissait pas de produits finis. Elles allaient être façonnées pour répondre à toutes sortes d’usages et utilisées avant tout pour fabriquer d’autres outils. Selon la forme et la qualité du noyau de base, on pouvait, grâce à cette technique perfectionnée, tirer jusqu’à sept fois plus d’ébauches qu’Ayla à partir d’un noyau de taille équivalente. Cette nouvelle méthode ne permettait pas simplement au tailleur de silex de mieux contrôler son travail, elle donnait aussi au peuple des Cavernes une supériorité incomparable.

  Jondalar saisit une des lames et la tendit à Ayla. Elle en vérifia aussitôt le tranchant en y appliquant légèrement son pouce, puis elle appuya sur le bord effilé pour mesurer sa résistance et retourna la lame. Ses deux extrémités étaient recourbées. Cela venait de la nature du matériau de base. Mais cette caractéristique était encore plus apparente à cause de la finesse de la lame. Lorsqu’elle ouvrit la main, elle vit que la lame oscillait sur son dos bombé. Sa forme incurvée ne l’empêchait pas d’être parfaitement fonctionnelle.

  — Jondalar, c’est vraiment... vraiment merveilleux ! Très important ! Tu en as taillé tellement... Et ce n’est qu’un début, n’est-ce pas ?

  — Ce n’est qu’un début, en effet, reconnut-il en souriant.

  — Ces silex sont si fins et si beaux ! Ils doivent se casser plus facilement que les miens, mais en retouchant les extrémités, je suis sûre qu’on peut en tirer des grattoirs solides.

  Ayla avait l’esprit pratique et elle imaginait d’avance les outils qui pourraient être fabriqués à partir de ses ébauches.

  — Des grattoirs et aussi des couteaux. Pour faire un couteau, il faut façonner une soie qu’on encastrera ensuite dans un manch
e.

  — Je ne sais pas ce que c’est qu’une « soie ». Jondalar prit une des lames pour lui expliquer.

  — Je vais commencer par émousser le dos de cette lame et tailler une des extrémités en pointe : cette partie constituera la lame du couteau. Si je détache quelques éclats sur la face interne de la lame, je pourrai même la redresser un peu. Et maintenant, à peu près à mi-hauteur de la lame, je vais détacher par pression des éclats pour former un talon terminé par une pointe. C’est la pointe qui s’appelle la soie.

  Jondalar s’interrompit un court instant pour prendre un bout d’andouiller.

  — Pour que mon couteau ait un manche, il suffit que j’encastre cette soie dans un morceau d’os, de bois ou d’andouiller comme celui-ci. Il faut d’abord faire tremper le morceau d’andouiller dans de l’eau bouillante pour le ramollir, puis faire pénétrer en force la soie au centre, là où le bois est le plus tendre. Quand l’andouiller sèche, il se resserre autour de la soie et le manche tient souvent très longtemps sans qu’on ait besoin de l’attacher ou de le coller.

  Fascinée par cette nouvelle méthode, Ayla avait très envie de s’y essayer mais elle craignait d’enfreindre les coutumes ou les traditions du peuple de Jondalar. Il ne s’était pas formalisé de voir qu’elle chassait. Allait-il pour autant accepter qu’elle fabrique le même genre d’outils que les siens ?

  — J’aimerais essayer... Est-ce que tu vois un... inconvénient à ce que les femmes fabriquent des outils ?

  Sa demande fit plaisir à Jondalar. Les outils fabriqués par Ayla exigeaient une bonne dose d’habileté. Le meilleur tailleur de silex n’était jamais absolument sûr d’arriver au résultat souhaité. Et le plus mauvais pouvait réussir à fabriquer un outil potable – il suffisait de casser un silex accidentellement pour en tirer quelques éclats utilisables. Jondalar aurait donc très bien admis qu’Ayla essaie de défendre sa propre méthode. Mais elle semblait avoir saisi quel progrès représentait la sienne et avait envie de l’essayer. Comment aurait-il réagi si quelqu’un lui avait montré une technique constituant un progrès aussi radical ?

  Je me serais empressé de l’apprendre, se dit-il en souriant.

  — Les femmes peuvent être d’excellentes tailleuses de silex, répondit-il. Joplaya, ma cousine, est aussi habile que moi. Mais je me suis bien gardé de le lui dire. Elle est si taquine qu’elle n’aurait pas arrêté de le plaisanter à ce sujet, ajouta-t-il en souriant à ce souvenir.

  — Dans le Clan, les femmes ont le droit de fabriquer des outils, mais pas des armes.

  — Chez nous, les femmes peuvent fabriquer des armes. Quand un homme part chasser, il perd ou casse beaucoup d’outils et d’armes. Si sa compagne est capable d’en fabriquer, il en a toujours en réserve. C’est donc un avantage. En plus, les femmes sont plus proches que les hommes de la Mère. Certains hommes pensent que les armes fabriquées par les femmes portent chance lors de la chasse. Mais quand un chasseur revient bredouille, il en rejette toujours la faute sur celui qui a fabriqué les armes – et tout spécialement sur sa compagne.

  — Crois-tu que je pourrais apprendre ?

  — N’importe qui capable de fabriquer des outils comme les tiens est capable d’apprendre à en fabriquer selon ma méthode.

  — Non, intervint Ayla après avoir réfléchi à la réponse de Jondalar. Je ne crois pas.

  — Bien sûr que tu en serais capable !

  — Ce n’est pas ce que je voulais dire. Moi, en effet, je suis capable d’apprendre cette technique. Droog le pourrait aussi, à mon avis. Mais les autres membres du Clan en seraient incapables. Tout ce qui est nouveau est très difficile pour eux. Ils n’apprennent qu’en puisant dans leurs souvenirs.

  Sur le coup, Jondalar crut qu’elle plaisantait. Mais non, elle était tout à fait sérieuse. Si elle disait vrai, cela voulait dire que même si on leur en donnait la possibilité, même s’ils le désiraient, les tailleurs de silex du Clan étaient incapables d’apprendre !

  Grâce à Ayla, Jondalar commençait à mieux connaître les Têtes Plates. Avant qu’elle ne lui en parle, jamais il n’aurait pensé qu’ils fabriquaient des outils, communiquaient entre eux ou qu’ils puissent avoir pitié d’une enfant perdue. Ayla mise à part, il en savait certainement plus maintenant sur les Têtes Plates que la plupart des gens. Cela pourrait être utile un jour...

  Le fait de repenser aux Têtes Plates lui rappela soudain ce qui s’était passé la veille et il ne put s’empêcher de rougir de honte. Totalement absorbé par la taille du silex, il avait oublié son inqualifiable conduite. Il avait regardé Ayla travailler sans vraiment remarquer que ses longues tresses dorées brillaient dans la lumière, faisant ressortir sa peau bronzée, et que ses yeux gris-bleu étaient de la même couleur translucide que le silex calcédoine qu’il venait de tailler.

  Oh, Doni ! Comme elle est belle ! se dit-il. Prenant soudain conscience qu’elle était assise tout à côté de lui, il sentit son sexe se durcir. Et son regard trahit ce qu’il éprouvait.

  Son changement d’humeur était tellement inattendu qu’il prit Ayla au dépourvu. Comment un homme pouvait-il posséder des yeux d’un tel bleu ? Ni le ciel ni les gentianes qui poussaient dans les montagnes près de la caverne du Clan n’arboraient un bleu aussi profond. Elle ressentait à nouveau... ce sentiment si étrange : des fourmillements dans tout le corps et le désir qu’il la caresse. Elle était penchée en avant, comme s’il la tirait vers lui, et ce n’est qu’au prix d’un effort surhumain qu’elle réussit à fermer les yeux et à se reculer.

  Pourquoi me regarde-t-il ainsi alors que je suis un monstre ? se demanda-t-elle. Pourquoi ne peut-il me toucher sans aussitôt bondir comme s’il venait de se brûler ? Son cœur battait la chamade et elle était aussi essoufflée que si elle venait de courir.

  Jondalar s’était levé avant qu’elle ne rouvre les yeux, renversant la peau qui lui couvrait les jambes et éparpillant les lames qu’il venait de tailler avec tant de soin. Ayla le vit disparaître derrière la saillie rocheuse. La démarche raide, les épaules voûtées, il semblait malheureux – aussi malheureux qu’elle.

  Une fois hors de sa vue, il se mit à courir, dévalant la prairie à toute vitesse jusqu’à ce que les jambes lui fassent mal et qu’il ne puisse plus respirer. Il ralentit alors et s’arrêta, haletant.

  Imbécile ! se dit-il. Qu’est-ce qui t’a pris ? Ce n’est pas parce qu’elle a eu la gentillesse de t’offrir quelques silex qu’elle veut t’accorder plus ! Hier, elle s’est sentie blessée parce que tu ne lui as pas proposé de... Mais c’était avant que tu fiches tout en l’air !

  Jondalar n’avait aucune envie de repenser à ce qui s’était passé la veille. Il imaginait ce qu’elle avait dû ressentir en voyant sa moue de dégoût. Nous en sommes toujours au même point, se dit-il. N’oublie pas qu’elle a vécu avec des Têtes Plates. Pendant des années. Qu’elle est devenue une des leurs. Qu’un de leurs mâles...

  Il s’obligea à fouiller dans sa mémoire, ramenant au jour toutes les anecdotes obscènes, répugnantes et immondes qui, au sein de la Caverne, se rapportaient aux Têtes Plates – donc à Ayla. Lorsque, jeune garçon, il se cachait avec d’autres enfants de son âge dans les buissons pour échanger des gros mots, « femelle Tête Plate » en faisait partie. Un peu plus tard – il n’était pas beaucoup plus vieux, mais savait ce que voulait dire « se faire une femme » – il s’était retrouvé avec les mêmes garçons dans un des coins sombres de la caverne pour parler à voix basse des femelles Têtes Plates qu’ils allaient se faire et de ce qu’il leur arriverait s’ils osaient commettre un tel acte.

  A cette époque, l’idée qu’un mâle Tête Plate puisse faire la même chose avec une femme était pour lui impensable. Il en avait entendu parler pour la première fois lorsqu’il était jeune homme. Quand ses amis racontaient des cochonneries, en riant sous cape comme des gamins, il était toujours question d’une femme et d’un mâle Tête Plate, l’histoire la plus ordurière étant celle d’un homme qui, en toute ignorance, avait partagé les Plaisirs avec une femme souillée par
un Tête Plate. Le piquant de la plaisanterie était là : qu’il l’ait fait en toute ignorance.

  En revanche, jamais on ne plaisantait au sujet des monstres – ou des femmes qui les portaient. Ces monstres étaient des mélanges impurs d’esprits, des créatures malfaisantes lâchées sur terre, que même la Mère, pourtant génératrice de toute vie, avait en horreur. Et les femmes qui mettaient ces abominations au monde étaient intouchables.

  Ayla était-elle vraiment impure ? Souillée ? Répugnante ? Un monstre ? Elle, si honnête et si droite ! Et qui connaissait l’art de guérir. Si sage, si courageuse, si gentille et si belle. Est-ce qu’une femme d’une telle beauté pouvait être impure ?

  Je suis certain qu’elle ne comprendrait même pas ce que ce mot veut dire, songea Jondalar. Mais que penseront d’elle ceux qui ne la connaissent pas ? Comment vont-ils réagir quand elle leur dira qu’elle a été élevée par des Têtes Plates ? Quand elle leur parlera de son... fils ? Que va penser Zelandoni ? Ou Marthona ? Car elle ne leur cachera pas la vérité. Elle ne les laissera pas dire du mal de son fils et elle leur tiendra tête. Je pense qu’elle est capable de tenir tête à n’importe qui. Même à Zelandoni. Elle a le pouvoir de guérir et elle sait charmer les animaux : elle aurait très bien pu devenir une zelandoni... Mais si Ayla n’est pas un esprit malfaisant, pensa-t-il soudain, alors, tout ce qu’on dit des Têtes Plates est faux !

  Perdu dans ses pensées, Jondalar ne faisait pas attention à ce qui se passait autour de lui et, quand il sentit un museau dans le creux de sa main, il sursauta, tout étonné, puis caressa le poulain. Whinney était en train de brouter non loin de là. Quand Jondalar cessa de le caresser, le poulain bondit rejoindre sa mère. Jondalar reprit à pas lents le chemin de la caverne : il n’était nullement pressé de se retrouver en face d’Ayla.

 

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